Bristol Blenheim MkIV (T1860 - code OM-F)
Hameau de "Loctudy", près de "Ker Pol Leo", Le Palais
(contributeurs : Société Historique de Belle-Ile-en-Mer, Daniel Dahiot, Jean-Louis Roba, France Crashes 39-45)
Bristol Blenheim Mk IV du no 107 Squadron (code OM-J) à Leuchars, Fife, Ecosse
Photo : Imperial War Museum © IWM (CH 2428)
Equipage (No. 107 Squadron RAF)
- Flight Lieutenant (pilote, au grade de Pilot Officer ce jour-là) Edgar Spottiswoode HUMPHREYS,
RAF Volunteer Reserve, 29 ans, (matricule 44177).
Né le 5 décembre 1914, fils de William Spottiswoode et Lydia Humphreys, époux de Lilian Humphreys (nee Watt), d'Oxford.
Prisonnier de guerre au Stalag Luft I puis au Stalag Luft III (n°406), évadé puis exécuté le 31 mars 1944 à Liegnitz
par les agents de la Gestapo Lux et Scharpwinkel.
Il fut incinéré et ses cendres reposent au Poznan Old Garrison Cemetery (8.C.5), en Pologne.
- Sergeant (observateur) Geoffrey Royson GRIGGS, RAF (matricule 581332)
Prisonnier de guerre (n°431 - Stalag Luft 6)
- Sergeant (opérateur radio - mitrailleur) Leonard Frederick BRAND, RAF (matricule 755736)
Prisonnier de guerre (n°421 - Stalag 357)
L'HISTOIRE
Le 20 décembre 1940, 7 avions décollent de la base RAF de Saint-Eval [8 avions avaient été détachés de leur base RAF Wattisham à RAF Saint-Eval pour effectuer des attaques sur la Bretagne] parmi lesquels le Bristol Blenheim Mk IV T1860 -code OM-F) qui décolle à 2h50. Leurs objectifs étaient les aérodromes de Lannion (Côtes d'Armor) et de Morlaix (Finistère). Mais les conditions météorologiques défavorbales firent que seul un avion fut capable de larguer ses bombes dans la zone de la cible. Les autres retournèrent en Angleterre avec leur charge de bombes, à part l'avion du Flight Lieutenant Humpreys.
Un extrait d'un texte écrit en 2000 par Louis Chartier, Société Historique de Belle-Ile-en-Mer, bulletin n° 28, précise :
Des soldats allemands, tout sourire, posent sur l'épave du Blenheim T1860 après son atterrissage forcé sur l'île de Belle-Île-en-Mer.
Photo © collection Jean-Louis Roba
Un bimoteur anglais à Loctudy
Le vendredi 20 décembre 1940 vers 11h un bimoteur anglais atterrit en catastrophe près du village de Loctudy (avant de se poser il était passé plusieurs fois au-dessus de Le Palais au ras des toits), le train rentré, le réservoir à sec, après s’être perdu dans la brume, disait-on. Il avait fait effectivement une matinée très brumeuse, brume qui s’était dissipée en fin de matinée, moment où l’avion a atterri. L’atterrissage a eu lieu dans un terrain légèrement vallonné commençant à l’Usine à Gaz et aboutissant au chemin de Loctudy-Bruté ; aujourd’hui le terrain est boisé mais à l’époque il était bien dégagé. L’appareil s’était arrêté sur le haut de Loctudy près de Kerpold-Léo. Les habitants des villages avoisinants auraient vu les trois membres de l’équipage tenter de mettre le feu à l’appareil et n’y parvenant pas ; pour d’autres c’étaient tout simplement les papiers de bord qu’ils auraient brûlés.
Le Blenheim T1860, du no 107 Sqn de la RAF après son atterrissage forcé sur l'île de Belle-Île-en-Mer.
L'apparence du soldat allemand laisse penser qu'il prend l'avion en photo.
Photo © collection Jean-Louis Roba
Les archives départementales du Morbihan donnent plusieurs dates (20, 21, 23 et 24 décembre 1940), ces dates successives sont certainement dues au fait que cet appareil est resté plus de 2 semaines sur le terrain. Selon J.G. « C’était le vendredi précédent les vacances de Noël ». Yvonne Lanco dans son ouvrage « La Citadelle de l’Atlantique » précise la date : 20 décembre 1940. Notons que le 20/12/40 était bien un vendredi. Le départ de ces aviateurs anglais dans la demi heure qui a suivi l’atterrissage a généré une mini manifestation de sympathie sur le quai, leur départ a été ponctué de quelques ‘’Good Bye ! On les aura !’’ à la grande colère des occupants ? Cette manifestation est à relativiser, certains historiens bellîlois ayant une propension marquée à l’exagération.
Les bellîloises admiratives
Les demoiselles (et les dames) les trouvaient fort à leur goût ces aviateurs anglais. « Ah ! c’est qu’ils étaient beaux ! ils avaient un beau pull-over blanc à col roulé, un beau blouson avec de la peau de mouton dedans et de belles bottes avec aussi de la peau de mouton dedans. » Certaines qui ‘’pratiquaient’’ déjà la Wermacht et la Kriegsmarine étaient-elles prêtes à tomber dans les bras de la RAF ? Probablement, on ne peut rien contre l’attrait de l’uniforme.
L'équipage du Blenheim T1860, du no 107 Sqn de la RAF, après avoir été capturé par les allemands,
probablement en attente d'embarquer pour le continent.
Les visages sont relativement détendus, sans doute heureux de s'être sortis vivants de l'atterrissage forcé.
Photo © collection Jean-Louis Roba
Ce bimoteur, équipage de 3 hommes, avec un avant vitré plutôt bizarre, en forme de proue de péniche, était peut-être un Blenheim. Il est resté plus de deux semaines dans ce champ à Loctudy, gardé jour et nuit par une sentinelle, jusqu’à l’arrivée de spécialistes venus de Lorient qui le démontèrent pièce par pièce. Les caisses desdites pièces furent ensuite stockées à Le Palais, quai de l’Yser. Les gosses du quartier avaient tous dans la poche un écrou, une rondelle, des reliques ! À Bordustard comme à Loctudy, ce fut la promenade du dimanche des bellîlois et celle des élèves de l’école publique en semaine.
Des experts allemands, venus de Lorient, démontent les pièces du Blenheim T1860.
Photo © collection Jean-Louis Roba
Dans la liste* tenue pratiquement au jour le jour des pertes de l’aviation de bombardement anglaise pour le mois de décembre 1940, on trouve à la date du 19-20 décembre la perte d’un appareil de type Blenheim IV ; les trois membres d’équipage étant faits prisonniers de guerre :
Rapport de perte d’appareil** :
Date : 19-20/12/40
Mission : Lannion
Type : Blenheim IV
Unité : Sq 107
Immatriculation : T 1860 M
Equipage :
F. Lt E.S.Humphreys, POW
Sgt G.R. Griggs, POW
Sgt L.F. Brand, POW
Remarque : Décollage de Watisham pour attaque de l’aérodrome de Lannion |
Le lieu de chute n’est pas précisé.
S’agit-il de cet appareil perdu à la suite d’une opération sur la Bretagne ? probablement, Lannion étant à environ 150 km à vol d’oiseau de Belle Île, une avarie de compas s’ajoutant à cette brume à couper au couteau expliquerait l’atterrissage en catastrophe à Belle Île. L’aviation de chasse de la RAF n’accuse aucune perte de bimoteur pour cette période. Pour avoir la certitude qu’il s’agit bien de cet appareil la consultation des archives des pertes de l’aviation de reconnaissance et du Coastal Command de la RAF serait nécessaire***.
De Loctudy aux balles de la Gestapo ?
Le Flight Lieutenant Humphreys, pilote de ce Blenheim, a participé à l’évasion de masse du Stalag Luft III en mars 1944, il fut capturé et assassiné par la Gestapo le 31 mars 1944, ses cendres reposent maintenant dans le vieux cimetière de Poznan (Pologne).
* Archives départementales du Morbihan, réf. M13248
** ‘’Bombers command losses’’ W. Chorley - Midland Counties Publications
*** L'examen de l'Operational Record Book du no 107 Squadron effectué après la parution de cette lettre d'information "Belle-Ile Histoire n°28" confirme la perte de l'avion (voir annexes ci-après).
EDGAR SPOTTISWOODE HUMPHREYS
(source Wikipedia)
Edgar Spottiswoode HUMPHREYS
Photo © The Pegasus Archives
Né le 5 décembre 1914 à Exmouth, dans le Devon, Edgar était l'aîné de Lydia et William Spottiswoode Humphreys. Il fut scolarisé à l'école locale et s'intéressa très vite à l'aviation. En 1931, à 16 ans et demi, il passa les tests pour obtenir le brevet de pilote de Classe A, qui ne pouvait être obtenu qu'à 17 ans. Il s'engagea dans la RAF en 1932 au sein de la 25e promotion d'apprentis à la No 1 School of Technical Training RAF, à la base RAF Halton, et fut diplômé Aviateur de 2e classe en 1935 (matricule 565906 à l'époque). Après avoir travaillé comme personnel au sol, Humphreys candidata et fut accepté pour une formation de pilote. Il fut promu Sergeant après avoir obtenu ses ailes.
Avec l'arrivée de la guerre, Humphreys devint Pilot Officer le 19 juillet 1940 avec ancienneté au 25 avril 1940 (voir London Gazette en annexes) et son matricule devint 44177. Il épousa Lilan Watt au début de l'été 1940 près d'Okehampton, dans le Devon, et s'établirent à Boscombe. Il pilota des bombardiers légers de type Blenheim au sein du No 107 Squadron de la RAF au départ de la base RAF Wattisham, après leur retour de la bataille de France. Les premières missions étaient de s'attaquer à des cibles allemandes en territoire occupé : aérodromes, ports, concentrations de troupes... Dans la nuit du 15 au 16 novembre 1940, il survécut au crash de son avion Belnheim Mk IV "R3737" à Stowmarket, au retour d'une mission de bombardement.
Après avoir été détaché de RAF Wattisham à RAF Saint-Eval, Humpreys décolla le 20 décembre 1940 pour attaquer l'aérodrome de Lannion, en Bretagne. Comme on le sait, l'avion effectua un atterrissage forcé, peut-être après avoir été touché par le feu de la DCA navale, et l'équipage fut capturé. Il était le prisonnier no 406 et fut envoyé au Stalag Luft I Barth. Le 19 juillet 1941, il fut promu Flying Officer et un an plus tard jour pour jour Flight Lieutenant.
Au Stalag Luft I, Humpreys, surnommé "Hunk", rencontre Roger Bushell, avec qui commença l'aventure des tunnels d'évasion. Humpreys,Bushell et quelques autres furent envoyés au Stalag Luft III en Basse Silésie, près de Sagan. Dans la nuit du 24 au 25 mars 1944, Humphreys fit partie des 76 évadés du camp, en compagnie du F/L Paul Royle, abattu le 17 mai 1940 [Royle fut capturé après son évasion mais ne fut pas exécuté]. Humpreys avait le numéro 54 dans la file des évadés et Royle le 55. Après avoir marché dans la neige et le froid vers le sud, ils furent arrêtés 24 heures après leur évasion près du village de Tiefenfurt. Humpreys et d'autres aviateurs capturés furent conduits à la prison civile de Sagan. Il furent ensuite conduits à la prison de Görlitz. Le 31 mars 1944, Keith Ogilvie (aviateur Canadien du No 609 Squadron) vit Humphreys et quelques autres emmenés dans des camions. Ils furent abattus par la Gestapo dans une clairière sur la route de Görlitz à Sagan. Humphreys fut ensuite incinéré à Lignitz par la Gestapo. Ses cendres furent d'abord enterrés à Sagan puis au cimetière de la vielle garnison de Poznan.
IN MEMORIAM
♦ Mémorial des "Cinquante" le long de la route de Sagan (aujourd'hui Żagań).
Le nom de Humphreys apparaît à droite en 2e ligne (flèche jaune)
Photo CSvBibra - Domaine public
ANNEXES
♦ Operational Record Book du Squadron 107 pour la date du 20 décembre 1940
(source documents : The National Archives)
- Document AIR-27-841-30
- Document AIR-27-841-31
- Document AIR-27-848-03
Dans ce document, il est précisé que le Blenheim codé "F" décolla à 2h53 et à deux reprises,
il est mentionné qu'il n'était toujours pas rentré ("not yet returned")
♦ The London Gazette :
- London Gazette du 6 août 1940 annonçant la promotion d'Humphreys au grade de Pilot Officer
- London Gazette du 13 janvier 1942 annonçant la promotion d'Humphreys au grade de Flying Officer au 19 juillet 1941 avec ancienneté au 25 avril 1941.
- London Gazette du 24 juillet 1942 annonçant la promotion d'Humphreys au grade de Flight Lieutenant au 19 juillet avec ancienneté au 25 avril 1942.
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