8 mars 1943

Boeing B-17F-20-BO (s/n 41-24514 code BO-R)

Plouguenast (22)
(contributeurs : Philippe Dufrasne, Vincent Sevellec, Jean-Michel Martin, Daniel Dahiot)

B 17f 41 24514 otto buddenbaum
Profil couleur © Jean-Marie Guillou

368th bomb squadron usaaf
Equipage (306th BG, 368th BS) :


- (Pilote) 1st Lt. Otto A. BUDDENBAUM, matricule O-435852, né le 29/08/1918 à Kevil, Ballard County, Kentucky, tué
enterré Section C, site 658, Golden Gate National Cemetery, 1300 Sneath Lane, SAN BRUNO, CA 94066 (USA)

Le 1st Lt. Buddenbaum en tenue de pilote de l'USAAF, avec son grade de Lieutenant et son brevet de pilote en place sur sa veste.
Photo famille Buddenbaum

- (Co-Pilote) 1st Lt. Warren Peter EDRIS Jr., matricule O-789381, de New-York, prisonnier

- (Navigateur) 1st Lt. Wilton Douglas BIGGS, matricule O-789381, prisonnier

- (Bombardier) 1st Lt. Joseph Cuderly WILKINS, matricule O-724179, né le 22/06/1919, Nebraska, prisonnier

- (Mitrailleur supérieur) T/Sgt. Robert GUTHRIE, matricule 15069779, né le 19/10/1917, Virginie de l'Ouest, prisonnier

- (Opérateur radio) T/Sgt. Sylvester Louis HORSTMANN, matricule 37059997, né le 05/04/1918, Missouri, prisonnier

- (Mitrailleur ventral) S/Sgt. Robert Stanley LISCAVAGE, matricule 13025759, né le 02/071922, Pennsylvanie, prisonnier

-(Mitrailleur latéral gauche) Sgt. Ernest Thomas MORIARTY, matricule 11030793, né le 21/02/1922 à Winchendon, Massachusetts,  évadé

- (Mitrailleur latéral droit) Sgt. Donald Robert HUDDLE, matricule 18040529, né le 29/09/1919, prisonnier

- (Mitrailleur de queue) S/Sgt. Eulis Eugene SMITH, matricule 34189597, né le 06/11/1909, prisonnier

L'HISTOIRE


Photo Jean-Michel Martin (ABSA 39-45)

Vendredi 8 mars 1943, Plouguenast, Côtes Du Nord (22). Village de "Le Cas Rouge", chute du B-17 F, immatriculé 41-24514, codé BO-R, du 306th Bomb Group, 368th Bomb Squadron. 8th Air Force.

Contexte historique : le haut commandement des forces Alliées anglo-américaines en Angleterre, en ce début de mars 1943, décide qu’une mission de bombardement devra avoir lieu sur la zone de triage ferroviaire située à l’est de la gare de Rennes (Ille et Vilaine). Pour cela, les conditions météorologiques favorables sont attendues, c’est-à-dire un ciel dégagé pour une approche précise de ce carrefour important sur la ligne Paris-Brest. Les allemands occupent la Bretagne (que les Américains appellent Brest Péninsula) depuis juin 1940. Voilà 33 mois qu’ils imposent une occupation lourde de conséquences à la population Bretonne, la privant de LIBERTÉ et de bien d’autres choses, faisant de la vie de chacun un enfer, sans compter les représailles et les crimes dont ils sont les auteurs. La gare de Rennes est un axe ferroviaire stratégique. C’est par ce lieu que transitent tous les trains chargés d’hommes, de munitions, de carburant, de vivres etc.… De plus, c’est aussi par Rennes que l’occupant achemine tous les matériaux nécessaires à la construction du Mur de L’Atlantique, sans compter que le littoral de la Manche n’est pas en reste d’un bétonnage intense, blockhaus, abris, postes de tirs, etc... Mais aussi, de gigantesques bases pour leurs sous marins, les U-boot, ont été construites à Brest, Lorient et Saint-Nazaire. L’ennemi renforce également tous les aérodromes existants pour les mettre en conformité avec sa puissante aviation. Il devient urgent de porter un coup terrible à l’approvisionnement de la redoutable machine de guerre nazie.

Le 7 mars tombent les notes des observateurs météorologistes précisant une fenêtre anticyclonique sur plusieurs jours. Les conditions requises pour cette mission sont donc favorables. L’état major donne l’ordre d’opérer dès le lendemain mardi 8 mars, sachant que les renseignements fournis par la résistance française au quartier général à Londres viennent appuyer cette décision. Les quatre groupes de bombardements sont désignés. Dès trois heures du matin, un premier briefing réunit les pilotes dans leurs unités respectives. Il faut comme dans toute mission une coordination exemplaire. On ne doit rien laisser au hasard. Les groupes de bombardiers lourds désignés sont les suivants : le 303rd basé à Molesworth Airfield dans le Huntingdonshire avec 19 Boeing B-17, le 305th basé à Chelveston Airfield dans le Northamptonshire avec 18 Boeing B-17, le 306th basé à Thurleigh, dans le Bedfordshire, avec 16 Boeing B-17 et enfin le 91st basé à Bassingbourn dans le Cambridgeshire (abrégé Cambs) avec 14 Boeing B-17 soit un total de 67 avions quadrimoteurs mobilisant une dizaine d’hommes par B-17, soit environ 670 hommes. Toute cette armada aérienne va être épaulée par 4 squadrons de Spitfire Mk IV de la Royal Air Force venant en groupe de protection face à la redoutable chasse Allemande de la Luftwaffe.

Le seul et non moins important problème de ce groupe de défense sera l’autonomie en carburant. En effet nous sommes au début de l’année 1943 et le Spitfire n’a pas encore reçu l’évolution qu’il connaîtra par la suite. Au sein de cette escorte, onze Spitfire pilotés par des officiers pilotes de groupes Tchèques incorporés au sein de la RAF seront aux côtés des bombardiers, ce qui rassure les aviateurs américains. Le no 313 squadron décollera de Churchstanton dans le Somerset, le no 310 décollera d'Exeter, et les no 312 et 602 décolleront de la base RAF Harrowbeer. Toutes ces bases aériennes sont implantées dans le Devonshire. Leur mission d’accompagnement prendra fin peu avant la cible, cet à dire Rennes. Un nouveau briefing a lieu à 9 heures 30 sur chaque base. Les équipages sont constitués et reçoivent les directives sur tel ou tel avion. Les pilotes reçoivent également les ordres de décollage. Ce sera 11h30 pour le 306th BG et 11h46 pour le 91st. Pour le 305th ce sera à midi et pour le dernier groupe 12h05. Sur la base de Thurleigh (Devon), le B-17 immatriculé 41-24514, codé BO-R, appartenant au 368th Bomb Squadron est en préparation pour cette mission sur Rennes. Tout à côté, sur la même base, 15 autres quadrimoteurs sont en préparation toujours pour cette même mission. Les armuriers sont au travail : un groupe s’affaire au chargement des bombes et un autre groupe approvisionne les magasins des mitrailleuses de calibre 50, soit environ 400 kilos de cartouches de ce type pour tout l’avion. Le ravitaillement en carburant est effectué avec grand soin, vu la dangerosité de l’ensemble. Les mécaniciens ne sont pas en reste car en effet cet avion a eut des problèmes moteurs lors de la dernière sortie, et toute la maintenance à du être revue avec le plus grand sérieux. Une révision générale a été effectuée. L’appareil est déclaré apte au vol. 

Soudain un bruit de moteur attire l’attention. Une camionnette s’arrête prés de l’avion. Ce véhicule amène l’équipage au complet soit une dizaine d’hommes. Dans son livre "One day into twenty three" ("une journée sur vingt-trois") écrit pendant sa retraite, le sergent Ernest Moriarty portera grande attention à ses frères d’armes. Si jeunes engagés dans des missions difficiles, ils verront naître entre eux bien plus que de l’amitié mais une grande fraternité. Il en parle d’une manière simple mais empreinte de sensibilité.


Otto Buddenbaum - Photo famille Buddenbaum

Le pilote sera le 1st Lieutenant Otto Buddenbaum, que ses camarades surnomme "Budd", âgé de 26 ans. Il est originaire de Atwater, en Californie. C'est un pilote expérimenté, de haute stature, aux cheveux blonds, très patient, à la voix douce des gens du sud. Il présente derrière cet aspect un caractère ferme et résolu. Il est considéré comme un des meilleurs pilotes du groupe. Son équipage ou ceux qui ont volé avec lui, lui font entièrement confiance et le considère comme un chef très apprécié. Le co-pilote pour cette mission n'est pas celui qui est à ce poste habituellement. Ce dernier est malade. Au briefing le commandant a demandé au 1st lieutenant Warren Peter Edris (voir ci-dessous le récit de M. Messager) de venir lui demanda s’il était partant. Il répondit positivement. Il est originaire de Manhasset, Long Island, état de New-York. Le navigateur sera le 2nd Lieutenant Robert Biggs, originaire de Wishita dans le Kansas. C’est un homme grand, mince, aux cheveux noirs. Un homme réservé au tempérament très calme. Il est le seul marié de l’équipage. Le 2nd Lieutenant Joseph Wilkins est le bombardier de l’équipage, originaire de Washington DC ; très dynamique et très sympathique, il porte le surnom de "P’tit Jo" a cause de sa petite taille. Le sergent Robert Guthrie est originaire de Padan City, dans l’ouest de la Virginie ; homme à la voix douce et traînante, au sens de l’humour très développé. Nous ne savions jamais s’il plaisantait ou s’il était sérieux dit le sergent Moriarty. Il sera interné au Stalag 17B Braunau Gneikendorf, près de Krems, Autriche 48-15.

 

Le Sergent Sylvester Horstmann est un ami personnel du pilote, le Lt. Buddenbaum ; les deux hommes sont très liés et se retrouvent souvent en équipage. Leurs deux noms à consonance germanique les faisaient appeler par le reste du groupe "l’équipage allemand". Joyeux, bout en train, cheveux roux, rire communicatif, il est le radio de l’équipage. Il est originaire de Brookport, dans l’Illinois. Le Sergent Donald Huddle est originaire de Red Cak, dans l’Iowa ; homme maigre, profondément religieux, calme, avec une très grande force intérieure, il est mitrailleur latéral droit. Le Sergent Eulis Smith, originaire des collines du Tennessee, surnommé "Smitty" par ses amis, homme de grande taille, avait la particularité de toujours mâcher un chewing gum. Cheveux blonds avec une raie au milieu, il n’avait rien d’un mitrailleur et pourtant il occupe la tourelle ventrale sous l’avion (boule). Le Sergent Robert Liscavage, originaire de Wilkes Barre en Pennsylvanie, est le mitrailleur de queue. Il est grand, maigre, aux pommettes saillantes, avec des cheveux noirs. Très sérieux mais plein d’un humour délicieux, il n’en était pas moins très discret. Il disait toujours qu’il était le vieil homme de l’équipage. Fait prisonnier, il sera interné au Stalag Luft 3 Sagan-Silesia Bavaria, puis à Nuremberg-Langwasser.


B-17 du 306th BG en vol de formation

Photo source inconnue

Il est 11 heures 15 sur l’aérodrome de Thurleigh. Les 16 bombardiers lourds se préparent au décollage. Le B-17 du Lieutenant Buddenbaum est enfin prêt pour sa mission. Tous les hommes sont à leur poste. Arrivé en bout de piste, le 41-24514 se positionne. Le pilote a serré les freins et mis en puissance les quatre moteurs qui "ronflent" à plein régime entraînant les hélices à leur extrémité. L’ordre de décollage est reçu, le pilote libère les freins entraînant en avant le lourd appareil. La vitesse est de plus en plus rapide puis soudain c’est l’envol. Le sergent Moriarty, dans son livre, expliquera qu’il aura fallut presque toute la longueur de la piste pour quitter le sol. La piste s’éloigne, les pilotes s’affairent à vérifier tous les instruments de bord. L’avion prend de l’altitude. Un peu de retard a été pris mais il sera facile de reprendre le cours du vol des autres avions dans le but de rejoindre le point de rassemblement au dessus de la Manche, au large de Portland. Dans la radio, déjà d’autres appareils signalent à la base des problèmes souvent d’ordre mécanique. Ils reçoivent un ordre de retour immédiat. Sur les 67 B-17 qui décollerons ce jour là pour cette mission, 13 ferons le retour suite à ces problèmes. Le B-17 du Lieutenant Buddenbaum a reçu l’ordre de se positionner dans la formation appelée combat box, le dernier avion situé à l'extrême gauche dans le dernier groupe de la formation. Cette position n’est pas appréciée des aviateurs. Ils l’appellent "La Purple Heart" (le cœur pourpre), du nom de la récompense suprême accordée aux soldats morts au combat ou grièvement blessés. Dans d’autres groupes, cette position est appelée "Coffin corner" (le coin du cercueil). Le sergent Moriarty écrit que ce jour là, en tant que mitrailleur latéral gauche, il voyait sur sa droite les autres avions tandis qu’à l’opposé, il voyait le ciel bleu qui, pour l’instant, n’était pas ponctué d’avion ennemi.

Insigne mitrailleur usaaf
Brevet de mitrailleur USAAF

La traversée de la Manche se passe sans problème. Soudain apparaît par les hublots la présence rassurante des avions amis des Tchèques avec leurs 11 Spitfire. Les Américains sont rassurés de les voir à leurs côtés. Dans le haut parleur, la voix du pilote annonce l’approche de l’île de Guernesey, où se déclenche le feu des batteries antiaériennes. La formation est hors de portée, car elle vole aux environs de 20 000 pieds (environ 7000 mètres), puis soudain le haut parleur retentit de nouveau : " la côte Bretonne est en vue à l’horizon mais soyez sur vos gardes, une dizaine de chasseurs ennemis sont signalés ". C’est aux abords de l’île de Bréhat qu’un combat aérien s’engage entre le Spitfire du Flight-Lieutenant Tchèque Benignus Stefan et de l'Unteroffizier Heinz Butteweg (Focke-Wulf 190) de la 8./JG 2 (8ème Staffel, du Jagdgeschwader 2 "Richthofen", 2ème Escadre de chasse). Le combat est terrible. Il entraînera la mort du pilote Tchèque qui viendra s’écraser sur la Pointe de Bilfot en Plouézec près de Paimpol (voir biographie Benignus STEFAN).

L'Uffz. Heinz Buteweg revendique ce Spitfire à 14h12, à 7 500 m ; il a apparemment attaqué la formation des Spitfire en protection à environ 500 m au dessus des B-17. Le III./Gruppe de la Jagdgeschwader 2 était commandé par le Gruppenkommandeur, le Hauptmann Egon Mayer. La Stab III et les trois 7 ,8, et 9 Staffeln (escadrilles), qui composaient le III. Gruppe, étaient basées sur le terrain de Vannes-Meucon depuis le 22 novembre 1942. Le Hptm Egon Mayer avait pris le commandement du groupe le 1er novembre. C'est à partir de ce mois de novembre que le Hptm Egon Mayer est l’auteur d’une nouvelle technique d’interception de bombardiers qui consiste à arriver légèrement au-dessus du "box" et de front, les Fw 190 plongeant au dernier moment, puis se dégageant en piqué pleins gaz.


Carte du combat box du 306th Bomb Group

Il est 14 heures. La mission continue, les 54 B-17 sont toujours en formation très serrée. Le maintien dans ces conditions de vol est fatiguant pour les équipages car il ne faut pas que l’accrochage arrive. Le ciel est toujours d’un bleu azur, ce qui permet une grande visibilité. On peut ainsi voir l’ennemi arriver et réagir immédiatement si besoin. Le B-17 s/n 41-24514 n’a pas de nose art, c’est-à-dire de nom ou de dessin sur le nez. En effet, cet avion a été attribué à plusieurs équipages, contrairement à d’autres qui ont été personnalisés car étant toujours dans les mêmes mains. La formation survole actuellement la région de Moncontour. Il est un peu plus de 14 heures, quand soudain les deux pilotes constatent avec stupeur que les deux moteurs internes, c'est à dire les deux plus proches d’eux, sont en perte de puissance. Très vite réduite de moitié, elle ne permet plus le maintien au sein de la formation car cela entraîne une perte d’altitude et de vitesse. La forteresse volante va très vite devenir vulnérable. Le Lieutenant Buddenbaum informe immédiatement l’équipage. L’inquiétude compréhensible gagne tous les hommes. La situation est grave. L’avion perd encore de l’altitude. Le pilotage devient de plus en plus dur. Les efforts des pilotes sont remarquables. "Budd", comme ses amis l’appelait, va devoir prendre rapidement une décision. Soudain c’est l’alerte, un Fw 190 est arrivé rapidement par en dessous et s’est mis à tirer. Les mitrailleurs ont déclenché un feu d’enfer sur l’ennemi sans hélas le toucher. Il a tiré trois courtes rafales d’obus de 20 mm et l’un des obus a traversé l’aile droite, un autre l’aile gauche puis un troisième a touché le moteur interne droit, y mettant le feu. La tourelle supérieure a également été touchée sérieusement sans blesser le mitrailleur. La situation est critique. Le B-17 semble avoir été revendiqué conjointement (d'après les archives de la JG 2), à 14h15 à 7 000 m , carré 15 ouest, par l'Uffz. Friedrich May de la 8./JG 2, puis sans doute pris en chasse par le Fw 190 du Lieutnant Hugo Dahmer, de la 7./JG 2 à la même heure et à 6 200 m dans le même secteur.

Le B-17 n’est plus manoeuvrable. A cet instant il décrit une courbe vers l’est survolant la région de Collinée. Puis soudain retentit la voix du pilote : "sautez, sautez vite". L’équipage ne perd pas de temps et chacun enfile son parachute. Tous s’entraident avant le grand saut dans le vide. Mais la porte du sabord refuse de s’ouvrir. En effet elle a été touchée par les obus. Le lieutenant Edris face à cette situation réagit vite et envoie de forts coups de pieds dans cette porte qui finit par s’ouvrir et se détacher de ses gonds, la projetant dans le vide. Cette porte sera retrouvée sur la commune de Trébry au lieu dit "Beauvais", juste en limite de Bréhand par monsieur Defin. Au cours de cette évacuation mouvementée, le mitrailleur arrière, le sergent Liscavage, sera pris de malaise et perdra connaissance. Très vite amené par ses camarades auprès de l’ouverture, et au contact de l’air frais, il récupérera ses esprits mais devra être aidé pour sauter de l’avion. Il se blessera à l’atterrissage. Vite arrêté par les Allemands, il sera conduit à l’hôpital de Saint Brieuc. Les autres aviateurs toucheront le sol breton dans un périmètre géographique allant de Bréhant à Trébry et Saint Glen. Le sergent Ernest Moriarty atterrira dans un champ près de "La Ville es Renault" en Trébry. A ce moment là, un riverain des lieux s’affairait auprès de ses ruches, quand il aperçut ce parachutiste tomber pas très loin de lui. Il décida immédiatement de l’aider. "Mo", comme tous ses amis l’appelaient, raconte que lorsque son parachute s’est ouvert, le choc a été particulièrement violent. Rapidement il perdit ses bottes fourrées et de ce fait arriva dans le labour en chaussettes. Le parachute était resté accroché à un arbre. En compagnie de Monsieur Deschamps, il fit en sorte de le récupérer et de le cacher en lieu sûr. Toujours aidé par son sauveur, il fut caché pour la fin de l’après midi, puis le soir fût dirigé vers la ferme de Monsieur et Madame Fraboulet, au village de "La Touche" en Trébry où ce couple courageux le mis hors de danger, au fond d’une étable. Il fût réconforté et habillé dans des habits civils. Il y resta 5 jours, caché dans l’étable la nuit puis, le jour, derrière la ferme prés d’un châtaignier multi centenaire.


"La touche" en Trébry, chataigner où se cachait dans la journée le sergent Moriarty.
Photo Jean-Michel Martin (ABSA 39-45)


Entrée de l'étable où se cachait le Sergent Moriarty pour dormir.
Photo Jean-Michel Martin (ABSA 39-45)


Intérieur de cette même étable.
Photo Jean-Michel Martin (ABSA 39-45)


Mme Loncle, née Fraboulet, avait 14 ans quand le Sergent Moriarty avait été caché dans cette étable de la ferme de ses parents, à Trébry.

Photo Jean-Michel Martin (ABSA 39-45)

De cette cache, il voyait les allemands passer sur la route proche. Ensuite, il fût dirigé vers Collinée, où il reçut l’aide de résistants. Son périple le conduisit à travers la Bretagne, puis à Carantec, dans le Finistère, où il reçut une aide précieuse dans le réseau d’évasion Sibiril. Au soir du 30 mars, il embarqua à bord du bateau de pêche le "Jean", en compagnie de 18 autres personnes. Le "Jean" était barré par Monsieur Jean (François) Gestalin, âgé de 21 ans. Né le 18 juin 1921 à Riec-sur-Bélon (29), il s'engagea dans les Forces Navales Françaises Libres le 19 avril 1943. 


Les passagers du bateau "Le Jean" - © Photo avec l'aimable autorisation de Laurent Laloup - Source : www.francaislibres.net

La traversée fût des plus mouvementées, le moteur tomba rapidement en panne. La voile dut être hissée, et le bateau traversa la Manche dans une mer très agitée, sans parler du risque d‘être pris par la marine Allemande. Le lendemain matin, la côte Anglaise apparut. C’est avec quelques difficultés que les évadés furent reconnus par les gardes côtes Britanniques. Le sergent Moriarty aura mis 21 jours à rejoindre le sol anglais. Il sera le seul à avoir réussi ce retour. Après guerre, il aimera venir rencontrer les gens qui l’avaient aidé en réalisant plusieurs voyages en Bretagne. Il est décédé en février 2000.


Maquette Le "Jean". Remerciements musée maritime de Carantec.
Photo Jean-Michel Martin (ABSA 39-45)


Le Lieutenant Edris s’évadera aussi en passant par Languédias et Dinan, mais sera fait prisonnier à Paris avec toute la famille qui l’hébergeait. 
Il sera transféré au Stalag Luft 3 Sagan-Silesia Bavaria, puis à Nuremberg-Langwasser.

Photo source inconnue

Le Sergent Guthrie se blessa à un œil en arrivant dans un bosquet. Suivi par une patrouille ennemie, il sera fait prisonnier rapidement. Le lieutenant Biggs n’eut pas de chance ; il tomba lourdement sur le sol, dans une lande de genêts au lieu dit le "Vaudehay", près du village de "Corbière" en Trébry, se brisant une jambe. Il fut caché par une dame mais souffrant, il dut se résoudre à se rendre. Arrêté, il sera conduit avec son camarade Guthrie à l’Hôpital de Saint Brieuc, où ils retrouveront le sergent Liscavage, déjà hospitalisé. C’est à ce dernier que les jours suivants, les Allemands annonceront la mort du pilote. Il lui précisèrent qu’il avait reçu les honneurs militaires. Le Lt Biggs sera interné au Stalag Luft 3 Sagan-Silesia Bavaria, puis à celui de Nuremberg-Langwasser.

Monsieur Clement, commerçant à Saint-Glen, aperçut l’avion en détresse d’où sortaient les uns après les autres les aviateurs Américains. L’un d’eux était poussé par le vent et venait dans la direction du bourg. Monsieur Clement rapidement prit son vélo et se dirigea vers lui pour lui porter secours. Cet aviateur était le Sergent Sylvester Horstmann. Ce dernier, en touchant le sol, se fit très mal à une épaule. Monsieur Clement le découvrit dans un petit bosquet. Madame et Monsieur Clement cachèrent le sergent sur Saint-Glen mais rapidement il fallut rechercher une piste d’évasion sérieuse. Ce fût fait deux jours après et les époux Clement le conduisirent en lieu sûr à Rennes, d’où il devait partir ensuite sur l’Espagne via Paris. Ayant séjourné en ce lieu depuis quelques jours, le sergent Horstmann s’accorda une sortie en soirée dans la ville malgré les risques encourus. Il fût arrêté par une patrouille Allemande non loin du lieu où il était caché. Emprisonné aussitôt, il partit les jours suivants vers un Stalag Luft en Allemagne, le Stalag 17B Braunau Gneikendorf, près de Krems en Autriche, rejoindre de nombreux autres aviateurs Alliés déportés. Suite à cela, 10 personnes de Saint-Glen furent arrêtées par l’occupant et envoyées en camp de concentration en Allemagne. Monsieur Clement n’en revint pas, ainsi que deux autres personnes qui décédèrent dans ces lieux maudits. Madame Clement vécu pendant deux ans l’enfer des camps de la mort (voir son récit ci-dessous extrait des "cahiers des Amis du Vieux Lamballe", que nous publions avec son aimable autorisation).

Le Lieutenant Wilkins, le bombardier chargé du largage, atterrit dans un grand bois entre Trébry et Bréhand. Il réussit à se cacher mais fût arrêté le lendemain après midi lorsqu’une patrouille l'aperçut traverser un champ. Il fut transféré au Stalag Luft 3 de Sagan-Silesia Bavaria, puis à Nuremberg-Langwasser. Le sergent Huddle arriva au sol près d’une ferme, au village au lieu dit "La Cabane" en Trébry. Au cours de sa descente, il avait été touché par un projectile tiré du sol. Il fut couché provisoirement chez un riverain, avec une hémorragie, mais fut dirigé rapidement par l’occupant vers l’hôpital de Saint Brieuc. Le sergent Smith, qui était le mitrailleur ventral, c’est-à-dire dans la boule située sous l’avion, fût caché par des gens de Trébry. Tout s’était bien passé. Seulement, la Felgendarmerie sut avec précision le retrouver quelques jours après dans sa cachette. Elle avait visiblement été renseignée. Le sergent Smith fût arrêté et tout comme les autres fut envoyé en Allemagne, ne retrouvant la liberté qu'à la fin de la guerre. Il était au Stalag 17B Braunau Gneikendorf près de Krems. 


Le Lieutenant Hugo Dahmer

Photo © with courtesy of www.jagdgeschwader5und7.de

Dans l’avion en détresse, seuls les pilotes assument avec angoisse la tragédie. Il est environ 14 heures 15. Le ciel est toujours bleu azur. Le Fw 190 n’a pas lâché sa proie. Le pilote, le Lieutenant Hugo Dahmer, de la 7./JG 2, s’est approché du B-17 et a volé un moment à ses côtés. Le courageux lieutenant Buddenbaum se confia brièvement au lieutenant Edris " Il ne faut pas que notre avion s’écrase sur un village ". L’inquiétude de la fin n’altère en rien le sens de la responsabilité de ces jeunes hommes. La cargaison de bombes est toujours à bord. Il va falloir tout larguer. Tout se passe rapidement. Le chef pilote ordonne à son second de lâcher les bombes. Le lieutenant Buddenbaum a repéré un terrain bocager en forte déclivité et à choisi de larguer en ce lieu. Deux bombes exploseront, les huit autres tomberont dans les labours sans exploser. Le bombardier continue son dernier vol en décrivant une courbe en repartant vers l’ouest. L’altitude est de plus en plus basse et le feu se propage vers l’arrière. Aux abords de Plouguenast, le lieutenant Edris saute. Il atterrira à la ferme de "La Bruyére", située au nord de la commune. Le cultivateur assiste à cette scène tragique et s’empresse d’aider l’américain. Le parachute est rapidement dissimulé en arrière des bâtiments. Tout va très vite. Il faut cacher le co-pilote. Dans la ferme ce n’est pas souhaitable car l'ennemi ne va pas tarder. Un chemin creux, loin de la ferme est rapidement trouvé. Les Allemands se déchaînent et multiplient les patrouilles. Une heure après, ils investiront la ferme. Il ne trouveront rien et repartiront deux heures après. Le B-17 n’a plus à son bord que le valeureux pilote, l’avion décrit toujours une grande courbe. Des bruits se font entendre venant de l’appareil en flammes. "Budd" comme ses amis l’appelaient, saute. Il est beaucoup trop bas. Son corps est retrouvé en bordure de route, dans un endroit planté de pins au village "d’Avaleuc" en Plémy (voir ci-après témoignage de Monsieur Ferdinand Cadoux). Son parachute n’avait pas eu le temps de s’ouvrir. Il sera inhumé au cimetière de l’Ouest, à Saint Brieuc, puis, après la guerre, sera rapatrié en Californie près des siens.



M. Cadoux, montre l'endroit où fut trouvé le corps du Lieutenant Otto Buddenbaum.
Photos Jean-Michel Martin (ABSA 39-45)

Il est vraisemblable que le pilote ait mis le pilote automatique pour que l’avion s’écrase à l'endroit où étaient tombées les bombes. Dans ses derniers instants, le bombardier survola "Le Saut Thébaut" en Langast, puis une grande vallée, pour venir s’écraser dans un bruit d’enfer sur un pré pentu à quelques dizaines de mètres de la ferme du "Cas Rouge" et des premières maisons de "La ville Hellio". L’incendie de l’appareil faisait rage, laissant échapper de hautes flammes et une fumée noire intense qui s’élèva très haut dans le ciel et qui était visible de très loin. Les balles restées à bord crépitèrent pendant une demi-heure. L’avion se consuma tout doucement. Trois moteurs, dans cette fournaise, se détachèrent et roulèrent en flammes dans la pente, ne s’arrêtant que bloqués par un talus. Le B-17 tomba un peu avant l’endroit où le pilote l’avait souhaité. Un drame fut évité de justesse car les maisons étaient très proches, entraînant les habitants dans une grande frayeur. Une dame, décédée depuis, habitait un peu plus loin et se trouvait à sa fenêtre à ce moment là. Ne craignant rien vu la distance qui la séparait de l’avion, elle assista a ce drame. Il était 14 heures 15. Les 53 autres bombardiers accomplirent leur mission et la gare de triage de Rennes fut bien détruite. Mais hélas, plusieurs bombes tombèrent également sur les quartiers proches de cette gare. Le magasin "L’Économique" fut particulièrement touché avec une cinquantaine d’ouvrières tuées, ainsi que le "Champ de Mars" où la fête foraine battait son plein en ces vacances des Gras. Il y eut 300 victimes civiles. Sur la route du retour, un autre B-17, le 41-24588, fût attaqué et abattu par la chasse allemande au dessus de la Manche, au large des Côtes Normandes. Il sombra corps et biens. 

Jean Michel Martin - ABSA 39-45, le 21 avril 2011.

TEMOIGNAGES

Monsieur André Defin, habitant le village de "Beauvais" en Bréhand.
Je me rappelle très bien de cette journée. Il faisait très beau, le ciel était très clair, d’un bleu azur. C’était le début de l’après midi. Mon frère Louis avait entrepris de me couper les cheveux. J’étais assis à l’envers sur une chaise au milieu de la cour, les bras appuyés sur le dossier. Soudain, nous avons entendu un ronronnement sourd très haut dans le ciel. L‘air semblait vibrer. Il s’en dégageait un bruit assourdissant. Nous avons su que c’était des avions car à cette époque, c’était très courant. Nous n’arrivions pas à les voir car ils étaient à une altitude élevée. Après guerre, un des aviateurs vint nous rendre visite et il nous dit que les avions ce jour là volaient à 7 000 mètres (Sergent Ernest Moriarty).

En insistant, nous avons pu apercevoir plusieurs dizaines de bombardiers qui volaient en formation serrée. Soudain, on entendit le bruit des tirs d’avions ennemis. Les chasseurs, à cette époque, volaient à grande vitesse y compris en rase motte. Les attaques se sont succédées, quand tout d’un coup, nous en avons vu un qui se détachait du groupe. Il baissait en altitude et se trouvait à la traîne. Il avait du être touché car un panache de fumée noire s’échappait d’un moteur. Nous suivions l’évolution de cette tragique situation quand, tout à coup, on aperçut quelque chose qui tombait en spirale, brillant par alternance dans le soleil, comme un miroir, et qui manifestement venait de ce bombardier en détresse. Nous avons pensé à une bombe, mais arrivé au sol, aucune explosion ne se fit entendre. Immédiatement, de notre verger derrière la maison, on entendit un bruit sec, comme un claquement. Nous avons eu peur, mais rien n’arriva. Notre regard se portait toujours sur l’avion dont on voyait s’échapper les corolles blanches des parachutes. Il y en avait plusieurs qui descendaient tranquillement en se balançant. L’avion disparut de notre vision. Les allemands étaient devenus fous. Ils couraient partout. De notre village, nous avons voulu nous rendre compte de ce qui était tombé un peu plus loin, au village de "Beauvais" en Trébry. Nous n’avions pas été seuls à assister à ce drame ; une dizaine de personnes se rendit sur les lieux. Là, au milieu du pré, gisait un grand rectangle de couleur kaki avec une fenêtre et une poignée. Prudemment, avec une perche, on toucha ce qui se révéla être la porte de l’avion ; par peur des Allemands, personne ne voulait la récupérer. Mon frère décida de l’emmener discrètement chez nous. Ce qu’il fit. A l’intérieur, l’aluminium était très brillant. La vitre était en plexiglas. Des enfants cassèrent cette vitre en jouant avec la porte.


La porte à été retrouvée au milieu de ce champ à Beauvais en Trébry.
Photo Jean-Michel Martin (ABSA 39-45)


La famille Defin présente la porte du B-17 récupérée le 8 mars 1943

Photo famille Defin

En soirée, mon frère et moi avons voulu voir ce qui était tombé dans le verger. Nous avons cherché un moment, puis, un casque de couleur vert kaki avec deux écouteurs fut découvert sous un pommier. Il portait des traces de sang. Les gendarmes le récupérèrent les jours suivants. Un aviateur atterrit pas loin de chez nous, au lieu dit "La cabane". Il était blessé et perdait son sang. Il semble qu’il avait été touché par un projectile parti du sol. Il fut couché dans un lit chez un riverain du lieu et, vu son état, les allemands l’emmenèrent vers l’hôpital. Un autre aviateur tomba dans une lande de genêts, au lieu dit "Le Vaudehay" près de "Corbière". Il était très grand et je crois qu‘il avait un grade. Il souffrait d’une jambe ; une dame proposa de l’héberger chez elle mais ce ne fut que pour un cours moment car sa blessure l’obligea à se rendre aux allemands. A l’hôpital, on lui annonça une fracture. Son parachute avait été emmené par deux jeunes qui souhaitaient que l’on leur fasse des chemises dans la toile. A cette époque, on manquait de tout. Très vite, la gendarmerie, bien renseignée, vint récupérer ce parachute. Voilà ce dont je me rappelle à ce sujet.


Louis DEFIN - Photo © Françoise GICQUEL

Louis Marie Constant DEFIN naît le 23 décembre 1921 à Bréhand (22). Il est le fils de Louis DEFIN et Marie-Joseph GLATRE. Sa mère a perdu 2 frères à la guerre 14-18 : François et Mathurin GLATRE. La famille habite à Beauvais à Bréhand. Louis a une soeur ainée, née la même année que lui, et deux frères prénommés Pierre et André (notre témoin). Il est cultivateur. Pendant la guerre, il est réfractaire au Service du Travail Obligatoire (S.T.O.). Il rejoint la Résistance fin juillet/début août 1944 (au moment de la Libération) au sein des F.T.P.F. du Bataillon Valmy. Le 17 août, il s'engage volontairement pour poursuivre le combat. Il est intégré à la 3e Cie. Le Bataillon Valmy prend position le 7 septembre 1944 à Sainte-Hélène (56), sur le front de Lorient (56). Louis DEFIN est gravement blessé aux intestins par des éclats d'obus le 8 septembre à Nostang (56). Il est transporté à l'hôpital d'Auray (56) où il décède dans la souffrance le 16 septembre 1944 à 19h30. Il est homologué à titre posthume au grade de soldat 2ème classe. Sa mère va chercher le corps avec une charette à Auray. Il est ensuite inhumé solennellement au cimetière communal de Bréhand où il repose toujours. Un tableau commémoratif réalisé en son honneur est conservé par son neveu, Denis DEFIN, ainsi qu'un cadre commémoratif par sa nièce, Françoise GIQUEL. Son nom est inscrit sur le monument commémoratif de La Vallée, à Trédaniel (22) (nom DEFFIN) et sur le Monument Aux Morts de Bréhand.

Tableau commemoratif louis marie constant defin
Tableau commémoratif Louis DEFIN - Photo © Françoise GICQUEL

Sources : 
ADCA 2W236 Enquête mairie Bréhand, Dossier Vincennes, Dossier DAVCC, Ami entends-tu n°125
- Documents familiaux et informations fournies par sa nièce Françoise GIQUEL (échanges par mails les 12 et 13 novembre 2016)

- Entretien avec son neveu Denis DEFIN (entretien du 12 novembre 2016)

Jimmy TUAL, membre des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation des Côtes D'Armor et de l'ABSA 39-45 - novembre 2016

Monsieur Albert Morin, Plouguenast, Village de "Le Cas Rouge".
Je me souviens très bien de cette terrible journée. Elle avait pourtant bien commencé. Il faisait un temps magnifique. Le printemps commençait à apparaître un peu partout dans la campagne et dans les jardins. C’était les vacances des gras. Une partie de la matinée, avec les copains, nous avions joué au jeu du cheval. Ce jeu consistait à passer une longue ficelle sous un bras, puis en arrière du cou et redescendre sous l’autre bras. Le camarade derrière tenait les guides et ainsi nous courrions, faisant la course avec d’autres. A cette époque, pas de jeux ni de jouets comme aujourd’hui. Ne l’oublions pas c’était la guerre. Régulièrement, nous assistions aux passages des bombardiers alliés, en nombre important, qui allaient sur Saint Nazaire ou Lorient. Souvent, un vacarme dans le ciel attirait nos regards. Les combats aériens étaient fréquents. C’était terrible et effrayant. Nous avions peur.

Vers midi et demi ce jour là, nous sommes rentrés à la maison pour le repas. Midi pour nous, c’était à l’heure du soleil. L’occupant, lui, avait deux heures de plus que nous. Notre mère faisait des galettes. Je m’en rappelle très bien. A notre table, près de mon grand père, était assis le facteur et quelques voisins qui avaient été priés pour boire un verre. Nos parents exploitaient une ferme au village de la "Ville Hellio" distante de "Le Cas Rouge" d’une trentaine de mètres. Un de mes souvenirs l’est aussi pour cette machine que l’on appelait la "Loco", locomotive à vapeur qui attendait les battages de l’été suivant, stationnée dans notre cour. Nous avons ensuite mangé et le repas à duré un peu plus longtemps qu’à l’habitude. Soudain, nous avons entendu le bourdonnement des moteurs d’avions qui passaient dans le ciel à haute altitude. Ils se dirigeaient vers le sud. Puis un bruit terrible nous est parvenu. Nous sommes sortis avec nos parents pour voir ce qui se passait. Nous avons aperçu au loin un bombardier qui laissait échapper des flammes en arrière d’un moteur. Il était seul, détaché de sa formation, et perdait de l'altitude. Puis de multiples points blancs brillants se détachèrent dans le ciel. On aurait dit des étoiles. Le soleil faisait briller la toile des parachutes. On voyait les aviateurs quitter leur avion les uns après les autres. Ce fût l’affolement parmi nous car le danger se faisait pressant, le bombardier venait dans notre direction dans un bruit effroyable. Alors que s’est t’il passé ensuite ? Il semblerait qu’il ait fait un passage pour y larguer ses bombes dans le grand champ en face, de l’autre côté de la route. Ce grand champ est à forte déclivité. Très pentu, il culmine à 195 mètres d’altitude dans sa partie haute. A l’époque, il était divisé en petites parcelles bordées de talus boisés. Deux bombes explosèrent, laissant des cratères d’une dizaine de mètres de diamètre, les autres n’ayant pas explosé. Nous n’avons vu cela que les jours suivants, et encore sans trop approcher car les sentinelles allemandes rodaient dans le quartier. L’avion semble être parti vers l’ouest pour revenir ensuite sur nous en décrivant une courbe importante. Il s’écrasa à cinquante mètres de notre maison dans un bruit terrible. Un voisin, qui avait fait la guerre de 14-18, voyant le danger arriver, nous donna l’ordre de nous coucher à même le sol de notre maison. Nous avons attendu ainsi un quart d’heure avant de sortir. Nous marchions sur les cartouches tombées dans la cour. Il y en avait des milliers, des brouettes entières. La carcasse de l’avion brûlait. Les flammes hautes dégageaient une fumée noire intense. Soudain, nous avons eu très peur car un chasseur Allemand passa en rase motte au dessus de nous et nous ne l’avions pas vu arriver. Il venait se rendre compte de ce qu’il avait fait. Cet après midi là, nous n’avons vu qu’un seul avion ennemi. La surprise fut totale quand on s’aperçut que la queue du bombardier était tombée, posée sur le sol de notre verger, tout près de notre maison à une quinzaine de mètres. La roulette de queue était restée accrochée sur le tronc d‘un pommier. Après guerre, nous l’avons appelé le pommier américain. Il faut imaginer cette partie arrière du bombardier qui s’était détachée venir se poser sans problème dans ce petit verger, distant de la carcasse de quatre vingt mètres environ, sans toucher les chênes qui entouraient cette parcelle.


Jardinet où est tombé la queue du B-17 ; au loin le champ des bombes.

Photo Jean-Michel Martin (ABSA 39-45)

En cet endroit, il n’y eut aucun dommage, pas plus que sur nos habitations. Nous avons risqué ce jour la de disparaître dans cette tragédie. Tout autour de chez nous, le sol était jonché de morceaux de tôles projetées lors du choc avec la terre. Une radio de cet avion avait été projetée et avait traversé le toit d’un poulailler. Trois des moteurs s’étaient détachés des ailes et avaient roulé dans le fond du champ en pente, arrêtés par un talus. Ils étaient en feu et l’incendie dura quelques heures. L’immense carcasse de cet avion avait brûlé tout l’après-midi. Dans le champ où étaient tombées les bombes, un de nos voisins, Monsieur Hervé, avait travaillé toute la matinée à la confection de fagots. A l’heure de midi, il avait tout laissé y compris ses outils. Il avait prévu de revenir après manger. Il ne retrouva rien. C’est un miracle qu’il ait pu échapper à une mort inéluctable. En fin d’après-midi, nous avions vu arriver une colonne allemande d’une vingtaine d’hommes. Cela ne nous rassurait pas. Ils réquisitionnèrent la ferme d’à côté, ne laissant qu’un espace restreint au fermier et sa famille. Ils venaient pour garder les restes de l’avion. Ils restèrent plus d’un mois au "Cas Rouge", relevés toutes les fins de semaine. Ils venaient du camp de "La Secouette" en La Motte. Nous n’avons pas que de bons souvenirs de ces Allemands. Certains se croyaient tout permis. Il fallait cacher notre pain. Il se servaient en œufs, légumes… Ils ne se gênaient vraiment pas. D’autres devenaient méchants après avoir bu. Nous n’étions guère rassurés. Ils aimaient beaucoup "La goutte", notre eau de vie de cidre. Le cidre, ils savaient bien trouver les barriques. Un voisin raconte. Les allemands nous avaient réquisitionné notre ferme en grande partie. Un soir, des soldats qui avaient beaucoup bu et qui étaient couchés sous notre hangar se mirent à tirer avec leurs fusils à travers les tôles. Soixante huit ans après, les impacts des balles sont toujours visibles. Au début d’avril 1943, tout une armada de camions arriva au village. Beaucoup de soldats participèrent au ramassage de tout ce qui restait du bombardier. Un camion grue déposa sur les plateaux des camions toutes ces pièces métalliques. Ils ne laissèrent rien. Une équipe de démineurs allemands était venue dans les jours qui suivirent la chute pour désamorcer les bombes non explosées. Ils passèrent au village vers onze heures du matin, nous priant d’ouvrir nos fenêtres et nous donnèrent l’ordre de nous cacher à l’intérieur de nos habitations. Cela dura une heure. Ils restèrent trois jours environ. Tout se passa sans incident.

Je me rend compte aujourd'hui que cet événement dramatique aurait pût l’être encore plus si par malheur notre village avait été touché. Il s’en est fallut de peu. Nous avons eu vraiment beaucoup de chance.

Monsieur Ferdinand Cadoux (agriculteur en retraite) : découverte du corps du 1st Lieutenant Otto Buddenbaum le 8 mars 1943 au Village d’Avaleuc en Plémy (22).
Je me souviens de ce triste événement survenu dans mon enfance. Cela me revient de temps en temps dans mes pensées. Mes parents exploitaient la ferme agricole d’Avaleuc en Plémy, ferme que j’ai repris par la suite et qui, aujourd’hui, est à mon fils. C’était un après-midi. J’étais en compagnie de mon père et nous venions d’arriver dans les champs du haut. Un chemin creux bordé de pins nous y conduisait. Tout autour, c’était aussi la lande à cette époque. De nos jours ce sont des champs où poussent le maïs et le blé. Soudain nous avons entendu un vacarme dans le ciel. Le temps était dégagé. Un combat aérien se déroulait au loin, très haut dans le ciel. Les avions mitraillaient sans arrêt. Cela faisait peur. Tout à coup, nous avons vu un avion énorme qui était en feu puis plusieurs points blancs s’en sont échappés. Puis nous ne l’avons plus vu. Quelques minutes plus tard, il nous est de nouveau apparu, venant de la direction du bourg de Plouguenast, avec un feu qui avait pris de l’importance. Il décrivait un grand cercle. Il passa pas très loin de nous, très bas. C’est là que nous avons vu quelque chose tomber de cet avion. Nous avons attendu avant de nous diriger vers ce point pour voir ce qui était tombé. Heureusement, car très vite plusieurs soldats Allemands sont arrivés sur les lieux. Ils connaissaient bien ces terrains, car souvent ils y manœuvraient, interdisant à mon père de venir y travailler. Parfois, les gens tout autour étaient prévenus car ils tiraient à balle réelle sur une butte. Puis nous sommes rentrés chez nous et, le soir, mon père voulut savoir ce qu’il en était. Il décida de rejoindre l’endroit par le petit chemin creux bordé de pins. Je fus autorisé à l’accompagner. Arrivés proche de l’endroit, nous avons découvert qu’une sentinelle faisait les cent pas tout le long du champ. Le soldat était seul. Nous avons attendu un moment, dissimulé par les broussailles, puis l’allemand ne voyant rien d’anormal, décida de rester au bord de la route nationale qui va de Moncontour à Plouguenast. Il était à environ à 150 mètres de nous quand nous avons décidé de chercher dans ce petit chemin. C’est là que nous avons vu le corps de ce malheureux aviateur gisant sous les arbres. Quelques branchages étaient sur lui. Je pense qu’il les avaient heurté dans sa chute fatale. Cela nous bouleversa. Il s’était tué juste après avoir quitté son avion, son parachute ne s’étant pas ouvert. Après quelques instants passés près de lui, nous sommes rentrés toujours prudemment pour éviter d’être repérés par l’Allemand. Des voisins racontèrent que les Allemands emportèrent le corps le lendemain matin. C’était bien triste pour ce jeune homme et sa famille. Mon père en parla tout au long de sa vie. Cet événement dramatique l’avait marqué.

Jean Michel Martin, le 20 juin 2011.

Récit de Monsieur Messager : l'évasion puis la capture du lieutenant Pete Edris
Le lieutenant Pete Edris sauta par la porte avant de l'avion, immédiatement après le bombardier et le navigateur. Il ne restait dans l'appareil que le pilote. Pete Edris atterrit dans la cour d'une ferme. Son parachute resta accroché à un arbre. Les paysans vinrent l'aider. Cependant des Allemands arrivèrent. Pete Edris fut aussitôt caché dans une porcherie. Quand les Allemands eurent fini de fouiller la ferme, il fut caché dans un poulailler abandonné. Il y resta jusqu'au crépuscule. 
Il fut ensuite conduit jusqu'à une ferme et changea de vêtements. Là, il fut présenté à un homme avec lequel il gagna à pied Saint-Brieuc, après environ 50 kilomètres de marche. Arrivés dans cette ville, juste après l'aube le 9 mars, il y dormit toute la journée dans un appartement. Le soir même, il fut conduit à travers Saint-Brieuc chez une autre famille qui le cacha 3 jours dans un grenier. Après ces 3 jours, un autre homme vint le chercher. Ils gagnèrent en vélo Languédias. Il y resta deux semaines, caché chez un prêtre. Après ces deux semaines à Languédias, un autre prêtre arriva. Il se rendirent tous deux en vélo, le 27 mars, jusqu'à Dinan où Pete Edris passa une nuit chez une famille. Il y rencontra un docteur d'origine haïtienne qui habitait Paris. Le lendemain, Pete Edris et le docteur gagnèrent Paris par le train. Le docteur le fit passer pour un sourd muet. Pete Edris resta caché environ six semaines dans l'appartement du docteur et de son épouse. Cependant, la gestapo vient l'arrêter le 15 mai 1943 à l'appartement. Le docteur, son épouse et la bonne furent également arrêtés. Ils furent tous les quatre conduits à la prison de Fresnes.

Pete Edris resta 77 jours enfermé à Fresnes, puis fut remis le 29 juillet à la Luftwaffe. Conduit dans un camp de transit, il y resta 5 jours avant d'être transféré au Stalag Luft III où il arriva vers le 5 août 1943. Il resta au Stalag Luft III jusqu'au 27 janvier 1945, lorsque les 10 000 officiers aviateurs américains et britanniques qui y étaient enfermés, furent forcés de marcher vers l'Ouest, en raison de l'arrivée des Russes. Ils marchèrent environ 80 kilomètres en 3 jours et 3 nuits dans des températures glaciales. Ils furent ensuite embarqués dans des trains de marchandises et conduits dans le Sud de l'Allemagne. Le trajet fut abominable. Ils l'achevèrent à Moosburg, où ils furent libérés le 29 avril 1945, par des soldats de la 3ème Armée du général Patton. 

Purple heart medal
Purple Heart

Photo : Air Force Personnel Center - VIRIN: 161215-F-YG475-510
US Federal Government - Public domain

Pete Edris fut un des rares militaires de la seconde guerre mondiale déclarés morts au combat alors qu'ils avaient survécu. La "Purple Heart" lui fut ainsi attribuée à titre posthume et fut remise à sa mère, avant de lui être retirée quand il s'avéra qu'il était vivant.

ANNEXES

Les rapports de mission des quatre Bomb Group dispatchés sur Rennes sont à peu près tous identiques : tonnage en bombes employés, défense antiaérienne ennemie etc... Sauf comme bien souvent les revendications ennemies exagérées.

Exemple d'un compte rendu de mission, pour le 303rd BG.
Cible : la gare de triage ferroviaire, Rennes, France.
19 B-17 dispatchés sur la cible.
Durée de la mission: 4 heures et 12 minutes.

Tonnage en bombes : 10 de 500 livres. Bombes M43.
Altitude du bombardement 20 800 ft (6 340 m).

Revendications en avions ennemis : 4 détruits, 3 probables, 1 endommagé.

Les douze avions se sont dirigés vers Rennes et ont bombardé la cible primaire avec leurs bombes de 500 lb. H.E. Bombes M43, dans de bonnes conditions sans couverture nuageuse, pas de brume et dix miles de visibilité. Les photographies prises par le Groupe à une altitude de 20 800 pieds ont montré de bons résultats, avec une bonne concentration près de la zone ciblée et 10 à 12 impacts dans la zone de triage. La Flak sur Rennes était légère et peu efficace, étant généralement signalée comme étant faible. Toutes les salves étaient noires, mais un seul équipage a signalé trois salves grises élevées. La Flak a été légère et peu efficace du coté de Grandcamp, Saint-Brieuc, et Avranches. Un équipage nous a signalé une très légère salve blanche à Saint-Marcouf, un autre nous la rapporte modérée et blanche et absente à Guernesey. Les Spitfires du 4th Fighter Group, et les Squadrons de la RAF, ont été une excellente escorte de Guernesey à la côte française et à nouveau de Saint-Lô à la côte anglaise. L'opposition aérienne ennemie était de modérée à intense, avec environ 35 chasseurs signalés. Des Fw 190 et des Me 109 ont été observés de la côte française jusqu'à la cible et à l'arrière à environ dix miles au large. Pendant ce temps, il y a eu des attaques avec des avions ennemis dans toutes les directions, mais surtout, venant de 11 heures à une heure, par le dessus ou légèrement au-dessous. Les couleurs des Fw 190 attaquants variaient, mais il y avait surtout des nez jaune avec le ventre gris-argent qui prédominaient.


Les revendications plausibles des équipages de B-17

306th BG - 309th BS.
Vers 14h20, près de Saint Brieuc, attaque d'un Fw 190 à 6 000 m à 3 h par le dessous. Le Sgt Adams Robert, mitrailleur latéral droit, a tiré 3 salves : " le moteur, et la queue ont été touchés, le cockpit a explosé sous mes balles, le moteur a pris feu avec d'intenses flammes. Cette revendication est tout a fait légitime, je suis certain de l'avoir détruit ".

306th BG - 423th BS.
Vers 14h30, au nord-est de Rennes, à 6 000 m, juste après avoir bombardé la cible et tourné pour prendre le chemin du retour, " nous avons été attaqués de l'arrière par un Fw 190 ; le squadron a ouvert le feu (de 2 B-17), de nombreux impacts ont touché l'avion, nous l'avons vu se désintégrer en vol à une distance de 400 yards (365 m) ". Revendiqué par le Sgt Gibson au poste de mitrailleur de queue et du Sgt Rogers, mitrailleur ventral.

306th BG - 423th BS.
Vers 14h35, auprès de Rennes, vers 7 000 m. Attaque d'un Fw 190 venant des 4 heures par le haut, j'ai tiré une salve d'environ 600 yards (550 m) de distance. A environ 400 yards (365 m), le Fw 190 s'est enveloppé d'intenses flammes, s'est retourné et est allé s'écraser au sol. T/Sgt W.A. McGregor. Mitrailleur supérieur.

306th BG - 423th BS.
Vers 14h40, près d'Antrain, à une altitude de 23 000 ft (7000 m), un Fw 190 venant des 6 h par le dessous, le mitrailleur de queue a tiré, des impacts ont été vus, l'avion a réalisé un retournement complet, aile gauche en feu. Rapport du S/Sgt B.H. Lamb, mitrailleur de queue.

306th BG - 307th BS.
Vers 14h40, quelques temps après la cible, attaque d'un Fw 190 à 6000 m, a attaqué la formation de front par la droite, puis par la gauche et par le dessous. Le S/Sgt Zabawa, bombardier, a tiré avec la mitrailleuse de nez, après 40 coups environ, le pilote Harwood a vu les coups faire mouche sur l'avion ennemi. Pilote possiblement mort, pas vu de fumée.


Bilan des pertes du coté allemand.
Les pertes connues pour la Jagdgeschwader 2, sont de deux Bf 109 G-4 : un qui s'écrase à Bosville et le second au décollage sur alerte, moteur en feu, à l'ouest de Dieppe. Ce qui ne correspond pas aux revendications des équipages pour la mission de Rennes, mais pour les autres Bomb Groups dispatchés sur Sotteville-lès-Rouen.

Il est tout a fait possible d'avoir une perte légitime avec la revendication du Fw 190 par le Sgt Adams Robert, pour la région de St Brieuc. Toutes les pertes de la JG 2 ne sont pas forcément comptabilisées, notament les pertes matérielles, à partir du moment où le pilote ne se trouve pas blessé ou tué au combat.

L'une des deux revendications du 306th BG - 423th BS (entre 14h30 et 14h35) correspondent à la perte du Fw-190 A-4 (WNr. 57184) " H blanc " du 4./SKG 10. Le Fw. Hinz Hans est porté disparu dans les environs de Rennes lors d'une attaque sur des B-17 ce 8 mars 1943.

En 2005, lors de l'exposition au Rheu pour Harti Schmiedel, nous avons recueilli un témoignage.
Un monsieur, témoin de l'époque, raconte : " le 8 mars 1943, le jour du terrible bombardement de "L’Économique", j'étais dehors (Le Rheu/Chavagne ?) quand j'ai vu un avion allemand, qui venait de décoller du terrain de Rennes - St Jacques, attaquer des bombardiers. Presque aussitôt j'ai vu l'avion exploser en vol et tomber. " Pas de précisions sur le point de chute, lieu du crash toujours inconnu à ce jour.

Dahiot Daniel (ABSA 39-45)

 

 

Récit de Madame Clément, déportée pendant 2 ans dans les camps de la mort, publié dans Les Cahiers des Amis du Vieux Lamballe :

Nous remercions le Musée Maritime de Carantec ainsi que Les Amis du Vieux Lamballe.
Un grand merci également à Madame Clément pour son récit relatif à sa déportation, à Monsieur Cadoux pour son témoignage sur la découverte du corps de Buddenbaum, à Messieurs Defin et Morin Albert pour leurs témoignages et à Monsieur Messager pour son récit, à Monsieur et Madame Pierre Morin, Monsieur et Madame Loncle, Madame Loncle (mère), Mesdames Prigent et Le Guevel, Messieurs Robert et Pierre Mahé.


Tombe du 1st Lt. Otto A. Buddenbaum. SECTION C SITE 658 GOLDEN GATE NATIONAL CEMETERY, 1300 SNEATH LANE SAN BRUNO, CA 94066, USA
Photo source inconnue

Deux plaques commémoratives en hommage à Otto Buddenbaum ont été posées sur les monuments aux morts des communes de Plemy et Plouguenast.


Plaque à Plemy (22)  Photo © Régis Biaux (Aerosteles.net)


Plaque à Plouguenast (22)  Photo © Régis Biaux (Aerosteles.net)

 

LUNDI 8 MARS 1943, BOMBARDEMENT DE RENNES (35)

Ci-après, Rennes après le bombardement, actualités filmées diffusées le 19 mars 1943.
Une visite dans l’histoire contemporaine régionale, à travers les images de l'époque diffusées par le régime de Vichy, proposée par l’INA.


Photographie prise d'un des bombardiers de l'US Bomber Command, au moment où les premières bombes s'écrasent sur la ville.

II fait un temps printanier magnifique, et les rues de la ville présentent un aspect joyeux et inhabituel. C'est le Lundi Gras, beaucoup de magasins ont baissé leurs volets de fer, et tout le monde se retrouve sur le Champ-de-Mars où la fête foraine a planté ses stands et manèges. C'est au milieu des cris de joie et des flonflons, qu'à 14h30, les premières explosions creusent des fossés sanglants dans la foule massée sur l'esplanade. En moins d'une demi-heure, et sans que les sirènes aient eu le temps de lancer leur sinistre son, le Champ-de-Mars n'est plus qu'un champ de Morts. C'est au milieu d'un chaos indescriptible que les premiers sauveteurs, accourus en hâte de tous les coins de la ville, s'acharnent sur les manèges déchi­quetés, soulèvent les stands effondrés, dégageant avec beaucoup de précaution les rares survivants. Ce sont surtout des enfants en vacances, pour ce Lundi Gras, que les sauveteurs aligneront dans la chapelle ardente dressée dans une baraque en bordure du Champ-de-Mars. Le reste de la ville n'a malheureusement pas été épargné. Le noeud ferroviaire de la gare de triage étant, semble-t-il, l'objectif attribué aux Forteresses volantes de l'U.S. Bomber Command (commandement américain de l'aviation de bombardement), le quartier de la Gare et la rue Saint-Hélier ont été particulièrement éprouvés. Au bout de la rue Saint-Hélier, encombrée de débris, la Société Économique dresse la silhouette carrée de ses entrepôts, rue Monseigneur­-Duchesne. C'est dans les caves de ces entrepôts, qui jouxtent la voie ferrée, que les 71 employés périront, prisonniers dans leur abri incendié. Des centaines de corps meurtris, brûlés, déchiquetés, s'entassent à présent dans les principaux hôpitaux de la ville. L'Hôtel-Dieu est vite débordé par cet afflux continuel de blessés et bien que ce drame ait dépassé en horreur et soudaineté tout ce que les sauveteurs pouvaient imaginer, les secours s'organisent très rapidement. Les quartiers épargnés envoient leurs équipes de D.P. ; des bénévoles fouillent méthodiquement (au moyen de tiges de fer) les décombres des maisons effondrées. Le personnel des hôpitaux, les sapeurs-pompiers, sous les ordres du commandant Dubois, la Croix-Rouge, organisent une évacuation rapide. La ville entière participe au sauvetage et à l'hébergement de ses victimes. Outre le quartier de la gare, les quartiers du Cimetière de l'Est, rue de Châteaugiron, et boulevard Villebois-Mareuil d'une part et les rues Ange-Blaise, Ginguené, le quartier de la T.S.F. établi rue de l'Alma d'autre part, sont le théâtre des mêmes scènes de désolation. Seuls dégâts aux installations militaires allemandes, le parc d'artillerie de la caserne de Guines et la caserne du Colombier ont été touchés. La propagande allemande et vichyste saura exploiter au mieux ces fatales erreurs de l'aviation alliée


Les bombes n'ont pas épargné la fête foraine sur le Champ-de-Mars



Place de la Gare, quelques minutes après la fin de l'alerte. A droite, l'avenue Louis-Barthou, en face l'esplanade du Champ-de-Mars. Au fond, on distingue l'immeuble de la rue d'lsly



L'avenue Janvier et la gare



La rue Saint-Hélier qui sera l'un des quartiers les plus touchés par les bombardements pendant toute la guerre


Le carrefour de la rue St-Hélier, à gauche le bd Laënnec, au centre, au fond les bâtiments de l'Economique et à droite la rue L.-Decombe


L'Economique, rue Monseigneur-Duchesne, les bâtiments ont brûlé, entraînant dans la mort les 71 employés




Boulevard Solférino, l'imprimerie Simon est dévastée, et la brasserie Graff à l'angle des rues Pierre-Martin et St-Hélier n'a pas été épargnée



Le Berlinquin et les tombes dévastées



Les obsèques des victimes ont lieu le 11 mars. Vue générale de la cérémonie. Le ministre d'Etat, Monsieur Cathala, prononce le discours funèbre en présence des autorités françaises et allemandes


Place St-Pierre, à la sortie de l'office funèbre



Ce sont les volontaires de la D.P. et les scouts qui sont chargés de la difficile tâche d'identification. Le nombre total des corps se monte à plus de 300, dont beaucoup ne seront jamais identifiés. Finalement, Rennes vient de subir son premier mais très dur bombardement. La soudaineté de l'attaque, la destruction d'objectifs sans intérêt stratégique, le massacre de centaines d'innocents laissent au coeur des Rennais un sentiment de colère indignée mêlé à de l'inquiétude. Durant les deux mois qui vont suivre, les alertes vont être pratiquement quotidiennes et la descente à l'abri devient chose courante pour une population maintenant réaliste et disciplinée. 


Tract distribué à Rennes à la suite du bombardement du 8 mars.


Document de l'U.S.A.A.F. montrant les dégâts occasionnés lors du bombardement du 8 mars 1943
1. Les voies longeant le bd du Colombier et passant sous le pont de Alma.
2. La gare des voyageurs et 1 place.

3. Les ateliers, délimités au nord par la voie ferrée et au sud par la rue Pierre-Martin.

4. Les entrepôts et la gare des marchandises,

5. L'économique, rue Mgr-Duchene.
6. et 7 Les noeuds d'aiguillage, objectif principal des alliés.
8. Les entrepôts de la gare de triage.
9. Les trains stationnés en attente.Rennes sous l'occupation

Auteur : François Bertin
Editions Ouest France 1979
Dossier de Vincent Sévellec - ABSA 39-45 - Septembre 2004



Rennes cimetière de l'Est, monument à la mémoire des tués du magasin "L’Économique"
Photo Daniel Dahiot (ABSA 39-45)

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