1er juin 1944

Supermarine SPITFIRE Mk VII
MB887 (code NX-?)

En mer au large de Binic (22)

(contributeurs : Bertrand Chaudet, Michel Pieto, Joss Leclercq, Ian, Daniel Dahiot, Jean-Michel Martin, Frédéric Hénoff)

Badge 131 sqn raf
131 Squadron Royal Air Force 
(County of Kent)

Pilote : Warrant Officer ATKINSON William James, 21 ans.
(matricule 413 332. né le 14 août 1922 à North Sydney, Nouvelle Galles du Sud, Australie. Fils de Clifford et Elsie May Atkinson, Cremome, Nouvelle Galles du Sud)

L'HISTOIRE

Rapport de mission du Flying Officer Stanley Aske Catarall (Réf. 131S/137/P2).

J'étais le leader d'un vol de 4 avions sur la mission Rhubarb 265 (mission d'attaque libre en section sur des cibles au sol telles que trains, avions, convois...). Nous avons décollé à 11h43 avec 4 avions du Flight 'D' et nous avons traversé la côte française de 3 miles à l'ouest de St Alban à 0 pieds. Au niveau de Lamballe, j'ai tourné vers l'ouest en suivant la ligne ferroviaire, puis, à l'approche de Saint Brieuc, j'ai plongé un peu au sud de la ville en passant ensuite au nord-ouest. J'ai obliqué encore, quand, à environ 800 pieds, « J'ai vu un train apparaître derrière quelques arbres à 5 miles à l'ouest de Saint-Brieuc, j'ai appelé en disant qu'on allait attaquer".

Rouge 2, 3 et 4 me suivaient et j'ai été touché par la Flak, un tir de mitrailleuses à partir de deux ou trois wagons placés en queue de train. J'ai appelé en disant que j'avais été touché et que je devais rejoindre la maison en leur demandant de me rejoindre. Red 3 et 4 étaient derrière moi, mais je ne pouvais pas les voir ; j'ai appelé Red 3 et ai demandé s'ils étaient OK. Red 3 a dit qu'il ne pouvait pas voir Red 4, le W/O Atkinson, donc j'ai demandé à plusieurs reprises jusqu'à ne plus avoir aucune réponse. Alors j'ai appelé le contrôle Jairo et leur a demandé d'essayer de le contacter. L'attaque a eu lieu vers 12h28, nous avons traversé la côte par le sud de la Pointe du Minard et avons atterri à la base à 13 heures 20.

Bundesarchiv bild 101i 621 2944 26a
© Bundesarchiv, Bild 101I-621-2944-26A / Doege / CC-BY-SA 3.0


Le parcours des avions d'après le rapport du Flying Officer Stanley Aske Catarall
Données cartographiées © Google 

Rapport de mission du Flying Officer, Smart C.A.
Je volais en Red 2 sur la mission Rhubarb 265 avec le F/O Catarall, leader de la mission et avec le W/O Atkinson en Red 4. Nous avons décollé bien sûr à partir de Culmhead à 11h45 et avons traversé les côtes de France à l'ouest de St Alban à zéro pieds. Nous avons tourné à l'ouest de Lamballe et avons grimpé pour contrôler la voie ferrée à Saint-Brieuc, où nous avons plongé, passant par le sud de la ville à zéro pieds, puis nous avons tourné au nord-ouest et avons grimpé. Je volais le long de la ligne à environ 80 mètres sur le côté babord de Red 1 avec Red 3 et 4 sur mon babord. Nous avons encore grimpé à environ 800 pieds quand j'ai entendu Red 1 dire qu'il allait attaquer et je le vit tourner et plonger, je l'ai suivi et entendu dire qu'un canon tirait à partir d'un camion à la fin du train et juste après, j'ai entendu dire que Red 1, avait été touché et que nous devions le suivre. Je suis resté à zéro pieds et le suivit et je vis Red 3, mais je ne pouvait pas voir Red 4. J'ai entendu Red 1 appeler et demander à Red 3 et 4 s'ils étaient Ok. Red 3 a dit qu'il ne pouvait pas voir Red 4. Red 1 l'a appelé à plusieurs reprises et enfin il a appelé Jairo et leur a demandé d'essayer de le contacter. Nous avons traversé la côte sud de la Pointe du Minard et avons atterri à la base à 13h20.

Rapport de mission du Flight Lieutenant, Richard Ulick Paget de Burgh.
Je volais en Red 3 sur la mission Rhubarb 265 avec le F/O Catarall, notre leader et le W/O Atkinson en Red 4. Nous avons décollé à 11h43 et bien sûr pour la France. Nous avons traversé la côte française à 5 miles à l'ouest de St Alban à zéro pieds et tourné vers l'ouest le long de la ligne ferroviaire principale à Lamballe. Nous avons volé au sud de la ligne de chemin de fer dans un vol d'échelon assez lâche. Juste après le passage de St Brieuc, le F/O Catarall qui volait à environ 800 pieds, tourna brusquement vers la droite et le F/O Smart, Red 2, a suivi et moi aussi. Juste avant de tourner, j'ai remarqué que le W/O Atkinson avait commencé à tourner à tribord lui aussi. Le F/O Catarall a attaqué un train de marchandises à une distance d'environ 4 miles à l'ouest de la ville de St Brieuc et Red 2 a suivi. J'ai remarqué des tirs de Flak en provenance de la partie arrière du train, mais pas dans ma direction. Le train était arrêté ou se déplaçait très lentement et se dirigeait vers l'ouest. Après mon attaque qui était d'environ 30 degrés vers le train, j'ai cassé le coté en zigzaguant. Le F/O Catarall a appelé et m'a dit qu'il avait été touché et qu'il rentrait à la maison et que chacun devait revenir avec lui.

J'ai tourné en rond pour Red 4, mais je ne pouvais pas le voir, il était environ 12h28. J'ai appelé Red 1 et je lui a dit que je ne pouvais pas le voir et que je ne pouvais pas voir Red 4 non plus. Red 1 a appelé Red 4 et n'a obtenu aucune réponse. Je n'avais pas vu Red 4 depuis son virage en attaque sur le train. Nous nous sommes quitté près de Saint Quay Portrieux et nous avons atterri à la base à 13h20.

William James ATKINSON

William James ATKINSON est né le 14 août 1922 à North Sydney, New South Wales, Australie. Il suivit une scolarité assidue jusqu'à ses 16 ans. Vu la situation mondiale préoccupante de l'époque et vu son attente avant son incorporation militaire, il travailla dés ses 17 ans dans une agence de la Banque Nationale d'Australie où il avait une fonction de clerc. Il résidait chez ses parents, Clifford et Elsie May ATKINSON, habitant 71 Milson Road, Carlton Flats, à CREMORNE, banlieue Nord, à environ 6 kilomètres du centre de SIDNEY, Australie. Les origines familiales de la famille ATKINSON étaient anglaises. Le 1er Janvier 1905, les colonies australiennes parlementaires autonomes se déclarèrent officiellement Commonwealth d'Australie. L'indépendance ne ferma pas l'attachement à la Grande- Bretagne. De nombreux jeunes australiens participèrent activement à la première guerre mondiale 1914-1918. En 1915, ils furent très impliqués dans la bataille des Dardanelles aux côtés des Britanniques. A la fin des années 30 ,voyant la situation mondiale qui se détériorait, l'Australie activa un large plan de formation militaire, sachant également que la crainte d'une invasion Japonaise était ressentie dans toute la population, vu l'adhésion du Japon avec les pays de l'axe du mal.                                                    

Il s'engage dans la Royal Australian Air Force (RAAF) et rejoint le centre de formation de Linfield le 2 I.T.S. le 17 août 1941 (matricule 413 332). Il s'entraine au 10 E.F.T.S. de Temora à partir du 13 novembre 1941. Puis au 2 S.F.T.S de Wagga, le 8 mars 1942. Le 23 février 1942, 7 S.F.T.S. à Deniliquin (New South Wales). Il obtient son badge de pilote provisoire le 2 mai 1942. Le 8 juillet 1942, il est transféré au 2 ED de Bradfield Park. Envoyé en Grande Bretagne, il arrive le 18 décembre 1942, à la base RAF de Bournemouth, dans le Comté de Dorset, sud de l'Angleterre, après une traversée difficile qui dura une douzaine de jours. Il effectue sa transformation opérationnelle à l'O.T.U. 5 (Operational Training Unit) le 2 février 1943 à Aston Down, près de Gloucester. Un mois plus tard, il fut dirigé à Grangemouth, en Ecosse. Il est élevé au grade de T/Sgt. Pilot le 16 mars 1943. Il rejoint ensuite le Squadron 131 à Churchstanton, conté de Somerset, au Sud-Ouest de l'Angleterre, le 4 décembre 1943. 

Très vite, comme ses camarades, il fut engagé sur diverses missions et attaques de l’ennemi sur tous les fronts, des reconnaissances sur le territoire occupé ou de nombreuses missions de protection des bombardiers (il fallait contrer la chasse allemande qui détruisait les lourds appareils alliés). Mais les missions auquelles l'adjudant Atkinson participera également, furent celles à haut risques  nommées "RHUBARB". Les aviateurs de la RAF, décollant d'Angleterre, devaient atteindre des cibles ennemies à l'opportunité. Survolant la Manche en direction de la France occupée, ils volaient à basse altitude, le plus souvent par groupe de quatre appareils. Ils étaient sous les ordres d'un leader qui n'était pas forcément le plus gradé, mais celui dont l'expérience était la plus reconnue. Ayant repéré une cible au sol, ce dernier donnait l’ordre d'attaquer, souvent en piqué avec tous les risques encourus face aux canons antiaériens, mais aussi en rase motte, créant la surprise chez l’ennemi. Cela pouvait être une troupe en marche, un convoi de véhicules, y compris de blindés, des avions stationnés sur un aérodrome ou dissimulés sous un couvert forestier, des  convois ferroviaires, facilement repérables vu du ciel du fait qu'à cette époque, la vapeur dégagée par la locomotive se voyait de loin. Les missions en ce début d'été 1944 étaient particulièrement intenses. Il arrivait qu'un pilote aille jusqu’à quatre opérations par jour, souvent sur de longues distances, les chasseurs ayant une autonomie en carburant plus importante qu'en début de guerre. Les alliés avaient établi depuis longtemps le plan qui les améneraient à déclencher au matin du 6 Juin 1944 sur la côte normande, l'opération OVERLORD, le débarquement de Normandie.     

Tôt en ce matin du jeudi 1er juin 1944, sur l'aérodrome RAF COLMHEAD, prés de TAUNTON, dans le comté du SOMERSET (Sud Ouest de l'Angleterre), sont réunis dans la salle de briefing quatre aviateurs, désignés pour une mission d'intervention rapide en Bretagne Nord. Un officier opérateur leur explique que la résistance dans la région de Saint Brieuc, Côtes du Nord à cette époque, signale qu'un train de marchandises d'une vingtaine de wagons est stationné sur la voie ferrée entre Saint Brieuc et Châtelaudren, et que ce convoi est vraisemblablement en panne. L' attaque va devoir être éclair avec effet de surprise, pour ensuite dégager vers la Manche toute proche. Ce train, comme beaucoup de trains allemands à cette époque, comporte un wagon antiaérien, souvent placé en dernier ; la prudence sera de mise. Le Flying Officer (Lieutenant) Stanley CATARAL sera le leader. Son second sera le Flying Officer SMART. En troisième position le Flight Lieutenant (Capitaine) Richard Ulick PAGET DE BURGH. Le quatrième de cette formation sera le Warrant Officer (Adjudant) William James ATKINSON, âgé de 22 ans. Tous piloterons un Supermarine SPITFIRE Mk VII, équipé de deux redoutables canons de 20 millimètres, et de quatre mitrailleuses de calibre 7,65 millimètres.


Un Spitfire Mk VII - Photo NACA - USAF (domaine public)

Le décollage a lieu à 11 heures 45. Très vite montés en altitude, les quatre appareils se mettent en ordre de vol au dessus de la mer. Le cap défini est en Bretagne nord, la baie d'Yffignac, très facilement repérable à l'est de Saint Brieuc. Une météo favorable a été annoncée avant le départ, juste quelques nuages en haute altitude. La traversée de la Manche est rapide, la formation arrive à 5 kms à l'ouest de Saint-Alban, Côtes du nord. Le leader donne l'ordre de prendre de l'altitude. La recherche de la cible est lancée en orientant la formation vers l'ouest, en suivant la voie ferrée. Le F/O CATARAL signale à ses coéquipiers qu'il a repéré le convoi ferroviaire ; ce dernier semble avancer lentement. Il précise : " nous allons agir immédiatement, soyez prêts ! ". Les appareils sont à 250 mètres d’altitude quand le leader plonge et attaque. Il arrose le train d'un feu nourri puis cabre son appareil en prenant de la hauteur. L'avion du F/O CATARAL a été touché par plusieurs obus de 20 millimètres, tirés du wagon d'artillerie placé en queue de convoi. A grande vitesse, il évacue vers la mer, proche, et demande à chaque pilote de le rejoindre rapidement après l'action. Il indique prendre la direction de Saint-Quay Portrieux, puis de la pointe de Minard en Plouezec près de Paimpol, pour ensuite engager le retour vers la base. Tout se passe très vite, iI est 12 heures 28. Le W/O ATKINSON, contacté plusieurs fois, ne répond pas. Il n'est pas aperçu non plus, par aucun de ses coéquipiers. Aucun panache de fumée qui signalerait son crash. Que s'est-il passé ? Le Flight Lieutenant PAGET DE BURGH, en décrivant largement une courbe part brièvement à sa recherche. Il ne voit pas trace de son jeune coéquipier. Pas de panache de fumée qui pourrait signaler qu'il est au sol. Il rejoint le groupe. Les trois aviateurs se poseront sur l'aérodrome de Colmhead à 13 heures 20. Dans leur rapport de mission, les trois aviateurs signalent la disparition d'Atkinson. Il a vraisemblablement été touché par les tirs ennemis, peut-être a-t-il été tué sur le coup ? Rien de plus dans les comptes rendus. Un rapport de Flak, l'artillerie allemande, précise que le 1er juin 1944, elle a abattu un Spitfire à l'ouest de Saint-Brieuc à 12 heures 36. Il s'agit bien de celui du malheureux pilote. En 1948 ,son nom et son matricule seront inscrits sur le mur des disparus au Runnymede Air Forces Mémorial (panneau 259). Dans ce Mémorial sont inscrits les noms et grades de 20 547 aviateurs portés disparus au cours de la 2ème GM et qui n'ont jamais reçu de sépulture. Il est situé dans la banlieue sud-ouest de Londres comté du Surrey. Toutefois, l'Australian War Museum indique que son corps a été retrouvé et qu'il est enterré au cimetière militaire de Brookwood, Pirbright, Surrey, en Angleterre.


Portrait en studio du Leading Aircraftman (LAC) matricule 413332 William James ATKINSON
© Australian War Memorial - Photo P11016.008

Le cursus de WJ ATKINSON en quelques dates :
(source : recherche de Frédéric Hénoff, ABSA 39-45)

En Australie :
- No.2 Initial Training School - 17-8-1941, Lindfield, New South Wales (NSW)
- No.10 Elementary Flying Training School - 13-11-1941, Temora NSW
- No.2 Embarkation depot - 5-2-1942, Bradfield Park, NSW
- No.2 Service Flying Training School - 8-3-1942, Wagga, NSW
- No.7 Service Flying Training School - 23-3-1942, Deniliquin, NSW
- No.2 Embarkation depot - 8-7-1942, Bradfield Park, NSW

En Grande-Bretagne:
- RAF Station Bournemouth (lire plutôt No.3 Personnel Reception Centre) - 18-11-1942, Bournemouth, Dorset
- No.5 (P) Operational Training Unit - 2-2-1943, Aston Down, Gloucestershire
- RAF Grangemouth - 16-3-1943, Grangemouth, Stirlingshire Scotland
- No.1 Personal Despatch Centre - 8-7-1943, West Kirby, Cheshire
- No.1 Personal Despatch Centre - 28-7-1943, West Kirby, Cheshire
- No.1 Personal Despatch Centre - 27-9-1943, West Kirby, Cheshire
- RAF Grangemouth - 1-11-1943, Grangemouth, Stirlingshire Scotland
- No.131 Squadron - 4-12-1943, Churchstanton, Somerset

Certificat w j atkinson
Source : Archives Nationales d'Australie 

DES PIECES D'AVION RETROUVÉES EN MER

En mai 1988, le chalutier "Le Matelot", de Monsieur Connan, du port du Légué, a ramené dans son chalut un morceau d'aile d'avion, avec sur ce morceau des plaques d'identification en laiton. La mitrailleuse présente sur le morceau d'aile avait été immédiatement retirée et emportée par la gendarmerie pour des raisons bien compréhensible de sécurité.







Selon ces plaques en laiton, retrouvées sur l'aile du Spitfire, la plaque du haut correspond à une plaque "modification" qui montre toutes les modifications apportées à cette machine en particulier. Ces modifications ont été généralement réalisées dans des unités de maintenance. Les parties ont été construites à Southampton (6S), mais celles-ci peuvent être des pièces incorporées dans une machine construite à Bromwich Castle. Il s'agit d'une plaque d'un Spitfire Mk VII, et il devrait être de la voilure principale interne supérieure (indiquée par le No 35103). La numéro de construction visible (6S-438865) indique Vickers-Supermarine ('6 S'), et le numéro suivant est un numéro de série.

Le dossier pour retrouver l'épave du Spitfire VII est en cours d'instruction par le ministère de la guerre Australien. Seuls trois modèles du Spitfire Mk VII sont tombés en Bretagne : notre MB887 et le MB883 en Côtes d'Armor et le MD166 dans le Finistère. Tous les trois du N°131 Squadron. Nous ne savons pas à aujourd'hui à quel Spitfire appartiennent ces pièces.

Remerciements à :
J
ossleclercq et Ian pour l'identification des plaques (Forum RAFCommands.com).
Monsieur Bertrand Chaudet pour avoir conservé ce longeron d'aile pendant tant d'années, puis l'avoir confié à l'équipe du projet Procraft dans la perspective que cette trace de l'histoire soit préservée en hommage à William James ATKINSON.
Monsieur la Maire et l'équipe municipale de Binic - Etables sur Mer pour leur accueil et leur contribution à cette opération de préservation.  

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