14 septembre 1941

Lockheed Hudson Mk V (AM777 - code PZ-G)
53 Sqn RAF - Coastal Command

Plougonver, entre les villages de "Kerguz" et "Kervern" (22)

(contributeurs : Gilles Billion-Claude Archambault- Jean-Michel Martin - Daniel Dahiot)


Lockheed Hudson Mk V, 48 Sqn RAF, 1942 © IWM (COL 183) - domaine public

Equipage :

- Pilot Officer (pilote - matricule 87670) Thomas MILROY-GAY, évadé
- Sergeant (observateur - matricule 748711) J.M. POWELL, prisonnier (9626 - Stalag Luft VI)
- Sergeant (opérateur radio - mitrailleur - matricule 946016)  Archibald H. GRAHAM, évadé
- Sergeant (mitrailleur - matricule 755464) Stanley TYSON, prisonnier (9643 - Stalag Luft VI)

 

L'HISTOIRE
Le dimanche 14 septembre 1941, le Lockheed Hudson AM777 codé PZ-G décolle de la base RAF de Saint-Eval, Cornouillaes, à 13h50 pour une mission de patrouille anti sous-marins au Sud de l'Irlande.


La base RAF du Coastal Command de St-Eval

photo Imperial War Museum © IWM HU 92963

Suite à une erreur de navigation, l'avion se retrouve au dessus de Brest. A environ 20h15, le P/O GAY donne l'ordre à l'équipage de sauter, probablement parce que l'avion allait manquer de carburant. Deux des membres d'équipages, les Sergeants POWELL et TYSON seront capturés et internés au Stalag Luft VI. Les deux autres, le P/O GAY et le Sergeant TYSON, parviendront à fuir par l'Espagne et retourneront en Angleterre. L'avion s'écrase à Plougonver, entre les villages de "Kerguz" et "Kervern". GAY et GRAHAM ont respectivement atteri près de Lesneven et près de Tréflez (29) dans le Finistère. Ils se sont tous les deux évadés par les Pyrénées, l'Espagne et Gibraltar. GAY revint en Angleterre le 6 février 1942 et GRAHAM le 5 janvier 1942. 

Ci-dessous 4 photos du Hudson au sol, entourés de soldats allemands.


Photo Collection © Chris Goss - Aucune publication sans autorisation du propriétaire - 06/08/2018


Photo Collection © Chris Goss - Aucune publication sans autorisation du propriétaire - 06/08/2018


Photo Collection © Benoit Paquet (ABSA 39-45)


Photo Collection © Benoit Paquet (ABSA 39-45)

Rapport d'évasion du Sergent Archibald H. GRAHAM (matricule 946016), No 53 Squadron Royal Air Force
Source : The National Archives-Reference WO 208/3307/644 (voir annexe ci-dessous).

J'étais opérateur radio et aussi, en cas d'attaque, mitrailleur à bord de L'Hudson Mk. V, codé PZ-G, qui décolla le 14 septembre à 13 heures 45 de l'aérodrome de Saint Eval en Cornouailles britannique pour une patrouille anti sous-marine au dessus du canal d'Angleterre. Les autres membres de l'équipage étaient, l'officier pilote Gay TM, le sergent Powell, observateur et le sergent Tyson le radio mitrailleur. Aux environs de 20 heures, je ne pouvais plus capter aucune station radio à terre. Je ne pouvais pas non plus établir exactement notre position. Aux environs de 20 heures 15, après avoir traversé un lourd barrage de l'artillerie allemande, le pilote nous donna l'ordre de sauter en parachute. Je ne pense pas que nous avions été touchés par des projectiles mais plutôt que nous sommes tombés en panne de carburant. Ayant sauté, j'ai touché le sol à Tréflez sur la côte nord de la Bretagne à environ une quarantaine de kilomètres au nord de Brest. Immédiatement je me suis dirigé vers une ferme proche où l'on m’accueillit 4 jours. Pendant ce temps, le fermier fit en sorte de contacter des membres de la résistance. Le 18 septembre un guide vint me chercher et me dirigea vers Brest. Nous fîmes le trajet en vélo. Je restais une journée et demie dans cette ville. Mon guide me fit prendre le train pour Paris ou je fut hébergé 5 jours. A Paris j'ai rencontré le sergent Patton et le seconde classe Philipps. Tous les trois, on a pris le train pour Nîmes puis Perpignan où nous arrivâmes le 3 novembre. Un guide français me récupéra pour me faire passer la frontière à pied par les sentiers de montagne. Ce même guide m'accompagna vers Barcelone où on arriva le 10 novembre.

Je fut conduit au Consulat Britannique et ensuite envoyé à l'Ambassade d'Angleterre à Madrid où l'on mit une voiture avec chauffeur à ma disposition. J'ai attendu 3 semaines que l'on établisse mes papiers et mon laisser passer visé par les autorités espagnoles dans le but de me rapatrier vers Gibraltar. Mon voyage fut entièrement pris en charge et mon guide fut payé pour tous ses services. Je quittais Gibraltar le 30 décembre 1941 et arrivait à Gourock en Écosse le 5 janvier 1942.

Rapport d'évasion du Pilot Officer Thomas MILROY-GAY (matricule 987670), No 53 Squadron Royal Air Force
Source : The National Archives-Reference WO 208/3308/674

Ce 14 septembre 1941, je pilotais un Hudson. Nous avions décollé de notre aérodrome de Saint Eval à 13 heures 50 pour une mission de surveillance, une patrouille anti sous-marine dans le sud de la mer d'Irlande. Après avoir survolé longuement la mer, au bout d'1h45 de vol, nous avons aperçu la côte pensant que nous nous trouvions face au Pays de Galles. Remontant vers le nord, nous étions face à une grande rade. Quelque peu désorientés, en fait nous nous trouvions en vue de la rade de Brest en France. Nous volions à une altitude de 600 mètres. Très vite nous avons été la cible de l'artillerie allemande. Nous nous trouvions donc bien au dessus du territoire occupé par l'ennemi. Nous avons été touchés dans le fuselage de notre avion, puis sur un support moteur. J ai immédiatement mis l'Hudson en position pilote automatique, dirigé vers la mer, tout en donnant l'ordre aux trois membres de mon équipage de sauter en parachute. Je n ai pas vu notre avion s'écraser au sol. Je pense qu'il est tombé dans la Manche.

J'ai quitté l'avion entre 20 heures 20 et 21 heures et j'ai touché terre peu après au nord-est de Brest, près de Lesneven. J'ai erré 2 heures au hasard dans la campagne principalement à travers des marais. Ensuite, je me suis dirigé vers une ferme où l'on m'a accueilli pour la nuit et le fermier m'a donné à manger. De bonne heure le lendemain matin, je suis parti seul, un peu au hasard. J'entrepris de rencontrer des personnes qui pourraient m'aider à changer mes vêtements. Aimablement, on me procura des habits civils puis une paire de chaussures. Je repartis à pied pour une quinzaine de kilomètres et là, j arrivais dans un petit village dont je ne me rappelle plus le nom, à environ 10 à 12 kilomètres de Landivisiau. J' arrivais près d'une maison où j 'expliquais aux habitants que j'étais un aviateur Anglais. On me donna à manger et l'on me donna des vêtements mieux adaptés à ma taille. Ces personnes me cachèrent dans leur jardin près de leur maison de midi à 20 heures. Ensuite, on me dirigea vers la gare de Landivisau et on me fit prendre le train en direction de Tours où j'arrivais vers 9 heures 30, le 16 septembre 1941.

A la sortie de la gare de Tours, je me suis dirigé vers un café. Discrètement, vu ma situation, j'ai tâché de savoir où se trouvait le passage de la ligne de démarcation. Le propriétaire de ce café me répondit ''Cormery''. Il me dit que lui même serait en mesure de m'aider à traverser. Il me fit savoir que je pourrai circuler dans cette localité sans autorisation allemande. Étant à Tours, je profitais de cette occasion pour rencontrer une famille française que j'avais visité avant guerre. Ces derniers, très surpris de ma visite, me souhaitèrent la bienvenue malgré ma situation. Il me procurèrent une carte très détaillée de la région ainsi que sur Cormery. Le lendemain, je rejoignis Cormery seul par le train. Arrivé dans cette ville, je contactais à nouveau un cafetier que l'on m'avait conseillé et qui m'accueillit très gentiment, me précisant qu'il me ferait passer la ligne entre 20 heures et 21 heures le soir même moyennant la somme de 100 francs. En traversant la ligne, j'ai rencontré un jeune Belge qui me demanda ce que je faisais là. Prudemment, je lui dis que je cherchais à rejoindre Marseille. Il me dit ''ce sera difficile''. Cet homme faisait partie d'un réseau et me proposa de m'accompagner vers Lourdes.

Ce belge paya mon ticket de train. J'arrivais à Lourdes le 17 septembre 1941 via Châteauroux et Limoges, soit 3 jours après le crash de mon avion. Je restais 3 semaines à Lourdes, accueilli chez un autre belge de l'organisation d'aide. Je quittais Lourdes le 3 octobre en compagnie de 3 autres Belges que je ne connaissais pas. L'un était guide. Il nous dirigea vers Pau puis Cieron où  on prit un bus pour Tardets dans les Pyrénées. De la, on rejoignit Licq à pied, où, dans un hôtel, nous fûmes hébergés quelques heures. On attendit 20 heures qu'un guide vienne nous chercher. On traversa la frontière de nuit par la foret d'Iraty. A l'issue, nous devions changer de guide. Il ne vint pas. Nous avons dû continuer seuls. Traversant la Sierra de Abodi, passant près d'un sommet, redescendant la montagne, nous fûmes arrêtés par la garde civile espagnole près de Villeneuve. On fût conduit à Burgette d’où on nous emmena en voiture à Pampelone. Je dois dire que notre voyage à pied par les sentiers fût épuisant.

A Burgette, nous fûmes bien traités par les autorités militaires. La garde civile espagnole nous conduisit à la prison de Miranda où l'on resta 3 semaines, puis ensuite dirigés vers un camp où l'on reçu vivres et vêtements de l'Ambassade d'Angleterre. Nous étions 70 dans chaque baraquement. Les gardes espagnols ne cachèrent pas leur sympathie pour l'Angleterre. Je quittais enfin ce camp surpeuplé qui accueillait entre 800 et 900 détenus, dont 350 Polonais. Aucun effort de notre ambassade pour nous libérer avant ces 12 semaines.... Le 22 janvier 1942, j'arrivais à Madrid. J'ai rejoins Gibraltar le 26 janvier et le lendemain 27 janvier, je quittais enfin ce port à bord du HMS Pélican. J'arrivais à Liverpool le 6 février 1942.

Complément au rapport d'évasion du Pilot Officer Thomas MILROY-GAY 
Source : Document MI 9 daté du 10 février 1942 rapportant une interview de Gay du 7 février 1942 (voir ci-dessous dans les annexes).

Alors qu'il franchissait la ligne de démarcation à Cormery, au sud-est de Tours, le 16 septembre 1941, lors d'une action dirigée par le patron du café local, GAY rencontra un Belge lié à l'organisation de BENOIT qui l'emmena à Lourdes. L'organisation lui a fourni une fausse carte d'identité française. A Lourdes, il rencontre ROBINSON et LAMBERT, tous deux liés à l'organisation. Il resta quinze jours chez LAMBERT. ROBINSON et LAMBERT ont déclaré que s'ils avaient eu de l'argent - il pense que la somme était peut-être de 2000 pesetas - ils auraient pu faire en sorte qu'il soit récupéré à Aoiz (en Espagne). en voiture et conduit à Bilbao et Madrid. Ils ont déclaré que leurs ressources actuelles ne leur permettaient pas de le faire. Ils ont déclaré qu'ils étaient impatients d'obtenir de l'argent de sources britanniques. GAY doute de leur fiabilité en matière d'argent.

GAY mentionne l'Hôtel des Touristes, Licq, comme l'endroit où lui et ses trois compagnons belges récupèrent le guide pour la traversée (3 octobre 1941).

Bien qu'il n'y ait pas réellement séjourné, GAY a visité l'Hôtel de Paris, à Toulouse. Le propriétaire est belge. Un dortoir dans l'hôtel est utilisé par le Belge encadré par l'organisation Benoit. Il pense que ce serait une adresse utile. Il a été très bien accueilli par le propriétaire.

TÉMOIGNAGES

Monsieur Paul Pataou (à noter que dans son témoignage, Monsieur Pataou se trompe sur la date puisqu'il évoque le 13 septembre 1942)

Je me souviens bien de cet événement survenu pendant la guerre. J'avais 11 ans. C'était un dimanche, jour de la fête à Bulat Pestivien, dimanche 13 septembre 1942. Nous avions eus une belle journée ensoleillée, et nous avions rendu visite à notre cousin Louis Le Meur à Bulat. Nous revenions à pied. En ce temps là, il y avait peu de voiture. Malgré l'occupation, circuler en soirée ne posais pas trop de problème dans notre région. Nous restions prudents malgré tout. Il faut dire aussi que notre trajet, traversait la campagne. Il faisait bon, avec un beau clair de lune. Il était environ 23 heures, quand soudain nous avons entendu un avion qui arrivait au loin. Le bruit des moteurs se rapprocha de nous. L'avion semblait de plus en plus proche. Très bas. Puis ce fut un bruit terrible, il venait de s' écraser entre Kervern et Kergus. Nous sommes rentrés rapidement à notre domicile de la Chapelle Neuve. Le lendemain matin, tôt je me suis dirigé pour voir cet avion. Il était coupé en deux, comme si on l'avait scié par le milieu. Quelques personnes étaient présentes. J'ai pu voir à l'intérieur des chapelets de balles qui étaient accrochés partout à l'intérieur. Il y en avait beaucoup. A l'avant il n'y avait que deux sièges. L'avion s'était écrasé dans un champ légèrement en pente. Je ne suis pas resté longtemps sur les lieux.

Monsieur Jean-Louis Pichon (cultivateur de la région de Tréflez, démobilisé le 7 juillet 1940. Source : site "Résistance-Brest.net")
Le dimanche 14 septembre 1941, l’avion Hudson AM777 du 53th Squadron du Coastal Command est touché son retour en Angleterre. Les quatre aviateurs parviennent à sauter en parachute tandis que l’avion s’écrase en Plougonver (22). Deux aviateurs sont capturés et fait prisonniers par l’occupant, le pilote lui parvient à esquiver les allemands, il réussira à rejoindre l’Espagne. Le quatrième, Archibald H. Graham est récupéré par Jean-Louis Pichon. Dans un premier temps, il le conduit au presbytère où le rescapé est abrité par le recteur Pouliquen. Ce dernier recommande à Jean-Louis Pichon d’aller récupérer le parachute pour dissimuler les traces de l’aviateur. L’ecclésiastique lui recommande ensuite d’aller avertir le lendemain le docteur Duterque, maire de Lesneven. Le toubib prévenu, il demande à Jean-Louis Pichon d’héberger l’anglais durant quelques temps. Le 24 ou 29 octobre, Pichon confie l’anglais à monsieur Jean Launois, directeur de l’École de Penmac’h à Saint-Frégant. L’aviateur patiente encore une quinzaine avant d’être envoyé sur Brest pour être pris en charge par un réseau d’évasion qui le fait passer par l’Espagne.

Monsieur Joseph Lohou (Monographie de la ville de Callac)
A noter sur le site de Callac que dans son témoignage, Monsieur Lohou se trompe sur deux points : tout d'abord, l'année : il évoque 1942 alors que c'est 1941. Puis le type d'avion : il parle d'un Bristol Blenheim alors qu'il s'agit d'un Lockheed Hudson).
Monsieur Lohou évoque donc un Blenheim touché par la Flak qui s'écrase sur la commune de Plougonver, entre les villages de Kergus et Kerven, à 1 km du bourg. Vers 20h30, les Feldgendarmes de Guingamp, guidés par un collaborateur, du nom de Bouget, se rende chez le Maire M. Coantiec. En son absence, ils demandent à sa femme Yvonne de les conduire vers l'avion. Finalement c'est leur fils aîné qui accompagne les allemands. Après s'être embourbé dans le chemin de Chapelle neuve, les allemands atteignent le village de Kervern vers 23h. Ils découvrent l'avion en feu mais pas d'aviateurs. Deux des aviateurs, sortis indemne de leur chute, fuient à pied et se seraient arrêtés à la scierie du Maire, M. Coantiec. C'est Mme Coantiec qui les aurait découvert et aidé en leur apportant des vêtements et de la nourriture. Puis elle les aurait conduit à la sortie du bourg. Les aviateurs auraient rejoint Nantes, avant d'être pris en charge par un réseau d'évasion. M. et Mme Coantiec ont été plus tard intérrogés par les Allemands, soupçonnés d'avoir aidé les aviateurs. Dénoncée un peu plus tard, Mme Coantiec fut arrêtée, puis libérée. Le 5 mars 1943, suite à une perquisition chez les Coantiec, qui aurait conduit la Feldgendarmerie à trouver des armes de chasse et de la guerre de 14-18, Mme Coantiec fut arrêtée, en l'absence de son mari. Elle fut internée à Saint-Brieuc, puis Fresnes, avant d'être déportée à Ravensbruck puis Mathausen où elle mourut le 25 mars 1945. Elle avait 45 ans.

 

ANNEXES :

♦ Extrait de l'ORB (Operational Record Book) du Squadron 53 pour Septembre 1941

Ces documents (AIR-27-504) confirment la date de la disparition du Hudson P-ZG.

Orb air 27 504 part 1
Ce document précise que l'avion a décollé à 13h50 pour une mission "A/S sweep", c'est à dire une mission  anti-sous-marine.
L'avion n'est pas revenu ("failed to return") de cette mission.

Orb air 27 504 part 2
Dans cet extrait, on apprend que 2 missions d'escorte (sans doute de convois) et 10 missions anti-sousmarines ont été envoyées depuis la basede
St-Eval le 14 septembre 1941. On lit également qu'un avion, le PZ-G, n'est pas rentré et les 4 membres d'équiopages sont portés disparus.

♦ Rapport d'évasion original du Sergeant Archibald H. Graham.

♦ Extrait du rapport d'évasion du Pilot Officer Thomas MILROY-GAY.

Escape report milroy gay

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