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2 décembre 1941
Bristol Beaufort Mk I (AW216 - code OA-P)
En mer près de Quiberon
(contributeurs : Eric Le Gall (Association GRAHMBS), Dominique Auzeau, Daniel Dahiot)
Bristol Beaufort Mk I. Le 1er avion sur la photo, codé OA-H, participa à la mission du 2 décembre 1941.
no. 22 Squadron RAF, North Coates, Lincolnshire.Photo : Imperial War Museum © IWM CH 644 - Photographe : Daventry, Bertrand John Henry (Flight Lieutenant)
Equipage (No. 22 Squadron RAF)
- Flight Lieutenant (pilote) John Reginald NOBLE, 23 ans, Royal Air Force Volunteer Reserve (matricule ), tué.
Cimetière communal de Quiberon, Tombe 1
- Pilot Officer (observateur) Arthur John DEARDEN, 24 ans, Royal Air Force Volunteer Reserve (matricule ), tué.
Cimetière communal de Quiberon, Tombe 2
- Sergeant (opérateur radio - mitrailleur) William Robert FURZEY, 21 ans Royal Air Force Volunteer Reserve (matricule ), tué.
Cimetière communal de Quiberon, Tombe 3
- Sergeant (mitrailleur) John Francis McGEE, 22 ans, Royal Air Force Volunteer Reserve (matricule ), tué.
Runnymede Memorial, Panel 47
L'HISTOIRE
L'objectif de ce mardi 2 décembre 1941 était l'objectif reporté de la veille, une scierie à Nantes dans le quartier de l'île de Biesse (partie de l'île de Nantes actuelle) dans le centre de la ville sur la Loire. Six avions décollèrent à 15h45 et mirent le cap en formation à 15h50 emmenés par le Wing Commander Mayhew à bord de l'avion codé OA-V. Malgré le succès de l'opération, deux avions ne rentrèrent pas de la mission : celui du Commanding Officer Mayhew, et donc celui du F/Lt Noble. A bord de l'avion du W/Cdr Mayhew (pilote) se trouvaient également le Sgt Walters (Observateur), le Sgt Ashton et le Sgt Fowler (Mitraileurs).
Le Squadron Leader Bateson, à bord de l'avion codé OA-H racontait ainsi la mission dans l'Operational Record Book de décembre 1941 du No. 22 Squadron RAF (document AIR-27-278-48 - voir annexes) :
" Après avoir aperçu deux He 115 [hydravion allemand Heinkel He 115], nous avons traversé l'île de Noumentier [vraisemblablement l'île de Moirmoutier en Vendée, qui laisse penser que les avions sont arrivés par la mer pour remonter sur Nantes] avec une très mauvaise lumière et n'avons pas pu apercevoir la formation de tête sur la couleur sombre du sol. Nous avons donc continué notre route avec l'intention de mener des attaques divisées comme prévu. Après avoir traversé le lac [peut-être le lac de Grand-Lieu], nous nous sommes retrouvés au-dessus de la Loire, à l'est de notre objectif. À ce moment-là, un grand incendie a été observé vers l'ouest, nous avons donc tourné vers l'ouest en longeant la rivière et avons trouvé notre objectif en feu. Après avoir fait un cercle sur la zone et voyant deux autres explosions, nous avons effectué notre passage et largué notre chargement sur la cible en feu. La flak était assez intense mais ne pouvait pas être très précise, car parmi les trois avions qui ont attaqué et qui sont revenus (H, A, B) [sous-entendu codes OA-H, OA-A et OA-B], un seul revint avec un seul trou d'obus. D'après les rapports des pilotes, il apparaît que A/C [l'avion] A a dû attaquer en premier, puis [les avions] V et P (on le suppose du fait que nous avons vu deux autres explosions avant d'attaquer) puis l'avion H et enfin A/C [l'avion] B. L'A/C [l'avion] F n'a pas réussi à localiser la cible, la visibilité étant très mauvaise et donc voler à basse altitude était rendu difficile.
Une formation de Bristol Beaufort Mk I du No. 22 Squadron de la RAF en vol au dessus de la côte anglaise.
Au premier plan, le Beaufort AW203 (code OA-A) qui participa à la mission du 2 décembre 1941.
La photo fut prise de l'avion du Wing Commander Mayhew, malheureusement disparu avec son équipage le 2 décembre 1941.
Photo : Imperial War Museum © IWM HU 93027
L'Operational Record Book du Squadron 22 pour le 2 décembre 1941 (document AIR-27-278-49 - voir en annexes) donne des précisions sur la mission pour chacun des 4 avions rentrés de mission :
- Beaufort Mk I code OA-A : l'équipage était composé du F/Sgt Poole et des Sgt Goldsmith, Hoskin et Francis. L'avion décolla à 15h35 et revint à 21h25. L'avion arriva sur l'île de Noirmoutier en formation mais perdit la formation au dessus du continent. Il traversa à 18h25 à 400 pieds (environ 120 m) en suivant l'avion du Wing Commander Mayhew (code "OA-V"), cercla autour de Nantes, et passa au bord de l'aérodrome de Château Bougon, où des tirs verts et rouges de mitrailleuses et de FlaK légère furent aperçus auxquels le mitrailleur arrière répondit en tirant 200 coups. L'avion effectua son approche finale sur la cible au cap 240° et largua ses bombes sur la cible à 600 pieds (environ 180 mètres) qui touchèrent des bâtiments et des cheminées de la scierie.L'immense éclat blanc des incendies était visible et il s'en suivit quelques secondes plus tard 4 explosions de bombes, puis un peu après d'autres explosions de bombes. Une lueur rouge intense grandissait à l'emplacement de la cible. L'avion essuya des tirs de FlaK légère d'environ 6 canons situés aux alentours d'une gare de chemin de fer proche du pont Haudaudine [il est écrit Hondondine dans l'ORB]. Toute la ville de Nantes était illuminée. L'avion transportait 2 bombes de 500 livres, 2 autres de 250 livres et 2 bidons incendiaires. A 17h19, il aperçut deux Heinkel He 115 volant sur un cap nord.
- Beaufort Mk I code OA-F : l'équipage était composé du P/O Lander et des Sgt Mark, Usher et High. L'avion décolla à 15h37 et revint à 21h33. A 18h20, l'avion arriva sur l'île de Noirmoutier mais ne trouva pas la cible. A 19h20, il tenta de trouver Belle-Île en vue d'attaquer la cible secondaire. Mais de gros nuages et le temps sombre l'en empêcha. L'avion retourna donc à la base avec toute sa charge. A 17h04, volant à 100 pieds (30 mètres) au cap 130°, l'avion aperçut 3 Heinkel He 115 en formation serrée sur la droite à 300 pieds (90 m) au cap 340°. 30 secondes plus tard ils changèrent de cap et disparurent dans l'obscurité. A 18h40, l'avion aperçut sur sa droite à 1000 pieds au dessus la lumière orange d'un chasseur de nuit, ce qui amena le pilote à effectuer une manoeuvre d'évasion ; la lumière disparut.
- Beaufort Mk I code OA-H : l'équipage était composé du S/L Bateson et des Sgt Newland, Mann et Hugues. L'avion décolla à 15h35 et revint à 21h06. A cause d'une brume au sol et d'une grosse couverture nuageuse (10/10), l'avion perdit la formation en traversant la côte et rencontra une FlaK intense dans la zone de Chateau-Bougon. L'avion récupéra la Loire entre les îles Forget et Pinette [notées Foiget et Birette dans l'ORB). Les incendies déclenchés par l'avion précédent étaient visibles. L'avion aperçut un chapelet de bombes exploser sur la cible au moment où il s'approcha pour larguer 2 bombes de 500 livres et deux autres de 250 livres à 80 pieds, et un chapelet à 300 pieds le long de la face sud d'un grand bâtiment de béton. A cause des incendies et de la lueur qu'ils dégagent, une suel explosion fut constatée sur la cible. La Flak tirait de part et d'autre de la cible.
- Beaufort Mk I code OA-B : l'équipage était composé des Sgt Mitchell, Woodard, Lloyd et Osborne. L'avion décolla à 15h50 et revint à 22h05. Après être arrivé sur l'île de Noirmoutier, l'avion suivit le OA-H jusqu'à la zone de la cible. Il effectua un léger virage pour bombarder dans le sens est-ouest. Toute la charge fut larguée en petits chapelets à 80 pieds (25 m) au milieu de quatre incendies. Quatre explosions furent constatées.L'avion vit grand flash bleu rougeâtre s'élever de la zone de la cible. Trois minutes après, l'avion quitta la zone et aperçut les incendies dans la zone de la cible avec de la fumée pendant encore 9 minutes. L'avion aperçut également deux Heinkel He 115 au même endroits que les avions F, H et A.
- Beaufort Mk I code OA-V : l'équipage était composé du W/Cdr Mayhew et des Sgt Walters, Fowler et Ashton. L'avion ne revint pas de la mission.
- Beaufort Mk I code OA-P : l'équipage était composé du F/Lt Noble, du P/O Dearden et des Sgt Furzey et McGee. L'avion ne revint pas de la mission. L'avion s'écrasa dans la baie au large de Quiberon.
L'EPAVE DU BEAUFORT "OA-P" RETROUVEE EN 2003
Le banc de Crac'h, au large de la Trinité-sur-Mer, où sont découvert les restes du Beaufort Mk I AW216 en 2003.
Carte association GRAHMBS - https://2021.atlasdesepaves.fr
Samedi 21 juin 2003, à l'occasion d'une plongée au large de la Trinité-sur-Mer, dans la zone du "Banc de Crac'h", Guy Drula et Alain Le Guen découvre une hélice d'avion. Les deux plongeurs contactent le 1er julllet 2003 Eric Le Gall et Hervé Severe, de l'association GRAHMBS (Groupe de recherches archéologiques et historiques maritimes en Bretagne Sud) pour une information historique et pour connaître la règlementation suite à une découverte archéologique. L'hélice est alors déclarée aux affaires maritimes de Lorient et le DRASSM (Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines) est contacté.
L'hélice du Beaufort, découverte en premier en juin 2003 dans la zone du banc de Crac'h.
Photos association GRAHMBS - https://2021.atlasdesepaves.fr
Le 23 juillet, une plongée d'exploration est programmée ; en quadrillant la zone, les restes d'un moteur d'avion sont découverts, puis un second moteur d'avion 10 mètres plus loin, mieux conservé, avec 14 cylindres en étoiles.
Le premier moteur est découvert le 23 juillet 2003, dans un état moyen.
Photo association GRAHMBS - https://2021.atlasdesepaves.fr
Le 1er août 2003, une nouvelle plongée est organisée dans la zone où furent retrouvés les moteurs. Ceux-ci ont alors nettoyés au fond de la mer ; le second moteur, encore en bon état, mesure environ 1,20 m de diamètre. Ses 14 cylindres sont bien disposés, sur deux plans.
Le second moteur est découvert également le 23 juillet 2003, en meilleur état que le premier.
Photo association GRAHMBS - https://2021.atlasdesepaves.fr
En continuant leurs investigations dans la zone des moteurs, les plongeurs retrouvent alors diverses pièces en alumimium, de forme cylindrique ; en dégageant le sable qui les recouvre, ils découvrent les restes d'un train d'atterrissage avec un morceau de vérin en inox qui dépasse de 25 cm et don le diamètre est de 10 à 15 cm.
Les restes d'un train d'atterrissage, où l'on distingue nettement un vérin qui sort de 25 cm de la jambe de train.
Photo association GRAHMBS - https://2021.atlasdesepaves.fr
Un peu plus loin, dans l'amas de débris, les restes d'une carcasse de pneu sont découverts.
Les restes d'une carcasse de pneu est découverte au milieu des débris de l'avion.
Photo association GRAHMBS - https://2021.atlasdesepaves.fr
Jeudi 7 août 2003, nos amis plongeurs retournent sur site pour procéder au désherbage des pâles de l'hélice. Celles-ci sont recourbées aux extrémités. Le diamètre de l'hélice est meesuré : 3,50 m. Chaque pale mesure 1,50 m. La seconde hélice de l'avion n'a pas été localisée. Puis les plongées vont continuer jusqu'en octobre 2003. Un second train d'atterrissage est découvert, ainsi qu'un élément de voilure et plusieurs batteries de 2 et 12 v. Le quadrillage de la zone permit également de retrouver une mitrailleuse, identifiée comme étant de type Vickers à chargeur circulaire.
Une mitrailleuse fut également découverte parmi les débris d'avion.
Photo association GRAHMBS - https://2021.atlasdesepaves.fr
Commence alors la phase de recherche pour identifier cet avion. Les plongeurs du GRAHMBS contactent le Morbihan Aéro Musée, à Monterblanc prs de Vannes. Les photos sous-marines des restes de l'avion sont étudiés à la loupe. Début novembre 2003, une page d'information est déposée sur le site du Comité départemental du Morbihan FFESSM. Les premiers résultats de tous ces échanges orientent les recherches vers un bombardier de type Bristol de la RAF. Suite à la diffusion de la page internet, des plongeurs (MM. Coantic et Gouarin) rappellent que trois tombes d'aviateurs anglais, membres d'équipage d'un bombardier bimoteur Bristol Beaufort abattu le 2 décembre 1941, reposent au cimetière de Quiberon.
En parallèle, la famille d'un pilote de la RAF, ayant également vu la page internet, envoya aux inventeurs de l'épave des documentations sur les moteurs Brstol Taurus. Après vérification, le moteur du Bristol Beaufort était bien équipé de deux moteurs de 14 cylindres en étoile du type Bristol Taurus. L'étude des documents reçus sur les moteurs Bristol Taurs révéla de nombreuses similitudes avec les pièces trouvées en baie de Quiberon.
Puis Monsieur Coantic informa nos plongeurs que deux Quiberonnais avaient été témoins du crash de l'avion en 1941. C'est ainsi que fut interviewé le 22 novembre 2003 Monsieur Christian Moisson, 82 ans ; celui-ci témoigna de ce qu'il avait vu le 2 décembre 1941, alors qu'il avait 20 ans : "une boule de feu, j'ai vu tomber une boule de feu, on entendait bien les moteurs, le temps était calme, comme aujourd'hui... Elle est tombée à l'Est de la bouée". Son récit se recoupait quant à la localisation de l'épave de l'avion. L'autre témoin, ayant des problèmes de santé, ne fut contacté qu'en 2004 ; celui-ci avait découvert les corps des aviateurs sur la grève.
En décembre 2003, Richard Turner, le petit-fils du pilote John Reginal Nobme, contacta les plongeurs pour leur faire part de son intérêt pour la découverte de l'épave et leur témoigna toute sa sympathie pour ce travail de mémoire. .
IN MEMORIAM
♦ Tombes de trois des quatre membres d'équipage, au cimetière communale de Quiberon.
Le 4e membre d'équipage, dont le corps ne fut pas retrouvé, est honoré au Runnymede Memorial, en Angleterre
(source photos : site "Ils venaient du ciel" : http://39-45.auzeau.fr)
Les tombes du Flight Lieutenant John Reginald NOBLE, du Pilot Officer Arthur John DEARDEN et du Sergeant William Robert FURZEY.
La tombe du Flight Lieutenant John Reginald NOBLE. La tombe du Pilot Officer Arthur John DEARDEN.
La tombe du Sergeant William Robert FURZEY.
ANNEXES
♦ Operational Record Book du Squadron 22 pour la date du 2 décembre 1941
(source documents : The National Archives)
- Document AIR-27-278-48 : ce document nous informe des circonstances de l'attaque sur la scierie de Nantes et indique que deux avions, dont le Beaufort AW216, ne sont pas rentrés
- Document AIR-27-278-49 : ce document liste les 6 avions envoyés en mission le 2 décembre 1941 contre la scierie à Nantes et résume pour chaque avion rentré le détail de la mission. Pour deux d'enre eux, malheureusement, pas d'information, dont le Beaufort AW216.
♦ Le moteur Bristol Taurus
Moteur Bristol Taurus exposé au Bristol Industrial Museum, Bristol, Angleterre, avec ses 14 cylindres sur 2 plans
photo Adrian Pingstone via Wikipedia (domaine public)
On reconnaît bien le moteur Bristol Taurus et ses cylindres recouverts de leurs chemises louvoyantes..
Photo association GRAHMBS
Dépliant publicitaire d'époque relatif au Bristol Beaufort et à son moteur
Les chemises louvoyantes du moteur Taurus
Manuel technique du moteur Taurus
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