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4 juillet 1944
De Havilland Mosquito FB VI (LR339 - code DM-?)
Bénodet, "Ferme de Keranguyon" (29)
(contributeurs : Frédéric Hénoff, Renan Clorennec, Daniel Dahiot, Philippe Dufrasne, Commonwealth War Graves Commission (CWGC))
De Havilland Mosquito FB VI LR347 du F/Lt. S.G. NUNN au retour d'une autre mission, le 16 juillet 1944.
L'hélice du moteur gauche est en drapeau et la queue touchée par la Flak. L'avion s'écrasa au retour à Portreath.
Le F/Lt. S.G. NUNN était aussi en mission maritime ce 4 juillet 1944 de Brest à la Gironde mais sur le Mosquito MM399 code S.
Photo with courtesy of Aircrewremembered.com
Equipage : 248 Squadron RAF
Robert Wylie Thomson (à gauche) et Anthony Dockray Phillips (à droite) - Photo : collection Frédéric Hénoff via famille Phillips
- Wing Commander (pilote) Anthony Dolkray PHILLIPS, 26 ans - RAF Volunteer Reserve (service number 70539), DSO/DFC
Cimetière Communal de Bénodet
- Flying Officer (navigateur) Robert Wylie THOMSON, 31 ans - RAF Volunteer Reserve (service number 138057) DFC
Fils d'Archibald THOMSON et Catherine THOMSON (née WYLIE) de Rutherglen, South Lanarkshire en Ecosse.
Cimetière Communal de Bénodet
L'HISTOIRE
4 juillet 1944. De Havilland Mosquito FBVI - LR339, tombé près de Bénodet
Le 4 juillet 1944, une patrouille de 3 Mosquitos du No. 248 Squadron décolle de la base RAF de Portreath à 11h22 pour une mission de reconnaissance et d'attaque de dragueurs de mines de classe "M" (repérés quelques temps avant) dans le secteur de la rivière Odet. Cette patrouille était composée des équipages suivants :
- Wing Commander A.D. PHILLIPS et F/O R.W. THOMSON
- S/Ldr M. MAURICE (surnom de l'aviateur français Max GUEDJ) et F/O R.A. VOCE
- S/Ldr H.C. RANDALL et F/O J.E. ORCHARD.
A 12h19, les avions repèrent 3 navires à l'entrée de la rivière et les attaquent à la bombe, au canon et à la mitrailleuse. Mais l'avion du W/Cdr PHILLIPS est touché par la Flak ; il part en vrille et s'écrase à 12h20 sur une ferme au lieu-dit Kéranguyon. Les deux occupants de l'avion sont tués.
Cette image est à la fois impressionnante et émouvante : une photographie prise juste quelques secondes
après le crash par le troisième Mosquito - équipage du “P” HP132, S/Ldr. H.C. Randall et du F/O J.E. Orchard.
Photo : collection Frédéric Hénoff via famille Phillips
Deux domestiques, Yves GLÉMAREC et Yvonne LAURENT sont grièvement brûlés et envoyés à une clinique de Quimper. Yvonne LAURENT décèdera dans la soirée. Des bâtiments, deux bovins et des équipements agricoles sont brûlés. Max GUEDJ ordonne alors de quitter les lieux et les deux Mosquitos s'échappent en zigzaguant. Ils observent des traces de tirs sur les dragueurs de mines mais ne peuvent rester constater le résultat du bombardement. Malheureusement une bombe est également tombée dans le quartier de Kerceven en Bénodet et une jeune fille, Mathilde CAPP, a le bras broyé. Plusieurs maisons sont également endommagées.
Remise de décoration à Mathilde Capp.Outre son époux Noël Coatmen derrière elle, on reconnait également,
mais du côté droit de la table, Pierre Hyppolite, Jean Merrien, Christophe Bertholom et François Troboé.
Photo : collection d'Arlette Cornec via Renan Clorennec
TEMOIGNAGES
Squadron Leader Hal C. Randall, Mosquito HP132 pendant la mission
(source Frédéric Hénoff via la famille Phillips)
[...] Le 3 Juillet1, j’emmène le Sgt Doughty2 pour une reconnaissance sur l'Ile de Groix et au retour je décide de couper par le continent au-dessus de la rivière Odet. Je repère alors deux dragueurs de mines de classe M dans la rivière et Jimmy3 en prend quelques photos4 qui seront utilisées le lendemain lorsque le CO obtiendra la permission de les attaquer avec trois avions.
Donc, le 4 Juillet5, le W/Cdr Phillips emmène Maurice et moi-même pour cette mission. Nous pénétrons sur le continent dans le secteur de Penmarc'h (après avoir contourné Ouessant). Je dois suivre les deux autres en laissant plus de 10 secondes d’écart entre nous afin d’éviter le souffle de leurs bombes. Je cercle, réduit les gaz et j’ai encore en mémoire le survol à basse altitude d’un fermier français sur sa charrette pleine de foin attelée à un cheval. J’ai viré pour suivre et atteint une rivière bordée d'arbres et volé à la hauteur de la cime des arbres. Je réalise alors que j’ai trop réduit les gaz car les commandes répondent mollement. Donc plein régime et j’ai de la chance car il y a un dragueur de mines droit devant. Je l’attaque à coups de canon, je lâche les bombes et je poursuis ma course aussi bas que je le peux.
Durant mon attaque j’ai vu un Mossie plonger sur l'autre dragueur de mines et j’ai aperçu un peu de fumée. Nous sommes repassés au-dessus de l’avion en feu et Jimmy a pris une photo. J’ai dégagé au-dessus de la mer et je suis rentré vers les Cornouailles. Il y avait des nuages bas qui couvraient le sommet des falaises de la côte Sud alors j’ai viré à l’ouest pour longer la côte et après être passé comme l’éclair entre le rivage et le Mont Saint-Michel, j’ai demandé à Jimmy de déterminer une route pour contourner Land’s End et rejoindre Portreath. J’ai entendu un autre avion qui appelait Portreath, et je me suis dit que ça devait sans doute être Maurice, ce qui s’est avéré être vrai6. Le CO avait été descendu et c’est moi qui ai eu la triste tâche de rouler jusqu’à notre vieux chalet de Polbream, et d’annoncer la triste nouvelle à Mme Phillips.
Nous avions réussi, comme l’a démontré un Spitfire de reconnaissance en prenant des photographies qui montraient un classe M échoué et l'autre amarré contre un dock. Mon avion avait été atteint au moteur droit, touché au niveau du couvre culasse mais heureusement la distribution n’avait pas été endommagée. La nacelle du moteur gauche avait également été touchée.[...]
1 décollage 16h50
2 W/O Leslie Cook Doughty
3 F/O James Edward Orchard, navigateur de Randall
4 atterrissage 19h10
5 décollage 11h20
6 atterrissage 13h15 et 13h25
Le 4 juillet à Bénodet : témoignages divers et informations presse
(source Blog de Renan Clorennec)
• Article du Télégramme sous la plume de Roger Philippe :
" Le 4 juillet 1944, vers midi, la sirène d'alarme annonce aux habitants de Bénodet qu'un nouveau raid se prépare. En effet, une patrouille de trois Mosquitos, du Squadron 248 de la Royal Air Force a décollé de Portreath en Cornouaille et a pour objectif de détruire les bateaux à Penfoul et le dock de Kergaït ".
• Extrait du journal, tenu de Mai à Noël 44, par madame Joseph Boissel, propriétaire du Grand Hôtel à Bénodet, qui nous a été transmis par sa petite nièce, Mme Geneviève Manciaux, adhérente à Foën Izella. Y. et L.Nicolas.
4 juillet : Bombardement de Kercreven. Le petit bois en face de la villa Dauchez a reçu deux bombes qui ont provoqué la démolition de la maison Kerbrat. " Tante Anne étant absente à ce moment là pour prendre son lait, sa sœur, seule, a eu la force de descendre dans la cave. Annie se préparait à aller à Kercreven. J'étais couchée quand le fracas de ce bombardement m'a épouvantée, la plus forte émotion de ma vie. Un bateau a été coupé en deux..."
• Témoignage de Jean Capp frère de Mathilde, recueilli par René Bleuzen pour Foën Izella.
" Mon père qui était auprès de ma soeur chez le docteur Abadie, m'a dit par la suite l'efficacité du médecin allemand qui y était arrivé : il a découpé le pansement déjà appliqué, pour pincer les vaisseaux et arrêter l'hémorragie. Mon père estimait que cette intervention avait été déterminante pour éviter le pire ".
• Articles du Télégramme sous la plume de Roger Philippe.
" Après l'explosion, les débris de l'appareil et l'essence enflammée sont projetés sur les bâtiments de la ferme qui prennent feu. Deux employés de l'exploitation, Yves Glémarec et une toute jeune fille, Yvonne Laurent, étaient montés sur un talus pour assister au mitraillage et au bombardement. Voyant l'avion désemparé venir dans leur direction, il s'abritèrent derrière ce même talus. Après le choc, les deux employés sont environnés par l'essence enflammée qui s'est répandue sur le sol et leurs vêtements prennent feu aussitôt ".
" Yves Glémarec se roule immédiatement à terre et réussit à éteindre les flamme. Malgré ce geste, il est grièvement brûlé et gardera les traces de ces terribles brûlures ".
Yves Glemarec
Photo Vincent Berrou via Renan Clorennec
Yvonne Laurent, qui décèdera malhereusement de ses blessures dans une clinique à Quimper.
Photo Vincent Berrou via Renan Clorennec
• Extrait du journal, tenu de Mai à Noël 44, par madame Joseph Boissel, propriétaire du Grand Hôtel à Bénodet, qui nous a été transmis par sa petite nièce, Mme Geneviève Manciaux, adhérente à Foën Izella. Y. et L.Nicolas.
7 juillet : " Beaucoup de monde à l'enterrement de la jeune fille Laurent victime du bombardement. Germaine avait fait une belle croix de roses. Les jeunes filles ont chanté. Au cimetière avaient été enterrés hier les deux aviateurs. D'énormes couronnes tricolores ornent leurs tombes ".
Le crash du Mosquito Anglais à Keranguyon.
(source Blog de Renan Clorennec)
• Article du Télégramme sous la plume de Roger Philippe.
" Les avions rasent les mâts des bateaux et larguent leurs bombes après mitraillage. Mais la DCA allemande installée sur les hauteurs de Créac'h Conard (et à Combrit non loin de la pile ouest du pont -voir plan en couleur ci-après) veille et ne reste pas inactive. Et c'est le drame. On ne saura d'ailleurs jamais si c'est un obus de DCA qui a atteint un des appareils ou comme l'affirme un témoin caché dans le bois des Garennes, l'avion volant trop bas, aurait heurté le haut du mât d'un des navires allemand ".
Attaque des Mosquitos du No. 248 Sqn le 4 juillet 1944 et crash du Mosquito LR339 près de la ferme de Keranguyon
Création de Renan Clorennec
• Témoignage de Jean Morvan recueilli par René Bleuzen pour Foën Izella.
" Il était un peu plus de midi et je venais de déjeuner, ce 4 juillet 1944, lorsque "l'arsenal" (les installations de Kergaït) et les bateaux allemands ont été attaqués par les avions alliés. Je me trouvais à la ferme de Créach Conard, à proximité de la batterie allemande de trois pièces de DCA, installée près du château d'eau. Je voyais le départ des projectiles et j'ai distingué très nettement l'impact d'un obus sur un avion volant bas et qui virait devant la batterie, s'offrant ainsi aux tirs de DCA ".
• Témoignage de Jean Capp recueilli par René Bleuzen pour Foën Izella.
" J'avais 16 ans en 1944. Le matin du 4 juillet, requis par les soldats d'occupation, j'avais travaillé avec une douzaine de camarades au creusement de trous dans la propriété de Bodigneau, à trois bons kilomètres de Bénodet. A midi, nous venions déjeuner, à pied, lorsque s'est produite l'attaque aérienne sur les bateaux allemands. Je me souviens parfaitement avoir vu passer non loin de nous, d'ouest en est, une boule de feu que j'ai prise pour avion en flammes. Nous avons ensuite constaté que l'avion était tombé près de la ferme de Keranguyon dont certains bâtiments flambaient. Dans la cour gisaient les corps des deux aviateurs anglais, éjectés de leur appareil et morts sur le coup ".
• Témoignage de Ven Guillou, boucher, recueilli par René Bleuzen pour Foën Izella.
" Le 4 juillet, devant mon domicile (près de la Poste), au moment de l'attaque des avions alliés contre l'arsenal de Bénodet, j'ai vu passer à basse altitude un avion duquel sortait une épaisse fumée. Avec mon camarade Norbert Duigou, j'ai couru vers le lieu de la chute, la ferme de Keranguyon avec l'idée de venir en aide aux aviateurs, ou bien comme on faisait partie de la Résistance, de récupérer des armes. Nous étions dans les premiers arrivés, les munitions éclataient encore et les éclats m'ont atteint à la jambe et à la main gauches, ce qui a nécessité ma conduite à la clinique du Sacré Coeur (à Quimper) où je suis resté huit jours ".
• Article du Télégramme sous la plume de Roger Philippe.
" Leurs corps affreusement mutilés restèrent sur place pendant 2 jours, les Allemands interdisant d'y toucher. Enfin, un officier donna l'ordre de les inhumer ".
A gauche le navigateur Robert Wylie Thomson, 31 ans et à droite le pilote Anthony Dockray Philips, 26 ans.
Photo donnée par la mère du navigateur, en 1946, à Mme Marie Berrou, née Boulis, qui, avec son époux Vincent, tenaient la ferme de Keranguyon.
Source Vincent Berrou via Renan Clorennec
• Récit de Louis Nicolas à propos de Roger Cuzon qui assista le 4 juillet au crash du Mosquito, paru dans le bulletin n°44 de l'association Foën Izella.
(Louis Nicolas, Roger Cuzon, Claude Capron et Norbert Duigou étaient quatre amis qui décidèrent de prendre le maquis en 1943)
" Roger bénéficie semble-til, d’un privilège, celui de se trouver, par le plus grand des hasards, témoin d’un évènement exceptionnel. Ce 4 juillet 1944, en fin de matinée, il passait à vélo à proximité de la ferme de Keranguyon, à Bénodet, quand des mitrailleuses se sont mises à cracher… l’un des avions, qui se préparait à une seconde passe, a été touché et s’est abattu au voisinage de la ferme. Roger s’est aussitôt précipité sur les lieux où gisaient les débris de l’appareil et les corps disloqués des deux aviateurs éjectés et probablement morts avant le crash. Par un reflexe assez étonnant, Roger s’est mis en devoir de récupérer la trousse de premiers secours et le portefeuille de l’un des aviateurs. Il n’a pas eu le temps d’inspecter l’autre victime, la carcasse de l’avion commençait à brûler, avant d’exploser. Et les allemands n’allaient pas tarder à arriver sur les lieux… Il a donc décidé de se sauver et de rejoindre notre base de Gouesnach.
Il nous a expliqué ce qui venait de lui arriver, qu’aurait pu nous laisser sceptiques, Claude et moi, mais nous savions bien que Roger n’était pas du genre à raconter n’importe quoi ; et les pièces à conviction étaient là, nous les avions examinées :
• Dans la trousse, des pansements d’urgence, que nous avons conservés. Je ne me doutais pas qu’ils me seraient bientôt d’un grand secours.
• Un carré de soie imprimé, se présentant comme un mouchoir, mais qui, déplié, occupait une surface de près de deux mètres carrés, figurant la carte des côtes françaises de la Manche et de l’Atlantique, les ports, les routes…
• Divers papiers ; une boîte de ration alimentaire.
• Dans le porte-feuille, les papiers personnels de l’aviateur, des photos de famille et, soigneusement plié, dans un compartiment, un billet de 1.000 francs tout neuf, probablement faux mais un faux en quelque sorte officiel, absolument conforme. Nous avons décidé de nous l’approprier et de le mettre en circulation dès qu’un traitement vieillissant lui aurait conféré la patine indispensable. Quant au portefeuille est son contenu, Roger a décidé qu’il allait le confier à la Croix Rouge Internationale, par l’intermédiaire d’une filière de sa connaissance.
La guerre terminée, la famille de l’aviateur en cause, est venue à Bénodet se recueullir sur la tombe et a chaleureusement remercié « les autorités » qui lui avaient fait parvenir si rapidement ce souvenir…".
IN MEMORIAM
Depuis 2012, une rue porte le nom de rue des deux aviateurs à Bénodet, près de l'avenue des Roseaux et de la rue des Moutons, non loin du lieu du crash.
Le lieu du crash et la rue des deux aviateurs.
Carte réalisée par Renan Clorennec
Au cimetière de Bénodet
Les tombes des deux aviateurs PHILLIPS et THOMSON
Photos Frédéric Hénoff (ABSA 39-45)
LA PRESSE EN PARLE
Ouest-France - 4 juillet 2024
ANNEXE
Extrait de l'Operations Record Book (ORB) des missions du 4 juillet 1944
Pour une raison que nous ignorons, le Mosquito du Wing Commander est identifié à tort comme étant le HR127 code "F". Nous ne savons pas si les autres Mosquitos sont correctement identifiés (HR261 et HP132, sachant que le HP132 n'a vraisemblablement pas existé, alors qu'un HR132 a existé au sein du No. 248 Sqn)
Sources :
- le Fana de l'Aviation n° 626 (janvier 2022) : article de David Méchin sur Max Guedj
- Livre "La guerre 1939-1945 à Fouesnant - Historique et anecdotes" de Jean-René Canevet
- site France-Crashes 39-45
- Blog "La mer dans les bois", page consacrée au "4 juillet 1944 à Bénodet" par Renan Clorennec
Remerciements à Frédéric Hénoff, Renan Clorennec et via Renan Clorennec à Vincent Berrou, Arlette Cornec et à Yvonne Nicolas et à l'association Foën Izella.
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