6 août 1944

Short Stirling Mk IV (LJ878 - code 5G-T)
Plougoumelen

(contributeurs : Frank Bernard, Yves Jouan, Jonathan Ives)

Bristol blenheim mk iv
Bombardier Short Stirling
Photo : United Kingdom Government - Public Domain - © Imperial War Museum IWM TR 8

Equipage (No. 299 Squadron RAF - 38th Group)
Badge du 38th group raf jpg

38th Group RAF
Tous les membres de l'équipage sont enterrés au cimetière communal de Plougoumelen

- Pilot Officer (pilot) Henare Whakatau URU (RNZAF), 23 ans, matricule 39589
Fils de Henare Whakatau URU et de Gladys Constance May URU, née ROGERS, de Christchurch, Canterbury, Nouvelle Zélande.

Du 9 janvier au 9 avril 1943, a effectué le Stage n°8 de pilote au 34 OTU à Pennfield Ridge Air Station, New Brunswick, Canada.

- Warrant Officer (navigateur - bombardier) Robert Jack BRADDOCK (RNZAF), 26 ans, matricule 416081
Fils d'Alfred et Annie Maud BRADDOCK, Upper Hutt, Wellington, New Zealand

- Flight Sergeant Leonard Allan EUNSON (RAAF), 24 ans, matricule 410536
Né le 18 octobre 1919 à Northcote, Victoria, Australie.
Fils unique de Frederick Charles et Mabel Kate EUNSON résidant au n°11, avenue Walsall à Preston, Victoria, Australie

A fait ses études à la" Tyler Street State School" de Preston puis s'est 
engagé en décembre 1941

- Warrant Officer Class I (mitrailleur) Gordon Fletcher HARRISON (RCAF), 24 ans, matricule R/112810
Né le 28 septembre 1920 à Toronto, Ontario, Canada. Il a étudié à l'école publique Strathcona et à l'école Western Tech.
Ses parents résidaient à Huron Street à Toronto, Canada. Il avait 4 soeurs : Mmes Alberta ANDREWS, Alfreda JORDAN, Gladys JELLIMAN et Mlle Dolly HARRISSON.
Il s'est engagé en juillet 1942 et a effectué sa formation à la base RCAF de MacDonald à l'école n°3 de bombardement et d'artillerie. Il a rejoint l'Angleterre en mai 1943.

- Sergeant (Mécanicien) Alfred Anthony HULL (RAF Volunteer Reserve), 20 ans, matricule 1588979

- Pilot Officer (radio - mitrailleur) Walter Nelson IRVING (RCAF), 25 ans, matricule J/87928
Né le 6 février 1919 à Saskatchewan, Canada. 
Résidait à New Westminter, British Columbia, Canada

 

L'HISTOIRE

L'opération "S.A.S. DINGSON 35B"
NB : Tous les horaires donnés sont à l'heure anglaise et issus des Operation Record Book et rapports de parachutages du 299 Squadron de la RAF. En août 1944 le décalage horaire avec l'heure française était d'une heure, 12 heures anglaise correspondait à 13 heures française.

Le 5 août 1944, entre 22h15 et 23h47, 14 bombardiers Stirling Mk IV du no 299 Squadron de la RAF décollent de la base de Keevil, Comté de Wilshire, pour des opérations de parachutage sur le territoire français. Ils étaient répartis comme suit :

 

 

Le 299 Squadron fait partie des squadrons du no 38 Group RAF, appelés "Special duties" (Opérations spéciales). Ces squadrons ont effectués pendant la guerre 39-45 des parachutages et ramassages d'agents du SOE, IS, SAS, JEDBURGH, BCRA, des remorquages de planeurs, parachutages de troupes, d'armes, de jeeps pour le SOE, SAS, JEDBURGH et la résistance française.

Situation des Squadrons RAF "Special duties" en juin 1944 :

C'est donc de la base RAF de Keevil que décollent ce 5 août 1944 3 Stirling (sur les 14) pour l'opération S.A.S. "Dingson 35B" : 
- un piloté par le Flight Lieutenant TAYLOR à 22h33.
- un piloté par le Pilot Officer TOWELL à 22h43
- et celui piloté par le Pilot Officer URU à 23h00. 

Dans le Registre des "Operation Record Book" du no 299 Squadron RAF, l'avion du P/O URU est noté par erreur pour une opération "IAN 7" de parachutage d'armes au profit de l'équipe Jedburgh IAN. Cette opération "IAN 7" a été effectuée cette même nuit, du 5 au 6 août 1944 par deux bombardiers Stirling Mk IV du no 299 squadron pilotés par le Flight Officer GOUCHER et le Warrant Officer DILLON au lieu-dit "Fougères" sur la commune de Cherves-Châtelars, située dans le département de La Charente.


Photo aérienne de l'aérodrome de Keevil (prise en 1956)

Photo : United Kingdom Government - Public Domain

Les équipages des 3 Short Stirling Mk IV de l'opération S.A.S. "Dingson 35B" sont :

Chaque avion transporte 24 containers d'armes et de munitions destinés à la Résistance locale. L'objectif est un terrain de parachutage situé près du lieu-dit "Kerlias" sur la commune de Plescop, département du Morbihan. (Coordonnées RAF : 47°42N, 02°51W). "Kerlias" est situé entre les communes de Mériadec et Plescop1L'équipage du Pilot Officer URU effectuait sa 11ème sortie opérationnelle ainsi que son bombardier le Stirling Mk IV, codé 5G-T, n° de série LJ878. Les avions utilisés par le 299 Squadron sont des bombardiers quadrimoteurs "Short Stirling Mk IV", qui sont en fait des "Short Stirling Mk III" auxquels on a enlevé les mitrailleuses avant et dorsale et rajouté sous la mitrailleuse arrière un crochet pour le remorquage des planeurs.


Un Short Stirling du 196 Squadron de la RAF au décollage tractant un Airspeed Horsa 

Photo : United Kingdom Government - Public Domain - © Imperial War Museum IWM CH 18786

1 A ce jour malgré les recherches effectuées, il n'a pas été possible de déterminer avec certitude pour quelle unité de la Résistance était destiné ce parachutage d'armes demandé par les Parachutistes du 4èmeBataillon SAS (Parachutistes des Forces Aériennes Françaises Libres, incorporés dans l'unité d'élite britannique des forces spéciales du Spécial Air Service aux 3ème et 4ème Bataillons). Dans le secteur d'Auray, il y avait le 2ème Bataillon des Forces Françaises de l'Intérieur de l'Organisation de Résistance de l'Armée commandé par le Commandant LE GARREC, alias "Commandant Yves", alias "Bénard". On ne peut que supposer que ce parachutage était destiné aux résistants de l'ex-Maquis du moulin de Treuroux du 2ème Bataillon FFI ; celui-ci avait été dénoncé et attaqué le 10 juillet 1944 par les allemands.

Les avions pénètrent sur le territoire français par Pléneuf et atteignent la zone de parachutage à 0h10 pour le F/Lt TAYLOR et à 0h16 pour le P/O TOVELL. Ils vont tourner en rond respectivement pendant 20 et 31 minutes sur le secteur d'Auray, en vain, dans l'attente de signaux du balisage lumineux du terrain de parachutage par le comité de réception.


Le trajet des avions

Les rapports des pilotes de la R.A.F.
Flight Lieutenant TAYLOR :
Baden :
à 0h25, à 460 mètres d'altitude, tirs de la Flak (DCA) légère.
- à 0h30 un avion abattu. Une grande nappe de flammes. Il pourrait être le P/O URU et son équipage.

Flight Lieutenant TOWELL :
Auray :

- à 0h30, à 300 mètres d'altitude et à une vitesse de 350 km/h, atteint par des tirs de la Flak légère de 20mm qui ont causé des trous dans le côté droit de son avion.

- à 0h32, à 300 mètres d'altitude, un avion abattu s'écrase sur la ville.

L'heure d'arrivée sur la zone de parachutage de l'avion du Pilot Officer URU est inconnue mais on peut l'estimer à 0h20/0h25. Il sera abattu vers 0h30. Le Flight Lieutenant TAYLOR quitte le secteur d'Auray à 0h30 et le Pilot Officer TOVELL à 0h47 sans avoir effectué de parachutages. Ils quittent le territoire français par Penvénan et atterrissent respectivement à la base RAF de Keevil à 2h18 et 2h23.
Dans l'Operation Record Book du 299ème Squadron, il est noté :

" Le Pilot Officer
 URU et son équipage sont portés manquants de cette sortie opérationnelle. 
Le Flight Lieutenant TAYLOR et le Pilot Officer TOVELL volaient sur la même mission que le Pilot Officer URU, et ont signalé avoir vu un avion abattu en flammes au-dessus de l'objectif. Il est à craindre que c'était l'avion piloté par le Pilot Officer URU et comme il volait à environ 460 mètres, il est peu probable que l'équipage soit sauf. Cet équipage, qui était avec l'escadron depuis sa création en novembre 1943, a pris part aux opérations aéroportées du Débarquement et a aussi effectué un certain nombre d'opérations2 (4)pour les SAS et le SOE".

2 Dans la nuit du 2 au 3 Août 1944, trois avions Stirling (dont le même équipage du Pilot Officer URU) ont effectué la mission "S.A.S. Dingson 32B" avec le parachutage de 72 containers et 4 paniers dans la région d'Auray.

Le rapport de l'armée allemande
Ce 5 août 1944, le groupe de combat (Kampfgruppe) allemand du Colonel BORST, parti d'Hennebont vers 6h00 avec environ 1 500 hommes, avait reçu l'ordre de rétablir la liaison routière entre Lorient et Saint-Nazaire via Vannes ainsi que de reprendre l'aérodrome de Vannes-Meucon occupé depuis le 4 août par des éléments du 1er Bataillon FFI. Dans son rapport, le Capitaine de Réserve ALBRECHT, commandant du 3./Sicherungs-Regiment 191 (3ème Bataillon du Régiment de Sécurité 191) note :
" Le 5 août, mon bataillon a reçu l'ordre de s'avancer en avant-garde vers Vannes, en même temps que le Bataillon BRUGGEMANN qui n'était pas encore entièrement disponible ; il devait prendre la ville qui parraissait occupée par les terroristes. Le Colnel BORST dirigeait l'opération.
A mon bataillon était adjoint un groupement composé d'unités légères de la Flak de la Luftwaffe (Armée de l'Air Allemande), dont la mission était d'occuper l'aérodrome de Meucon près de Vannes. Mon bataillon atteignit Auray dans l'après-midi et se heurta à la résistance des formations terroristes. Après le nettoyage des faubourgs sur la route d'accès, opération au cours de laquelle el bataillon eut deux morts et de nombreux blessés, on atteignit vers le soir la lisière Ouest de la ville. A l'intérieur d'Auray, des combats furieux firent encore rage autour de certains blocs de maisons, mais la résistance fut brisée par l'entrée en action de la Flak légère. Pour la nuit, le bataillon bivouaqua à Auray et se remit en marche vers 3h00 du matin. Un avion ennemi qui survolait la route fut abattu par les canons de 20 mm de la Flak."

C'est probablement par ces canons de la Flak allemande que fût touché l'avion du P/O URU dans le secteur de "Terre-Rouge", où ce groupe de combat avait cantonné pour la nuit. A noter que le Kampfgruppe BORST, fut anéanti le 6 août entre Luscanen et Le Fourchêne, par les chars du "Combat Command A" de la 4ème Division Blindée de l'armée américaine commandée par le général WOOD.


Un canon de 20 mm Flak 30 sur un port 
© Bundesarchiv, Bild 101I-621-2943-33 / Doege / CC-BY-SA 3.0


La carte du secteur d'Auray-Vannes les 5 et 6 août 1944
Carte réalisée à partir d'une carte du Génie de l'armée Américaine de 1944

La chute de l'avion dans le bourg de Plougoumelen
L'avion en feu percute deux toitures et s'écrase dans la cour entre la ferme de la famille LE MEUT et la maison de la famille LE RAY. Les membres de l'équipage vont périr dans les flammes de leur bombardier Stirling. Les bâtiments des fermes et maisons d'habitations des familles LE MEUT, LE CLANCHE, LE SOMMER, LE RAY prennent feu. Un des moteurs en feu roule et bloque la porte d'entrée de la maison de la famille LE RAY qui périra dans les flammes.


Bâtiment 1 : maisons et fermes des familles LE MEUT et LE CLANCHE.
Bâtiment 2 : Maisons des familles LE RAY et LE SOMMER.

Source photo aérienne : IGN de 1952


Bertrand DE NOUË devant la carcasse du Stirling. En arrière-plan les bâtiments des fermes (Bâtiment 1..). 
Photo prise côté cour.
Source photo : Stéphane MORICE


Bertrand DE NOUË devant la carcasse du Stirling.
En arrière-plan la maison de la famille LE RAY (Bâtiment 2).

Photo prise côté cour.
Source photo : Stéphane MORICE


La cour où s'est écrasé le Stirling et où ont été prises les photos de l'avion.
Au fond les ex-bâtiments des fermes et à droite le pignon de l'ex-habitation de la famille LE RAY.

Une plaque commémorative est apposée sur l'ex-maison LE RAY, côté rue Georges Cadoudal
Source photo : Yves JOUAN (ABSA 39-45)


Anne-Marie LE VIGOUROUX, maman de Stéphane MORICE, devant les fermes incendiées (batîment 1). Photo prise côté route du Bono

Source photo : Stéphane MORICE


Même photo prise route du Bono, devenue "rue du 5 août 1944"
Source photo : Yves JOUAN (ABSA 39-45)

TEMOIGNAGES

Monsieur Pascal LE SOMMER
(témoignage recueilli par Pierre MAHÉ, ABSA 39-45)
Monsieur Pascal LE SOMMER, beau-fils des époux LE RAY, était marié avec leur fille Anne-Marie.

Dans la nuit du 5 au 6 août 1944, un jour avant le repli des troupes allemandes d'Auray, deux bombardiers anglais chargés de containers pour le maquis de la région d'Auray tournaient en rond, cherchant à apercevoir les lumières des F.F.I. pour leur indiquer l'endroit où ils devaient lâcher leurs containers. Les allemands firent des signaux et un des deux avions anglais se dirigea vers les signaux fait par les allemands. Ceux-ci tirèrent et touchèrent un des deux bombardiers. Celui ci accrocha deux toitures dans le bourg de Plougoumelen et s'écrasa dans la cour de la ferme LE RAY. L'avion se désintégra et un des moteurs en feu roula et bloqua l'entrée de la porte de la maison de la ferme et y mit le feu. Les époux LE RAY et une de leur fille périrent carbonisés dans leur maison. Seule, la seconde fille, qui se trouvait dans une maison à coté, échappa à la mort. Les six membres de l'équipage périrent dans la chute de l'avion ; ils reposent dans le cimetière du village. Seul un des membres n'étant pas parti dans cette opération échappa à la mort.
La famille du pilote, la soeur Tui URU, vint sur les lieux du crash à Plougoumelen en 1987.

Monsieur Alfred LE ROUZIC, instituteur de l'école publique 
(Source : plaquette "5 Août 1944-1994, En mémoire de ceux qui sont morts pour notre liberté", édité par la commune de Plougoumelen)

Le 5 Août 1944 devait être un samedi. Le jeudi matin 3 Août, je vais à Auray, à la Poste pour percevoir nos mandats. Dans le bureau, je rencontre le Directeur de l'école publique de Pluneret, Monsieur LE MENY, que je connais très bien et qui me parle des nouvelles du jour : les colonnes américaines déferlant d'Avranches vont couper la Bretagne vers l'océan. J'ai entendu aussi ces nouvelles sur Londres dans la nuit et il me dit : " dans deux jours j'aurai un parachutage d'armes à Pluneret ". Le samedi 5, Jeannette QUERNEC vient de Vannes comme d'habitude. Dans la soirée, nous écoutons, Raymonde et moi, Londres sur deux postes à galène placés dans des boites de craie. Nous avons le communiqué pour demain. Il fait très chaud, je suis en pull et slip de laine. Au moment de nous recoucher, j'entends le ronronnement d'un avion anglais et je pense aux paroles du collègue. Je vais à la fenêtre de la salle à manger. L'avion vole bas, énorme. C'est le parachutage, il me survole... bruit normal et il continue. Un deuxième avion vole, plus haut, mais dans la même direction. Quelques minutes se sont écoulées, je n'entendais plus le bruit des avions, puis en direction d'Auray j'ai entendu un crépitement sourd, mais le bruit de l'avion revenait ... j'ai pensé un instant que je m'étais trompé et que, peut-être, c'était des avions allemands qui mitraillaient.
Depuis quelques semaines, un groupe de parachutistes Canadiens et Français circulaient dans les champs et harcelaient les Allemands à Baden, Auray ... Peut-être étaient-ils accrochés par les avions Allemands. Les deux avions passent et continuent leurs boucles. Ils reviennent : le premier est plus bas, les moteurs, par instants, accéléraient ; bientôt j'ai distingué une flamme à la naissance de l'empennage. L'avion descendait toujours et j'ai pensé qu'il tombait sur l'école. Non. Il passe à frôler le toit ... 
Je quitte la fenêtre et cours prévenir ma femme et notre amie. Nous prenons le bébé et nous descendons dans le noir pour ressortir par une des classes qui a une porte libre : celle de la Mairie est fermée à clé. Là j'ai entendu une explosion et vu une lueur vive. Nous avons descendu la route vers la deuxième école. Je pensais que l'avion contenait peut-être des bombes et nous sommes allés nous réfugier derrière le mur du cimetière. Une fois la famille à l'abri, je suis allé dans la maison prendre des vêtements : les femmes étaient en chemise de nuit et pyjama. Ensuite je suis revenu vers le bourg par devant l'église : les flammes illuminaient le clocher, le deuxième avion tournait toujours mais s'était élevé et bientôt il repartait.
Devant la maison LE SOMMER, les gens allaient et venaient. Ils avaient sorti une table, un berceau avec le bébé. Ils posaient une échelle pour monter sur le toit afin de l'arroser et empêcher paille et foin du grenier de prendre feu. Derrière, un cheval ne voulait pas sortir de l'écurie qui brûlait, un porc un peu brûlé criait en se sauvant ... les pneus de l'avion brûlaient avec le train d'atterrissage avec une lueur de magnésium ... l'aluminium fondait et l'essence enflammée coulait dans le caniveau. Nous avons pensé aux gens bloqués dans leur maison, nous sommes allés voir par derrière mais il n'était pas possible de les aider ... Un soldat Allemand est sorti du chemin en nous menaçant de sa mitraillette : Terroriste ?. Non. Un avion Anglais. Et il est reparti. Revenu sur la place, je suis monté sur le toit pour aider et jeter les seaux par-dessus l'autre pente. Quand ma tête a dépassé, une mitrailleuse a tiré des balles traçantes dans ma direction si bien que je me suis abrité derrière la cheminée. Nous avons continué très longtemps. On nous a appelés pour aider la Mme LE SOMMER à sortir du linge de ses armoires, mais le linge s'enflammait dès qu'il y avait de l'air ... Quand le jour s'est levé, on a pu approcher et voir l'étendue de la catastrophe. J'ai recueilli les plaques de l'équipage et une boîte de documents remises à la Mairie et à l'officier venu les récupérer. Monsieur Paul BAINVEL, menuisier,, s'est occupé des bières pour enterrer les aviateurs. Le jour de l'enterrement, et pendant la cérémonie, le groupe des Parachutistes a pris position et un groupe de Résistants a rendu les honneurs.

MonsieurJoseph LE VIGOUROUX, habitant de Plougoumelen. 
(témoignage recueilli par Stéphane MORICE, mars 1993)

Cela s'est passé au bourg de Plougoumelen vers 23 heures, au cours de la nuit du 5 au 6 août 1944. J'avais 16 ans. Un avion anglais rempli d'armes légères et de munitions destinait son chargement aux maquisards cantonnés dans ce secteur. Les allemands, nos occupants, ayant eu connaissance du « moyen » de situer le lieu de largage, allumèrent un feu dans la nuit dans le secteur de St Avoye en Pluneret, au lieu-dit « La Butte ». Les aviateurs persuadés d'atteindre leur but firent perdre de l'altitude à leur appareil afin de livrer les conteneurs dans les meilleures conditions. C'est alors qu'une batterie allemande, installée à la Butte, mitrailla l'avion qui fut touché, ce qui provoqua un incendie à bord. Quelques instants plus tard, l'incendie s'aggravant, l'avion perdit de plus en plus d'altitude et de vitesse. Dans la nuit, le ronflement des moteurs devenait de plus en plus impressionnant.
Comme très souvent à cette époque d'occupation allemande, je me mettais le soir, à la fenêtre ouverte de ma chambre, au premier étage du bar-tabac actuel au bourg de Plougoumelen, pour assister au « manège » des forteresses volantes américaines, venant bombarder Lorient et au feu d'artifice provoqué par les tirs de D.C.A., balles traçantes et fusées éclairantes multicolores. Venant par l'arrière de notre maison, je ne voyais pas l'avion en feu, mais son ronflement devenait de plus en plus lourd. Tout à coup, l'espace d'un très, très court instant, je vis l'ombre de l'avion passer sur la petite place devant moi et sur le toit de l'église. Aussitôt ce fut un vacarme étourdissant. L'avion venait de culbuter et d'exploser, et, avait provoqué tout près de moi l'embrasement d'une partie du bourg, côté ouest. Le lendemain, dimanche, vers 17h, c'était l'arrivée au bourg de nos libérateurs, les américains, avec leurs chars.

Madame Agathe LE VIGOUROUX 
(témoignage recueilli par Stéphane MORICE, janvier 2002)

J'avais 11 ans, j'en ai 68 et je me souviens avant qu'il ne soit trop tard je raconte et j'écris. Le samedi 5 Août 1944. Avec mon frère Joseph (16 ans), mes soeurs Mélanie (14 ans) et Anne Marie (9 ans) et notre mère (Papa était décédé 15 jours auparavant le 13 juillet), nous habitions au bourg de Plougoumelen, 17 place de l'église (Bar-tabac actuel) où maman tenait un café. Comme tous les soirs, nous nous sommes couchés à une heure raisonnable. Vers 23 heures, mon frère entre dans notre chambre, affolé : « levez-vous et suivez moi ». Il prend Anne Marie dans ses bras et répète « suivez moi, un avion est tombé sur le bourg ». Mélanie et moi, effrayées par le bruit extérieur, dévalons l'escalier et sortons à sa suite. Dehors, les fermes LE MEUT et LE CLANCHE brûlent. Mon frère nous amène sur la route de Béquerel, et nous dépose eu virage avant l'entrée des « genêts » actuels. Anne Marie dort encore. Nous y passons une bonne partie de la nuit, mortes de peur. Nous apercevions toute cette partie du bourg, l'entrée de la route du Bono, en flammes, avec des détonations. L'avion était chargé de munitions destinées aux maquisards. Le vent, bien faible heureusement, faisait voler au dessus de nous des bouts de paille enflammés provenant des chaumières qui brûlaient et qui se déposaient dans les champs (actuellement « Les Genêts » et parking " J.P. CALLOOCH"). Dans la nuit, nous entendions, sur la route de Béquerel, des hommes qui marchaient avec prudence, se demandant ce qui se passait. Ils portaient des armes, prêts à tirer. C'étaient des maquisards cantonnés à Moulin Héric. 
La fin de la nuit, récupérées par je ne sais qui, nous l'avons passée dans une chambre du presbytère (ancien presbytère, actuellement au 5 rue Notre-Dame de Béquerel). Nous avons dû y dormir un peu toutes les trois dans le même lit et surtout observer de la fenêtre ce terrible tableau d'incendie accompagné du bruit des munitions qui éclataient et du meuglement des vaches prisonnières des étables en feu. En effet, le terrain qui jouxtait notre maison était une aire de la ferme LE MEUT qui brûlait de l'autre côté de la rue. Début Août, la moisson était faite et à quelques mètres de notre maison, un pailler de gerbes de blé attendait le battage. De l'autre côté de ce pailler, à 10 mètres à peine, un bâtiment, la cave de la ferme (le Teichistr) était aussi en feu. Par bonheur, le vent, pas très fort, orientait les flammes au sud vers un champ sans construction. L'arrosage incessant du pailler par des bénévoles avec des seaux d'eau provenant des puits environnants et véhiculés par une chaîne d'hommes permit également de contenir l'incendie. Il n'y avait pas de possibilité d'appeler des secours, pas de téléphone, tout était coupé. Deux volontaires, François LE MENTEC et Paul BAINVEL, décidèrent de partir à vélo vers Auray pour prévenir les pompiers. Hélas, sur la route nationale qu'ils empruntaient, la colonne d'allemands qui venaient de mitrailler l'avion les arrête et les garde pistolet en joue jusqu'au matin : « vous terroristes ». Cet avion américain était chargé de munitions destinées à des groupes de résistants cachés dans la région qui devaient par des signaux lui permettre de lâcher sa cargaison. Mais, vendu aux allemands qui lui font des faux signaux, il descend petit à petit et se fait mitrailler par cette colonne d'allemands. En feu et les aviateurs sans doute plus maîtres de l'appareil, l'avion tournoie au dessus de la partie ouest du bourg pour finalement s'abattre sur la ferme LE MEUT, éventrée en son milieu et la cour de la maison LE RAY.

- 2 fermes brûlées (LE MEUT, LE CLANCHE),

- 3 maisons brûlées (LE RAY, LE SOMMER et une maison occupée par des réfugiés lorientais),
- 3 victimes civiles, M et Mme LE RAY et leur fille,

- 6 victimes militaires, les aviateurs,

Le lendemain, dimanche 6 août, c'est la désolation, ruines fumantes, odeurs âcres de fumée, gens désemparés, fatigués et tristes. Dans l'après-midi, le bourg grouille de monde venu des alentours se rendre compte de ce qui s'était passé, notre café est plein à craquer. Soudain, on entend des bruits de camions qui se rapprochent de plus en plus du bourg. Ce sont des camions allemands chargé de soldats en déroute. A leur vue, la foule des visiteurs se sauve de toutes parts. Les allemands tirent plusieurs rafales de mitraillettes. Fort heureusement en l'air car il n'y a pas de victime. Ils passent et prennent la direction du Bono. Beaucoup de peur, les rues du bourg se remplissent à nouveau quand en fin d'après midi, nouveaux roulements de plus en plus forts. Mais cette fois, c'est le délire ce sont des chars américains et leurs soldats. Tout le monde se presse autour d'eux, les salue et leur lance des fleurs. C'est le soulagement. Ces américains passent la nuit dans les bois de Kervilio. Quant aux allemands du début d'après midi, au Bono, ils avaient pris la direction de Baden où ils se sont faits mitrailler par des résistants qui faisaient le guet dans le clocher de Baden : camions brûlés, soldats tués, les autres s'éparpillent, se sauvent dans la campagne et traversent la rivière pour rejoindre Crac'h.

IN MEMORIAM

A la mémoire des victimes du crash
60 ans après le drame, le 5 août 2004, à l'initiative des époux LE CORFF-TINTINGER, arrières petits-enfants de la famille LE RAY, une plaque en mémoire des victimes civiles et de l'équipage a été inaugurée et apposée à l'arrière de l'ex-maison d'habitation de la famille LE RAY, côté rue Georges Cadoudal.  


Source photo : Yves JOUAN (ABSA 39-45)


- La famille LE RAY :
  • Jean-Marie LE RAY (père), 66 ans, né le 11 mars 1878 à Plougoumelen (56).
  • Marie, Françoise GUILLEVIC, épouse LE RAY, 67 ans, née le 6 avril 1877 à Plescop (56).

  • Mathurine, François, Marie LE RAY (fille), 31 ans, née le 25 avril 1913 à Plougoumelen (56).

- Les 6 membres de l'équipage du Stirling ont été tués. Ci dessous quelques photos relatives à ces aviateurs.


n°1 : P/O Henare W. URU, n°2 : Sgt Alfred A. HULL, n°3 : F/Sgt P. TAYLOR3, n°4 : F/Sgt Leonard A. EUNSON, n°5 : non identifié

Source photo : Jonathan IVES

3 Le Flight Sergeant P. TAYLOR, opérateur radio-mitrailleur n'était pas présent dans l'avion le 5 août 1944. Il avait été blessé le 6 juin 1944 par des tirs de la DCA allemande lors de l'opération de parachutage "TONGA" du 12ème Bataillon de la 6ème Division Aéroportée Britannique


n°1 : pourrait être le W/O Gordon F. HARRISON, n°2 :
non identifié, n°3 : P/O Walter N. IRVING, n°4 : non identifié, n°5 : pourrait être le F/Sgt Leonard A. EUNSON, n°6 : non identifié.
Cette photo, d'un équipage du no 299 Squadron RAF, provient de Bill IRVING, oncle de Walter. La seule certitude est l'identification de Walter IRIVING. La photo aurait été prise à la base RAF de Stoney Cross

Source photo : Bill IRVING


Robert Jack BRADDOCK lors du Stage n°8 de Navigateur de janvier à avril 1943, au 34 Operational Training Unit à Pennfield Ridge Air Station, New Brunswick, Canada

Source photo inconnue


Le Leading Aircraftman Leonard Allan EUNSON lors du Stage n° 30 (1943) à l'école n°2 de bombardement et d'artillerie de Port Pirie, Australie-Méridionale.

Source photo inconnue

Les stèles du carré militaire du Commonwealth au cimetière communal de Plougoumelen, où les aviateurs reposent dans une tombe collective


Source photo : Yves JOUAN (ABSA 39-45)

 
Source photo : Yves JOUAN (ABSA 39-45)

   
Source photo : Yves JOUAN (ABSA 39-45)

  
Source photo : Yves JOUAN (ABSA 39-45)

LA PRESSE EN PARLE

     • Article du 2 juin 2004 (source Stéphane MORICE)

L'avion abattu fera neuf victimes, à la veille de la libération de la commune

5 Août 1944 : l'enfer à Plougoumelen !

A 76 ans, établi à Auray, Joseph LE VIGOUROUX a la mémoire toute fraîche de la fameuse nuit du 4 au 5 aout 1944, quand un quadrimoteur de la Royal Air Force fut abattu au-dessus du bourg de Plougoumelen, faisant neuf victimes, ravageant plusieurs bâtiments. Une commune dans le deuil, le jour même où elle fut libérée.
" J'avais 16 ans. J'habitais avec ma mère et mes trois soeurs, plus jeunes que moi, au bar-tabac actuel, face à l'église ", raconte Joseph LE VIGOUROUX. "Le 14 juillet, nous venions d'enterrer notre père, poilu de la guerre 14-18, drapeau des anciens combattants en tête pour se rendre au cimetière, alors que paissait au bourg en camion une patrouille de soldats allemands, restée sans réaction."

Le ballet des forteresses volantes
Il se souvient de tout : " A la maison, nos deux chambres se trouvaient à l'étage. Fréquemment, le soir, la ville de Lorient était bombardée par des forteresses volantes venant d'Angleterre. Celles-ci passaient dans le ciel de Plougoumelen, soit pour aller vers Saint-Nazaire larguer leur reste de bombes, ou faire demi-tour sur Lorient et rentrer à leurs bases. Lors de ces bombardements, très souvent, je sortais du lit pour me mettre à la fenêtre. Là, j'assistais au balayage du ciel par les projecteurs, à l'éclatement des obus de DCA, aux ballets des fusées éclairantes et des balles traçantes multicolores.. Quel feu d'artifice ! "

Le spectacle un peu lointain va se rapprocher subitement. " Ce soir du samedi 5 août, éveillé, un ronronnement anormal m'attire à la fenêtre. Une nouvelle fois, il est environ 23h30. Le ronronnement devient de plus en plus fort. Je sens l'avion à basse altitude, venant par derrière notre maison, c'est-à-dire au sud du bourg. Le bruit devient assourdissant et puis le bourg tout éclairé, l'ombre d'un avion, le temps d'un clin d'oeil, a défilé sur le toit de l'église, en face de moi. Et, instantanément, c'est l'explosion, le feu, les flammes gigantesques tout près du clocher de l'église. A quelques mètres sur la gauche, ce sont les bâtiments agricoles LE MEUT qui brûlent. C'est terrible ! Je fais déguerpir tout mon monde, prenant d'abord ma plus jeune sur, 9 ans, dans mes bras pour la conduire route de Bequerel, afin qu'elle se rende dans la tranchée-abri, creusée dans notre jardin. Revenu à la maison, c'est la panique. Les gens sont fous, les résistants armés arrivent dans le bourg à pied, en vélo. "

20 mètres à peine
" A 20 mètres de notre maison, à gauche de la route du Bono, c'est le bâtiment de cave LE MEUT qui brûle. Entre les deux, dans l'aire à battre, deux grands tas de paille, la récolte n'a pu encore être battue, ont pu être préservés. Depuis cette cave, où l'on retrouvera une aile de l'avion jusqu'à la ferme de LE LAYEC, c'est sur une centaine de mètres que cette partie du bourg flambe et aussi l'avion avec sa réserve de kérosène, et peut-être aussi son équipage ? "
C'est l'horreur. " La maison de Madame Pascal LE SOMMER, où demeurent ses parents et sa soeur, est au c'ur du brasier, et ne pourront être sauvés, pas plus que les six aviateurs que l'on découvrira le lendemain dimanche dans les restes fumants de l'avion. Les causes de cette catastrophe ? La version retenue dit que cet avion venait parachuter des containers d'armes, munitions et autres aux résistants stationnés dans le secteur. Les Allemands auraient eu connaissance des conventions du largage et pour cela l'avion devait perdre de l'altitude. C'est alors qu'il se fit mitrailler par une batterie Allemande située sur Pluneret/La-Terre-Rouge, qui mit le feu à l'avion. "

6 Août : Même apeurés par les chars américains !
" Cette nuit du samedi avec des flammes de plusieurs dizaines de mètres de haut, visibles de plusieurs kilomètres à la ronde, avait attiré, le lendemain dimanche 6 août, dans notre petit bourg, une foule curieuse ", se souvient Joseph LE VIGOUROUX. " On n'avait jamais vu autant de monde ! Et notre débit de boissons faisait, hélas, le plein de client. Ce drame avait fait neuf victimes (trois civils et six militaires de plusieurs nationalités), toutes enterrées au cimetière de Plougoumelen. "
" Outre les bâtiments incendiés, une déclaration du sinistre LE MEUT, pour l'assurance, note les pertes suivantes :

16 bêtes à cornes, 1 taureau, 4 génisses, 11 vaches laitières, 8 moutons dont trois petits, environ 12 tonnes de foin, 300 litres de cidre, déclaration en date du 23 Août 1944. "

Joseph LE VIGOUROUX a le goût du détail. " L'après-midi de ce dimanche allait nous donner, lui aussi, de très fortes émotions. Les débris de l'avion fument toujours, des munitions éclatent de temps à autre. Le bourg est noir de monde. Vers 16h-16h30, deux ou trois camions militaires, non bâchés, traversent la place, tirent plusieurs coups de fusil, en se dirigeant vers Le Bono. Les soldats allemands, en pleine débandade, n'ont certainement pas eu l'intention de tuer, puisqu'il n'y a aucune victime. Affolement, sauve-qui-peut général, les bistrots étaient déjà pleins, il y en avait six à l'époque, mais là, ils sont bondés. Les gens se réfugient partout. Chez nous, ils sont dans une remise à lapins, dans la cave parmi les fûts ! D'autres s'enfuient, hors du bourg, certains traversent la rivière du Sal (dont l'Abbé LE BERRIGAUD, parait-il), pour se retrouver côté Pluneret. "

Cigarettes et chewing-gum

La situation évolue. " Après ce passage des Allemands, petit à petit les gens réapparaissent, timidement, sur la place et autour des décombres. Beaucoup rentrent chez eux dans les communes voisines. Personne ne sent en sécurité. Sans informations, on ignore où sont les Américains. Vers 17h30, nouvelle panique. Venant de Pont-Sal, on entend un roulement très bruyant de matériel militaire. On court encore pour se cacher. "
" Rapidement, la place s'et vidée quand arrivent des chars Américains. Personne pour les accueillir ! Cela n'a pas duré longtemps, on court de nouveau, mais cette fois vers les libérateurs. On crie, on chante, on monte sur les chars arrêtés. Les soldats distribuent cigarettes, chewing-gum, chocolat, etc.. " " C'est la grande joie ! Et puis les chars continuent leur route vers Le Bono. Ainsi, en moins d'une journée, Plougoumelen aura vécu beaucoup d'émotions, avant d'être libérée de quatre années d'occupation."

     • Article OUEST-FRANCE du 5 août 2004 (source Stéphane MORICE)

Cérémonie du souvenir pour le crash d'un avion allié à Plougoumelen

Témoignages sur le 5 août 1944

Le samedi 5 août 1944 vers 23h00, à quelques heures de sa libération, Plougoumelen a vécu des moments tragiques. Un avion allié s'est écrasé en plein bourg sur la maison de la famille LE RAY, tuant dans l'incendie les trois occupants et les six aviateurs. Jeudi soir, à l'occasion du soixantième anniversaire, une plaque à la mémoire des neuf victimes a été découverte. 
Les associations d'anciens combattants étaient présentes à la cérémonie ainsi que les élus et personnalités et les descendants de la famille LE RAY. Après le dépôt d'une gerbe à la mémoire des disparus, le maire a rappelé que les époux LE CORFF-TINTINGER, arrières petits enfants de la famille, étaient à l'initiative de cette cérémonie.
" Merci d'être si nombreux pour rendre hommage aux époux LE RAY et aux aviateurs alliés qui sont morts dans d'atroces conditions. Cet avion avait pour mission le parachutage d'armes dans le secteur et en Loire-Atlantique. Il faut que les enfants sachent que les guerres sont des moments affreux "
, a déclaré Jean-Claude GUIZIOU.

Ensuite, la plaque commémorative, offerte par la municipalité, a été découverte par les plus jeunes descendants de la famille LE RAY. Le cortège s'est ensuite rendu au cimetière pour une cérémonie sur les tombes des six aviateurs néo-zélandais, canadiens, anglais et australien.

René LE MENTEC du 2ème Bataillon LE GARREC témoigne.

A 83 ans, René LE MENTEC, a toujours bon pied bon oeil, et il a la mémoire intacte.

J'étais à la tête de douze FFI du deuxième bataillon d'Auray. Le soir du 5 août, on était stationnés aux environs de Pluneret, au bord de la route. On entendait passer les Allemands qui se repliaient sur la poche de Lorient. Un avion est arrivé, il a tourné deux ou trois fois. Les Allemands ont alors allumé un projecteur pour l'attirer et ont ensuite ouvert le feu et endommagé l'appareil. La nuit n'était pas très noire, l'avion volait à peut-être cent mètres du sol, on le voyait très bien. Par la suite on a appris qu'il venait parachuter des armes dans le secteur de Pluneret/Sainte-Anne-d'Auray. Par contre, on n'a jamais su qui devait s'occuper de baliser le terrain et récupérer la cargaison. "

Paul BAINVEL doit la vie à un commandant Allemand

A évoquer ces souvenirs, l'émotion de Paul BLAINVEL, 84 ans, est encore vive. Il habitait sur la place l'église et la nuit du 5 août, il s'en rappelle comme si c'était hier. " Il était à peu près 23h30. J'ai entendu un avion tourner puis une explosion. Je suis allé voir ce qui se passait. En s'écrasant, l'avion avait mis le feu aux fermes de la route du Bono, avant de terminer sa course dans la maison LE RAY, qui brûlait elle aussi. Le Maire, Mr LE MOING me demanda d'aller à Auray chercher les pompiers. Avec Mr LE MENTEC, nous avons enfourché un vélo et pris la direction d'Auray. En cours de route, on est tombé sur les Allemands, la Kriegsmarine, qui se dirigeaient sur Vannes. Ils nous ont accusés d'être des terroristes. "Terrorist kaput", disaient-ils. On a bien cru notre dernière heure arrivée. Leur commandant est arrivé et s'est fait expliquer les raisons de notre présence de nuit sur cette route. Contre l'avis de ses hommes, l'officier les autorisa à repartir. Nous sommes revenus vers 5h00 du matin. Les gens au bourg étaient inquiets de notre absence. Le spectacle dans la maison n'était pas beau à voir. Comme j'étais menuisier, j'ai passé mon dimanche à faire des cercueils pour les aviateurs, on a mis deux corps par bière, et une petite boîte pour les restes de la famille LE RAY. "Inauguration de la plaque commémorative, le 5 août 2004.

     • Article OUEST-FRANCE du 2 août 2019

COMMÉMORATIONS

♦ 5 août 2015 - Plougoumelen (56)


Source photo : Frank BERNARD (Air Memorial)


Source photo : Frank BERNARD (Air Memorial)


Source photo : Frank BERNARD (Air Memorial)


Source photo : Frank BERNARD (Air Memorial)

L'historique de ce crash a été réalisé entre février 2013 et juin 2014. 
Dates de mises à jour : Juin 2014, Septembre 2014, Décembre 2014, Juin 2019.

La modification de juin 2019 concerne les photos trouvées lors des recherches effectuée par Jonathan IVES (ABSA 39-45)

Remerciements
A Monsieur Stéphane MORICE pour sa très importante aide ; par la fourniture de documents, de photos et d'un DVD et la relecture de ce document. Stéphane est le fils d'Anne-Marie LE VIGOUROUX de Plougoumelen.
A Madame Nadine LE CORFF-TINTINGER, arrière petite-fille de Mr et Mme LE RAY, pour les informations concernant sa famille.

Sources documentaires et iconographiques
- Les "Operations Records Book" du 299ème Squadron RAF.
- Un DVD ; avec des articles de presse, témoignages et photos ; réalisé par Stéphane MORICE.
- Le rapport du Capitaine de Réserve ALBRECHT, commandant le 3./Sicherungs-Regiment 191.

- Commonwealth War Graves Commission.

- La plaquette " 5 Août 1944-1994, En mémoire de ceux qui sont morts pour notre liberté", éditée par la commune de Plougoumelen lors de l'inauguration de la plaque commémorative.

'

HISTORIQUE SUCCINCT DU 299 SQUADRON RAF

• La base RAF de Stoney Cross

Le 299 Squadron a été formé le 4 novembre 1943 sur la base RAF de Stoney Cross à partir de l'escadrille "C" du 297 Squadron. Le personnel volant, de 210 personnes, est composé de 42 équipages de 5 membres. Le personnel au sol, de 200 personnes. Le premier commandant du 299 squadron est le Wing Commander R.W.G. KITLEY qui était précédemment le commandant du 297 squadron.


Emplacement de la base RAF de Stoney Cross


Vue aérienne de la base de Stoney Cross - Photo : United Kingdom Government - Public Domain

L'objectif de la création de cet escadron est de former une unité, du 38ème groupe de la RAF, au remorquage des planeurs et au largage des parachutistes. Le 299 squadron est équipé de bombardiers bi-moteurs Lockheed Ventura Mk I et Mk II.


Lockheed Ventura Mk I, AE762,Speke Airport, Liverpool. L'AE762 fut utilisé par les Squadrons 21 et 299 de la RAF
Photo : United Kingdom Government - Public Domain - © Imperial War Museum IWM ATP 10835B

Puis le 299 squadron est converti au bombadier Stirling. Le 8 décembre 1943, 8 équipages sont mutés au "1665 Heavy Conversion Unit" à la base RAF de Woolfox Lodge, comté de Rutland, pour y être formé sur bombardier quadri-moteurs Short Stirling. Cette formation sera suivie par tous les équipages. Le 28 décembre 1943, le Wing Commander P.B.N. DAVIS est nommé commandant du 299 squadron. Le 2 janvier 1944, le premier bombardier Stirling Mk IV est livré au 299 Squadron par le "19 Maintenance Unit" de la base de St Athan au Pays de Galles. Le 30 janvier 1944, démarrage de l'entrainement avec les bombardiers Stirling. Au 31 janvier 1944, le 299 squadron est doté de 19 Stirling Mk IV dont 2 modifiés pour le remorquage des planeurs. Le 12 février 1944, l'équipage du Flight Sergeant URU est de retour au 299 squadron après une formation sur bombardier Stirling au "1665 Heavy Conversion Unit" à la base RAF de Tilstock, comté de Shropshire. Le 15 mars 1944, le 299 squadron est transféré à la base RAF de Keevil. Le mercredi 5 avril 1944 le 299 squadron effectue sa première mission opérationnelle. Trois équipages effectuent à partir de la base RAF de Tarrant Rushton une opération de parachutages d'armes, de munitions et ravitaillement pour le S.O.E. en France.

• Les sorties opérationnelles, recensées dans l'ordre chronologique, effectuées par l'équipage du Flight Sergeant URU (11 sorties opérationnelles) et par le Stirling IV, codé 5G-T, n° de série LJ878 (11 sorties opérationnelles) :

- Vendredi 28 avril 1944.
1ère sortie opérationnelle de l'équipage URU. 
Stirling IV. Codé : 5G-S, n° de série LJ919. Equipage : F/Sgt URU, F/Sgt BRADDOCK, F/Sgt EUNSON, F/Sgt TAYLOR, F/Sgt HARRISSON, Sgt HULL. Décollage à 22h22 à la base RAF de Tarrant Rushton. Opération SOE à Aire-sur-Adour (40). Parachutage de 15 containers et 3 paquets. Non-effectué à cause des conditions météorologiques. Atterrissage au retour à 4h30 à Tarrant Rushton.

- Dimanche 7 mai 1944.
2ème sortie opérationnelle de l'équipage URU.
Stirling IV. Codé : 5G-Z, n° de série LJ955. Equipage : F/Sgt URU, F/Sgt BRADDOCK, F/Sgt EUNSON, F/Sgt TAYLOR, F/Sgt HARRISSON, Sgt HULL. Décollage à 22h50 à la base RAF de Tarrant Rushton. Opération SOE à La Coquille (Dordogne). Parachutage non-effectué de 24 containers et 3 paquets. Pas de comité de réception. Atterrissage au retour à 5h00 à Tarrant Rushton.

- Mercredi 10 mai 1944.
1ère sortie operationnelle du Stirling Mk IV. Codé : 5G-T. N° de série : LJ878. 
Equipage : S/Ldr DALE, F/S WATKINS, F/S GRANT, Sgt NEWTON, F/O MASSEY, Sgt DAY. Décollage à 22h00 à la base RAF de Tarrant Rushton. Opération SOE. Parachutage effectué de 24 containers et 3 paquets. Atterrissage au retour à 5h20 à Tarrant Rushton.

- Lundi 29 mai 1944.
2ème sortie operationnelle du Stirling Mk IV. Codé : 5G-T. N° de série : LJ878. Equipage : F/O FARRELL, F/Sgt BOA, F/Sgt EDE, W/O RAMSDEN, W/O McLEOD, Sgt BAKER. Décollage à 22h45 de la base RAF de de Tarrant Rushton. Opération SOE. Parachutage non-effectué. Motif inconnu. Atterrissage au retour à 3h45 à de Tarrant Rushton.

- Lundi 5 juin 1944.
3ème sortie opérationnelle de l'équipage URU. Stirling Mk IV. Codé : 5G-X, n° série : LJ874. Equipage : F/Sgt URU, F/Sgt BRADDOCK, F/Sgt EUNSON, F/Sgt TAYLOR, F/Sgt HARRISSON, Sgt HULL. Décollage à 23h57 à la base RAF de Keevil. Opération Overlord , "Tonga". Parachutage réussi de 17 parachutistes et de 9 containers. Avion endommagé par la flak légère. Le F/Sgt TAYLOR, opérateur radio/mitrailleur, est blessé. Atterrissage au retour à 3h15 à Keevil.

- Lundi 5 juin 1944.
3ème sortie operationnelle du Stirling Mk IV. Codé : 5G-T. N° de série : LJ878. Equipage : F/O FARRELL, F/Sgt BOA, F/Sgt EDE, W/O RAMSDEN, W/O McLEOD, Sgt BAKER. Décollage à 23h50 de la base RAF de Keevil. Opération Overlord, "Tonga". Parachutage réussi de 20 parachutistes et 9 containers. Avion légèrement endommagé par la Flak lègère. Atterrissage au retour à 4h30 à Keevil.


Des Short Stirling Mk IV des No 196 et 299 Squadrons RAF s'alignent sur les pistes de Keevil le soir du 5 juin 1944
Photo : United Kingdom Government - Public Domain - © Imperial War Museum IWM CH 13298

- Mardi 6 juin 1944.
4ème sortie operationnelle du Stirling Mk IV. Codé : 5G-T. N° de série : LJ878. Equipage : F/O FARRELL, F/Sgt BOA, F/Sgt EDE, W/O RAMSDEN, W/O McLEOD, Sgt BAKER. Décollage à 19h21 de la base RAF de Keevil. Opération Overlord, "Mallard". Remorquage et language d'un planeur réussi. (Pilote du planeur : Lieutenant CHITTLEBURG). Atterrissage au retour à 4h50 à Keevil.

- Lundi 12 juin 1944.
4ème sortie opérationnelle de l'équipage URU. 
A partir de cette 4ème sortie opérationnelle, le F/Sgt TAYLOR, blessé, est remplacé par le W/O IRVING dans l'équipage du F/Sgt URU. Stirling Mk IV. Codé : X9-Y. Equipage : F/Sgt URU, F/Sgt BRADDOCK, F/Sgt EUNSON, W/O IRVING, F/Sgt HARRISSON, Sgt HULL. Décollage à 22h05 à la base RAF de Fairford. Opération SAS, "Sunflower IV". Parachutage réussi de 15 parachutistes et de 14 containers. Atterrissage au retour à 2h50 à Fairford.

- Vendredi 16 juin 1944.
5ème sortie operationnelle du Stirling Mk IV. Codé : 5G-T. N° de série : LJ878. Stirling Mk IV. Codé : 5G-T, n° série : LJ878. Equipage : F/O FARRELL, P/O EDE, F/Sgt BOA, W/O RAMSDEN, W/O McLEOD, Sgt BAKER. Décollage à 23h30 de la base RAF de Keevil. Opération "Bulbasket", Parachutage réussi de 24 containers. Atterrissage au retour à 4h50 à Keevil.

- Dimanche 18 juin 1944.
6ème sortie operationnelle du Stirling Mk IV. Codé : 5G-T. N° de série : LJ878. Equipage : F/O HULL, F/Sgt JORDON, F/Sgt HARRIS, Sgt ROME, F/Sgt WAINWRIGTH, Sgt MURRAY. Décollage à 20h26 de la base RAF de Keevil. Opération "Townhall". Parachutage réussi de 21 containers. 3 containers ramenés. Atterrissage au retour à 22h53 à Keevil.

- Vendredi 23 juin 1944.
6ème sortie opérationnelle de l'équipage URU. 
Stirling Mk IV. Codé : X9-C. Equipage : F/Sgt URU, W/O BRADDOCK, F/Sgt EUNSON, W/O IRVING, F/Sgt HARRISSON, Sgt HULL. Décollage à 19h18 à la base RAF de Keevil. Opération "Townhall". Parachutage réussi. Atterrissage au retour à 22h10 à Keevil.

- Jeudi 6 juillet 1944.
7ème sortie operationnelle du Stirling Mk IV. Codé : 5G-T. N° de série : LJ878. 
Equipage : F/O FARRELL, P/O EDE, F/Sgt BOA, W/O RAMSDEN, W/O McLEOD, Sgt BAKER. Décollage à 22h40 de la base RAF de Tarrant Rushton. Opération SOE. Parachutage réussi de 21 containers. 3 containers ramenés. Atterrissage au retour à 4h20 à Tarrant Rushton.

- Jeudi 6 juillet 1944.
7ème sortie opérationnelle de l'équipage URU. 
Stirling Mk IV. Codé : X9-Y. Equipage : W/O URU, W/O BRADDOCK, F/Sgt EUNSON, W/O IRVING, F/Sgt HARRISSON, Sgt HULL. Décollage à 22h50 à la base RAF de Tarrant Rushton. Opération SOE. Parachutage réussi. Atterrissage au retour à 4h20 à Tarrant Rushton.

- Lundi 10 juillet 1944.
8ème sortie operationnelle du Stirling Mk IV. Codé : 5G-T. N° de série : LJ878. 
Equipage : F/O FARRELL, F/Sgt EDE, F/Sgt BOA, W/O RAMSDIN, W/O McLEOD, Sgt BAKER. Décollage à 1h15 de la base RAF de Tarrant Rushton. Opération SOE. Parachutage non-effectué. Pas de comité de réception. Atterrissage au retour à 5h30 à Tarrant Rushton.

- Mardi 11 juillet 1944.
8ème sortie opérationnelle de l'équipage URU. 
Stirling Mk IV. Codé : 5G-X, n° série : LJ874. Equipage : W/O URU, W/O BRADDOCK, F/Sgt EUNSON, W/O IRVING, F/Sgt HARRISSON, Sgt HULL. Décollage à 0h00 à la base RAF de Keevil. Opération SOE. Parachutage non-effectué, pas de comité de réception. Atterrissage au retour à 5h30 à Keevil

- Vendredi 14 juillet 1944.
9ème sortie operationnelle du Stirling Mk IV. Codé : 5G-T. N° de série : LJ878. Equipage : F/O FARRELL, F/Sgt EDE, F/Sgt BOA, W/O RAMSDIN, W/O McLEOD, Sgt BAKER. Décollage à 0h30 de la base RAF de Keevil. Opération SOE. Parachutage réussi de 24 containers. Atterrissage au retour à 3h50 à Keevil.

- Jeudi 20 juillet 1944.
10ème sortie operationnelle du Stirling Mk IV. Codé : 5G-T. N° de série : LJ878. 
Equipage : F/O FARRELL, F/Sgt EDE, F/Sgt BOA, W/O RAMSDIN, W/O McDONALD, Sgt BAKER. Décollage à 22h53 de la base RAF de Keevil. Opération SAS. Parachutage réussi de 24 containers. Atterrissage au retour à 4h08 à Keevil.

- Samedi 29 juillet 1944.
9ème sortie opérationnelle de l'équipage URU. 
Stirling Mk IV. Codé : 5G-X, n° série : LJ874. Equipage : P/O URU, W/O BRADDOCK, F/Sgt EUNSON, P/O IRVING, W/O HARRISSON, Sgt HULL. Décollage à 2h30 à la base RAF de Keevil. Opération SOE. Parachutage réussi. Atterrissage au retour à 7h40 à Keevil.

- Mercredi 2 août 1944.
10ème sortie opérationnelle de l'équipage URU. Stirling Mk IV. Codé : 5G-U, N° série : LK 118. Equipage : P/O URU, W/O BRADDOCK, F/Sgt EUNSON, P/O IRVING, W/O HARRISSON, Sgt HULL. Décollage à 23h00 à la base RAF de Keevil. Opération SAS, "Dingson 32B". Parachutage réussi de 24 containers. Lettre code DZ : X. Tirs de la flak (DCA) légère à Auray. Atterrissage au retour à 3h15 à la base RAF de Davidstow Moor.

- Samedi 5 août 1944.
11ème sortie opérationnelle de l'équipage URU. 
11ème sortie operationnelle du Stirling Mk IV. Codé : 5G-T. N° de série : LJ878. Equipage : P/O URU, W/O BRADDOCK, F/Sgt EUNSON, P/O IRVING, W/O HARRISSON, Sgt HULL. Décollage à 23h00 à la base RAF de Keevil. Opération SAS, "Dingson 35B". Parachutage non-effectué de 24 containers. Pas de comité de réception. Avion touché par la flak (DCA) légère allemande à Terre-Rouge à Auray et crashé dans le bourg de Plougoumelen.

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