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8 juin 1944
Consolidated B-24H-20-FO "Sweet job" (s/n 42-94927 code N6-?)
"La Bodinais", Lanrelas (22)
(contributeurs : Joseph Verger, Noël Pollet, Pierre Mahé, Daniel Dahiot)
"Nose art" du B-24H s/n 42-94927
Photo site "B-24 Best Web"
Le B-24 tombé au village de la "Bodinais" en Lanrelas le 8 juin 1944 n'avait, ni de nom, ni de dessin peint sous le cockpit. Le lieutenant Digges et certains membres de son équipage sont revenus après guerre sur les lieux. Ils confirmèrent que l'avion était pour eux le ''Shady Lady" (Belle ombrageuse) mais que ce nom n'était pas encore peint. En effet ce bombardier venait de leur être attribué. Il en était à sa seconde (et dernière) mission de combat. Aucun artiste n'avait encore eut le temps de le nommer comme le souhaitait l'équipage. Il est vrai que les préoccupations du moment étaient autres. Le nom ''Shady Lady'' est retrouvé sur plusieurs appareils du même type dont un qui termina sur le sol Italien, avec pour simple différence un marquage numérique différent. Les Archives américaines ont enregistré le crash de ce B- 24 immatriculé 42-94927 avec également le dessin peint qui y figurait auparavant sous le nom de "Sweet Job !", sur lequel on peut voir une femme entre "Sweet" et "Job". C'est pourquoi dans cette page, nous produisons ce document comme nous l'avons retrouvé.
Equipage (493rd BG, 860th BS) :
- (Pilote) 2nd Lt. Thomas I. "Tommy" DIGGES (matricule O-795713), évadé.
né le 22 mars 1920. Enrôlé à Washington (District de Columbia).
Rejoint le maquis en Charente. De retour en Angleterre le 6 août 1944.
- (Co-Pilote) 2nd Lt. Harold W. BOLIN (matricule O-816217), évadé.
né le 2 juin 1924 à Bicknell (Indiana). Enrôlé à Lafayette (Indiana). Résidait à Knox (Indiana).
De retour en Angleterre le 16 août 1944.
Décédé le 25 août 2018.
- (Navigateur) 2nd Lt. Bernard Burton "Barney" KOLLER (matricule O-702449), évadé.
né le 19 décembre 1920 à Roseburg (Oregon). Enrôlé à Salt Lake City (Utah)
Décédé le 4 septembre 1978.
- (Bombardier) 2nd Lt. Kester D. KING (matricule O-695503), évadé.
né le 23 février 1918 à La Porte (Indiana). Enrôlé à Chicago (Illinois). Résidait à Stark (Indiana).
Décédé en 1983.
- (Opérateur radio) T/Sgt. Ronald Westler REED (matricule 37656322), évadé
né le 2 octobre 1923 à Ringsted (Iowa). Enrôlé à Camp Dodge (Iowa). Résidait dans le Comté d'Emmet (Iowa).
De retour en Angleterre le 16 août 1944.
Décédé le 4 juillet 2002.
- (Mécanicien) T/Sgt. Carmine Thomas FISCHETTI (matricule 32429061), évadé.
né le 28 septembre 1920 à Brooklyn (New York). Enrôlé à Fort Devens, Massachusetts.
Résidait dans le Comté de Kings (New York)
Décédé le 1er août 1988.
- (Mitrailleur ventral) S/Sgt. Anthony Angelo "Tony" CAVESTRI (matricule 39129568), évadé.
né le 29 décembre (ou novembre) 1923 à Pleasanton (Californie).
Décédé le 11 novembre 2013.
- (Mitrailleur avant) Sgt. Homer L. "Smitty" SMITH (matricule 18161971), blessé et prisonnier.
Gravement blessé à l'épaule.
Stalag Luft 4, Gross-Tychow (auparavant Heydekrug), Pomeranie, Prusse
(fut déplacé à Wobbelin Bei Ludwigslust puis à Usedom Bei Savenmunde).
né le 26 mars 1923. Enrôlé à Tulsa (Oklahoma). Résidait dans le Comté d'Ottawa (Oklahoma).
Décédé le 15 avril 1974.
-(Mitrailleur supérieur) Sgt. Jack Roger ALLEN (matricule 16089294), prisonnier puis tué.
né le 11 juin 1921. Enrôlé à Newark (New Jersey). Résidait à Passaic (New Jersey).
Tué le 21 juin 1944, à l'âge de 23 ans.
- (Mitrailleur de queue) Sgt. Thomas Senan McINERNEY (matricule 16119130), évadé puis prisonnier.
Camp de prisonnier inconnu.
né le 21 septembre 1921. Enrôlé à Jackson (Michigan) où il résidait.
Décédé le 25 avril 2012.
De gauche à droite : 2nd Lt T.I. Digges, 2nd Lt B.B. Koller, 2nd Lt H.W. Bolin, 2nd Lt K.D. King
L'HISTOIRE
Lanrelas (Côtes du Nord), le jeudi 8 juin 1944 : chute d'un B-24 Liberator au village de la "Bodinais" appartenant au 493th Bomber Group/860th Bomber Squadron (8th USAAF).
Très tôt ce matin, dans un brouillard intense, sur la base aérienne RAF Debach, près d'Ipswich, dans le Comté de Suffolk, en Angleterre (135 km au nord-est de Londres), les responsables de l'équipage 943 sont convoqués par leur hiérarchie à un briefing pour une mission de bombardement sur le territoire Français occupé. Nous sommes à J+2 de l'opération Overlord et l’intensité des combats est à son comble. Il faut à tout prix soutenir les forces terrestres engagées sur le sol Normand. A cette réunion participe le 2nd Lt Thomas Digges, appelé ''Tomy ''par ses amis, auquel se joint son copilote, le 2nd Lt Harold W. Bolin. Puis il y a le navigateur, en la personne du 2nd Lt Bernard B. Koller, appelé par ses amis ''Barney''. Le bombardier est le 2nd Lt Kester D. King. Le radio est le Sergeant Ronald W. Reed appelé ''Ronnie''. Ces 5 membres d'équipage reçoivent la mission de bombarder, tôt ce matin du 8 juin, un pont principal enjambant la Loire près de Nantes. Il faut absolument empêcher les forces Allemandes, stationnant au sud de cette région, de remonter hommes et matériels vers la ligne de front qui s'établit lentement en Normandie. Le B-24 du 2nd Lt Digges doit venir se joindre en vol à 14 autres bombardiers de la même unité qui rejoindrons d’autres avions décollant d’autres bases. Au total, 42 Consolidated B-24 Liberator et 25 Boeing B-17 Flying Fortress participerons à cette mission larguant 94 tonnes de bombes. Les dégâts serons importants et la mission atteinte. A ces membres d’équipage vont venir se joindre le mécanicien, le Sergeant Carmine T. Fischetti, que ses amis surnomment "Tom". Le mitrailleur ventral est le Sergeant Anthony A. Cavestry, surnommé "Tony". Le mitrailleur de queue est le Sergeant Thomas Senan McInerney, lui aussi surnommé "Tom". Les mitrailleurs avant et supérieur sont respectivement les Sergeant Homer L. Smith et Jack Roger Allen. Tous ces hommes ont reçu une formation accélérée au cours de leurs entraînements aux USA, les besoins de la guerre se faisant sentir.
La base RAF Debach en avril 1946.
Photo Royal Ordinance Survey. Annotations sur la photo de Roger A. Freeman, Aérodromes d'hier et d'aujourd'hui, 1978.
Le 860th Bomb Squadron a vu le jour le 14 septembre 1943 (il sera dissous le 28 août 1945). Il rejoint la Grande Bretagne le 1er janvier 1944 sur une base provisoire. Il devient opérationnel le 17 avril 1944 lorsqu’il se pose définitivement sur la base RAF Debach. Il y a 48 heures, le Lieutenant Digges et son équipage ont accompli leur première mission de bombardement dans le cadre de la gigantesque Opération Overlord, dans le ciel de Normandie, qui a consisté à arroser de bombes les défenses côtières allemandes. C’est au cours de cette mission que le mitrailleur arrière, le sergent Moe, attrapera une pneumonie qui lui interdit la mission de ce jour sur Nantes. Il est remplacé par le Sergent Jack Allen, qui sera le seul tué de la mission du 8 juin.
Il est environ 6 heures 30 et tout l’équipage est au complet au pied du bombardier qui, contrairement à d’autres avions, ne porte pas sur son fuselage avant de dessin ("nose art") permettant son identification par ses hommes. Le lieutenant Digges, quelques années après, lors d’une visite en France confirmera bien que son B-24 avait un nom, mais qu’il n’était pas encore peint sur son fuselage avant. Il précisera que son avion s’appelait "Shady Lady" et non "Sweet Job".
Le 2nd Lt Thomas DIGGES
Les dernières consignes données, c’est l’heure de rentrer dans l’avion et d’occuper son poste. Préalablement, l’effervescence régnait autour de l’avion. Les artificiers ont rempli la soute à bombes. Les munitions ont été mises en place aux différents postes de tir, 1 200 cartouches par mitrailleuse soit un total de 12 000 cartouches. Les personnels au sol, chacun suivant sa spécialité, se sont affairés à la préparation du vol et à la maintenance des appareils de bord, non bien sûr sans approvisionner les énormes réservoirs à carburant alimentant les 4 moteurs. Les ordres de la tour de contrôle arrivent dans les écouteurs des pilotes qui donnent leurs dernières consignes à l’équipage tout en mettant en marche les puissants moteurs. Le bombardier vient se positionner dans la file d’attente. Au point fixe, l’avion vibre de toute sa puissance. Le Lieutenant Digges active les manettes et lâche les freins. Le B-24 se libère petit à petit du sol après avoir parcouru les trois quarts de la piste. Le brouillard qui enveloppe la base ne se dissipe pas en ce début de journée. Tout le pilotage de l’avion se fait aux instruments de bord. Le regroupement prévu doit se faire au-dessus de la mer. Malgré les efforts des pilotes du 860th BS, le regroupement au-dessus de la Manche ne peut être réalisé ; seul l’équipage 943 du Lieutenant Digges se joint à un autre groupe. Les 14 autres avions dispersés un peu partout reçoivent l’ordre de rentrer à leur base. En milieu de Manche, les équipages voient arriver sur leurs flancs les chasseurs d’escorte chargés d’assurer leur protection. La traversée se passe sans incident. Ce n’est pas la même chose quand toute cette armada aérienne approche les côtes Nord de la Bretagne. La défense antiaérienne ennemie se déchaîne. Les tirs sont trop courts, heureusement, et les obus reconnaissables à leurs petits panaches noirs éclatent bien en dessous. En vue de Nantes, l’ordre a été donné à tous les équipages de réduire quelque peu l’altitude et de se préparer au largage des bombes. A une altitude réduite, la formation d'avions sera plus vulnérable.
Il est un peu plus de 8 heures 30 quand la formation arrive en vue de la cible. Les nombreux postes de FlaK (DCA) se déchaînent et visent les avions américains. Des nuages de fumée noire intense, dus aux explosions des obus, envahissent l’espace aérien. Le B-24 a ouvert sa soute à bombes. Soudain des obus touchent sévèrement un des moteurs qui s’arrête immédiatement. Puis c’est un deuxième. Des éclats traversent la carlingue blessant légèrement 5 membres de l’équipage. Malheureusement, le sergent Smith, mitrailleur avant, est sévèrement touché à l’épaule droite. Il saigne abondamment. Immédiatement le lieutenant Koller se porte à son secours et tente de freiner l’hémorragie tandis que le pilote maintient son avion au sein de la formation, malgré les problèmes. Hélas un troisième moteur donne des signes de fatigue. L’avion passe juste au-dessus de la cible. Le lieutenant King manœuvre la poignée de largage, sans succès. Rien ne se passe. La cargaison reste à bord. Le lieutenant s’empresse d’appuyer sur le circuit de secours, toujours sans résultat. Le système à sans doute été endommagé par un obus. Immédiatement, le pilote décide de décrocher de la formation et de prendre rapidement le chemin de retour le plus court. Très vite il s’aperçoit que son B-24 perd de l’altitude (130 mètres par minute) dû au manque de puissance du dernier moteur valide et aussi au poids de la charge non larguée. Le sergent Reed, par radio, tente de joindre les autres appareils pour une protection. Personne ne répond à ses appels. Le pilote et le copilote tentent de calculer les chances de ramener l’appareil à sa base ou du moins de s’approcher des Côtes Anglaises dans l’espoir d’amerrir pour ensuite être récupérés par la Royal Navy. Pour réduire la descente une tentative d’éjection manuelle des bombes est entreprise.
A gauche : à l'emplacement de ce poteau electrique s'élevait en 1944 la maison de la Ville Gaston où Mme Marguerite Le Derff s'était réfugiée
pour fuir Rennes.Le B-24 évacuant ses bombes avant sa chute en laissa une tomber sur la maison malencontreusemen
à cet endroit tuant cette pauvre femme et pulvérisant sa maison. Aujourd'hui ce lieu n'existe plus sur les cartes.
A droite : cratère de bombe toujours visible.
Le lieutenant King et le sergent Cavestri se glissent dans la soute et en équilibre au-dessus du vide, sur les deux poutrelles métalliques, attendent l’ordre du Lieutenant Digges pour les évacuer manuellement. Le pilote s'efforce de trouver un lieu où les projectiles ne toucheront pas de zone d'habitation. L'ordre est donné, relayé par le lieutenant Koller. Les bombes, une à une et rapidement, tombent au sol. Les premières sur Guitté, La Chapelle Blanche et Saint Jouan de l'Isle au lieu dit '' Pont des Arches''. Hélas à La Chapelle Blanche, au lieu dit " La Ville Gaston " l'une d'entre-elles frappera une maison où vivaient une femme et son fils, des réfugiés Rennais. Madame Marguerite Le Derff, née Chomard, sera tuée sur le coup. A cet instant, le bombardier en détresse est à la verticale du bourg de Médréac, en Ille et Vilaine (35 km au nord-est de Rennes) ; malgré tous les efforts fournis le B-24 ne pourra traverser la Manche.
Il est exactement 9 heures. Le Lieutenant Digges se résout à donner l'ordre à tout son équipage de quitter rapidement l'avion tout en respectant un espace de temps entre eux qui permettra de les disperser dans la campagne environnante, les rendant plus difficiles à localiser par l’ennemi. Chaque aviateur s'affaire à enfiler son parachute avec un contrôle réciproque pour vérifier si le parachute du camarade est bien en place et bien fixé. Le sergent Allen est le premier à se jeter dans le vide. Il sera suivi du mitrailleur McInerney. Ce dernier tombant dans un champ où pousse du blé près du bois de "L'impérant" en Médréac. Il se trouve à l'écart de toute route. Le sergent Allen, quant à lui, atterrit près d'un chemin de campagne amenant au village de ''Cottrel''. Hélas pour lui, les Allemands venus de Médréac à bord de véhicules automobiles, l’arrêtent immédiatement. Le Sergeant McInerney se fraye un passage dans le blé, prenant soin de relever les tiges pour dissimuler sa trajectoire. Il n'a pas oublié de récupérer son parachute pour le cacher. Arrivé dans un chemin, un homme et un adolescent lui font signe de la main, le priant de venir vers eux. Il s'exécute et se retrouve dans la petite ferme de cet agriculteur Monsieur Leforestier. Ce dernier lui procure aussitôt des vêtements civils. McInerney se change rapidement pendant que son sauveur lui prépare à manger, puis l'agriculteur repart dans un champ voisin pendant que le Sergeant prend son repas. C'est alors que les Allemands entrent dans la ferme et entreprennent de fouiller les lieux. Un allemand arrive dans la cuisine, trouvant cet homme à table. Il lui demande " Parachutiste ? Où ? ". Le Sergeant balbutie quelques mots, l’Allemand hausse les épaules et repart aussitôt à l'extérieur vers Monsieur Leforestier, qu’il interroge à son tour, sans plus de résultat. Les Allemands repartent rapidement. C'est un " ouf " de soulagement qui va entraîner McInerney vers une autre cachette dans un grenier au-dessus de la soue à cochons. McInerney, par la suite, sera caché dans des bois environnants. Après quelques jours, il souhaitera partir à pied, pensant rejoindre les troupes américaines en Normandie. Il sera arrêté par l’ennemi dans la région de Dinard. Le B-24 continue son dernier vol, avec toujours aux commandes le Lieutenant Digges. L'avion vient de survoler La Chapelle Blanche puis Saint Jouan de l'Isle et prend la direction de Plumaugat. L'ordre est donné aux aviateurs Bolin,Fischetti et Koler de sauter, ordre qu'ils exécutent immédiatement.
Le 2nd Lt Harold BOLIN
Le 2nd Lieutenant Bolin atterrira près du village de " la Bichetiére " et sera caché à la ferme de Saint Maleu, toute proche, Le Sergeant Fischetti tombera près du lieu dit '' La Thézelais ''. Ces deux villages sont situés au nord-nord-est de Plumaugat. Le 2nd Lieutenant Barney Koller aura très peur lors de sa descente en parachute. En effet, il verra son bombardier faire demi-tour et revenir sur lui. L'avion, heureusement, tombera au sol bien avant et à une distance le mettant hors d'atteinte. A bord de l'avion le Sergeant Smith, blessé, est aidé par le Sergeant Reed. Ils vont sauter ensemble. Le lieutenant Digges conseille à Smith de se rendre dès son arrivée au sol vu ses blessures. Les deux hommes atterrissent au village de " l'Heume ", au nord de Lanrelas. Reed s'affaire à enlever le harnais de son parachute quand ils voient une fermière se diriger vers eux. Arrivés dans la cour de la ferme, et sachant son camarade en lieu sûr, le Sergeant Reed prend congé de son ami et part bien vite se cacher. La fermière, Madame Menard, prend soin du blessé et l'installe confortablement chez elle. Les Allemands, en alerte, ne tardent pas à récupérer leur deuxième prisonnier. Le 2nd Lieutenant King et le Sergeant Cavestri se jettent à leur tour dans le vide. Pour Cavestri, l'arrivée est particulièrement brutale car il arrive dans la ferme de Monsieur François Gervaise (qui assiste à cette scène) au village de " Guillerien ". Son parachute s'accrochant au toit d'une grange, le plaquant violemment contre le mur où il s’assomme. Le fermier prend son échelle et escalade rapidement les barreaux pour venir en aide à l'aviateur. Cavestri quitte sa position délicate après avoir repris conscience. Le parachute est vite caché par l’agriculteur. Le 2nd Lieutenant King, quant à lui, atterrit au bord d'un champ à environ 800 m de son camarade. Le 2nd Lieutenant Digges est désormais seul à bord. Lui aussi pense à s'éjecter car le temps presse. Il quitte son avion se jetant à son tour dans le vide. Le bombardier amorce un grand virage sur sa droite, survolant les villages de la " Vieux ville ", " Beaumont ", " Clin Julien ", " Le pont du Breuil ", " Queloscoet " pour venir s'écraser en bordure d'une route entre les villages du " Châtel " et de la " Bodinais ". Il est 9 heures 30. Des résistants récupèrent les aviateurs Bolin, Fischetti et Reed et s'empressent de les cacher dans un grand bois près de Plumaugat. Hélas une personne peu discrète, dévoile l’existence des Américains et il est urgent d’évacuer vers une autre cachette ces amis venus du ciel. Le 10 juin, à 4 heures du matin, les résistants, Messieurs Crepel, Gardon et Guinde réveillent les trois aviateurs qui semblent très inquiets de ce réveil matinal. Bolin, qui comprend et parle un peu Français, rassure ses compagnons et tous ensemble prennent la direction du village de " Bénin " où ils seront accueillis chez Madame Janet. Leur cachette sera un abri creusé au fond du jardin.
Le 2nd Lt Harold W. BOLIN, le T/Sgt Ronald Westler REED et le T/Sgt Carmine T. FISCHETTI cachés au village de Bénin.
Ils sont habillés en civil sur la photo de droite.
BOLIN, REED et FISCHETTI avec la famille JANET
La maison de Madame JANET au village de " Bénin " en Plumaugat
Madame Veuve JANET et Henri JANET
Carmine T. FISCHETTI et André JANET Mme veuve JANET, Marguerite une voisine, André JANET,
Henri JANET et devant, à droite, Marie JANET, la femme d'Henri.
Le lieutenant Digges, accompagné de King et Cavestri, se retrouvent au "Moulin de Carcafa". Le meunier, Monsieur Craboulet, les cache et les nourris pendant quelques jours ; mais le moulin est petit et ce dernier craint pour sa famille. Monsieur Desmier, de Ligouyer, est contacté. Il habite le château de la Bruyère à Saint-Launeuc. Il accepte de prendre en charge les trois Américains. En face de son château, le grand bois sera propice à les cacher. Une toile de tente est plantée dans un trou creusé parmi les arbres. Les voici en sécurité. Les trois enfants de la maison sont tenus à l'écart de ce qui se passe. Madame Desmier prépare les repas pour tout le monde, y compris pour les ''Invités" ; toutefois le second fils de la maison trouve étrange les nouvelles habitudes de ses parents et un jour il vérifie le contenu du panier. Sa mère le surprend et appelle son mari qui demande à son fils d'oublier ce qu'il a vu et de promettre de n'en parler à personne et que plus tard il lui expliquerait. Le secret sera bien gardé.
Le château de La Bruyère à Saint-Launeuc (Côtes-d'Armor), où furent cachés en juin 1944 les aviateurs Digges, King et Cavestri.
Ce château est aujourd'hui inscrit sur la liste des monuments historiques.
Photo Thérèse Gaigé via Wikipédia - (crédit photo selon Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International).
Quelques jours plus tard la Résistance viendra récupérer les trois aviateurs et les dirigera vers le maquis de Bourgneuf. Ils y resteront jusqu'à l'arrivée des troupes Américaines qui se dirigent sur Brest début août 1944. Toutefois, pendant leur séjour dans la région, les aviateurs Américains pourront rencontrer leurs camarades cachés en d’autres lieux. Une entrevue organisée par la résistance locale aura lieu près de l'étang des Loziers. Le 2nd Lieutenant Koller restera seul après son atterrissage sur le sol de France. Il réussira à changer de vêtements, aidé par des fermiers courageux. Il prendra la direction du sud. Après des jours et des jours de marche, il se retrouvera en Dordogne où il sera recueilli par les hommes d'un maquis. Incorporé au sein de cette troupe, il fera plusieurs fois le coup de feu contre l’occupant. Une nuit, un avion venu d'Angleterre en mission se posera et le prendra à son bord avec plusieurs autres soldats des Forces Alliées évadés sur le sol Français.
Quant au Sergeant Allen, son histoire sera hélas dramatique. Prisonnier des allemands, il est à bord d'un camion sur une route qui le conduit vers un Stalag en Allemagne quand un groupe de 6 Spitifire se ruent sur le camion. Allen est tué sur le coup. Les Sergeant Smith et McInerney se retrouveront prisonniers dans le même Stalag Luft (camp de prisonnier pour aviateurs) d’où ils ne reviendront qu’après la fin de la guerre.
TEMOIGNAGES
♦ 2nd Lt Bernard Koller dit "Barney" (rapport d'évasion E&E 1449 daté du 3 septembre 1944).
Koller était le navigateur de la ''Forteresse volante" [si le terme "Forteresse volante" est communément attribué aux Boeing B-17, il le fut également parfois aux Consolidated B-24] qui s'abattit à "La Bodinais" en Lanrelas le 8 juin 1944.
" Couché à 23 heures, je fus réveillé à une heure du matin pour aller manger. Le briefing (instructions) se passa comme d’habitude. Tôt le matin, nous fûment réunis autour du "Shady Lady" [voir tout en haut de cette page l'anecdote relative au nom de l'avion], attendant l'heure de démarrage des moteurs. Une partie du ciel était étoilé, mais le brouillard arrivait vers nous. Comme à l'habitude je vérifiai tout mon équipement, mais aussi ma provision d’oxygène puis ma combinaison de vol et mon gilet anti-éclats de DCA. Nous décollâmes enfin pour grimper lourdement jusqu'à 12 000 pieds (3 600 m). Navigateur de cet équipage, je me mis à rechercher d'autres "Forteresses" déjà parties avant nous en vue de notre regroupement. Je n'en vis pas une seule. Nous tournions sans cesse comme des abeilles autour d'une ruche. Après un temps très long, nous nous accrochâmes à un autre groupe. Puis direction la Manche. Je voyais des centaines d'avions d'un bout à l'autre du ciel en formation immense comme un grand carré. Tout se passa selon les plans jusqu'au moment où nous atteignîmes la cible. Le bombardier poussa la poignée de largage des bombes mais elles ne tombèrent pas. Il pressa aussi le circuit de secours mais sans résultat. Il téléphona aussitôt à notre pilote ,''Tommy'', qui lui indiqua de tirer de nouveau sur ce circuit ; mais impossible, les bombes étaient toujours à bord. "Tommy" me demanda si il y avait d'autres cibles possibles sur le chemin du retour. Je commençai à regarder mes cartes lorsqu'un ''boum'' terrible envahi l’avion. On aurait dit que quelqu'un avait lancé un gros rocher sur des boites de conserves et puis tout à coup dans l'interphone ''je suis touché, je suis touché''. Je regardai le bombardier, ce n'était pas lui qui avait été atteint. Nous perdions de l'altitude. J'ouvris la porte de la tourelle avant et m'aperçus que "Smitty" avait été touché mais j'ignorai la gravité de sa blessure. Il avait du sang d'un côté du visage mais semblait plus effrayé que blessé. Je compris sa frayeur. "Tommy" nous dit de mettre nos parachutes au cas où nous en aurions besoin.
J'essayai d'appeler nos petits frères à l'aide (les autres avions). Le bombardier, le 2nd Lieutenant King, retourna essayer de se débarrasser des bombes. Je pensai que nous ne pourrions pas retraverser la Manche à cause du vent debout et de la distance qui nous séparait de la côte. J'aidai "Smitty" à mettre son parachute et retournai aux trappes de largage pour voir si je pouvais être utile. "Tommy" ordonna alors de sauter. Carmine était sûr que nous pouvions rentrer. C'était "Tommy" qui connaissait le mieux l'état de l'appareil et qui nous avait dit de sauter. Je dis à "Carmino" de se taire et de sauter. Je fus le sixième à quitter l'avion. Quand mon parachute s'ouvrit, je remarquai d'autre parachutes ouverts autour de moi mais à distance. Soudain, je vis le B-24 faire un tour sur la droite et revenir droit vers moi. Je me sentis impuissant. Je pensai que c'était une manière idiote de mourir, écrasé par son propre avion. Le bombardier vira juste devant moi et s'écrasa en une terrible explosion. Une grande colonne de fumée noire et huileuse s'éleva de l'endroit où l'avion s'était abattu. Je vis des gens qui me regardaient descendre. Ils étaient dans une espèce de ferme clôturée, qui est tout à fait typique des fermes Françaises. Je remarquai aussi une région boisée où je pourrais me réfugier. Je me sentis soulagé en tombant dans un champ labouré. Une sacrée secousse à l'atterrissage, mais je m'en remis rapidement. Je me débarrassai de mon harnais de parachute et de mon gilet de sauvetage. A mi-route, je les cachai dans un fossé. Je me mis à courir à travers un champ et je vis un homme qui courait aussi. De l'avoir vu le premier me donna l'avantage. Je me cachai derrière un arbre et décidai de l'observer. Il avait l'air convenable. Alors je l'appelai, il me serra la main. Il ne put proférer un mot, il ne me sembla pas trop futé, aussi je décidai de fuir au plus vite. Je m'écartai du lieu de l'accident, vers le coin boisé que j'avais remarqué au cours de ma descente.
Il était plus de 9 heures. Je me débarrassai de mes lourdes bottes de vol pour pouvoir courir plus vite. Je traversai une route empierrée et crus que des gens m'avaient vu pénétrer dans le bois. Je courus encore une demi heure et il me fallut faire une pause. Je m’assis et fis l'inventaire de ce que j'avais. Je me débarrassai de mon couteau de poche au Manche incrusté de nacre. On m'avait dit que des aviateurs avaient été fusillés comme espions pour avoir possédé sur eux des couteaux, si petits fussent-ils. J'avais mon trousseau de prisonnier de guerre, une carte de France et d'Espagne ainsi que 2 000 francs. Je restai allongé, attendant calmement que quelqu'un s'approche. J'entendis des oiseaux chanter et voler et à chaque bruit, j'imaginai que quelqu'un était derrière moi. Je restai en place jusqu'à 17 heures, puis je décidai d'explorer les environs et de me diriger vers le Sud-Est. Finalement je sortis du bois, vis la flèche d'une église et décidai de contourner le village. J'étais très méfiant,évitant tout le monde au début . Je vis un homme et son fils qui binaient des choux dans un champ. Je décidai de leur demander un verre d'eau. Je ne savais pas un seul mot de Français, il me fallut utiliser le langage des signes pour me faire comprendre. Le fils rentra chez lui et apporta du cidre. Le père dit au fils de me donner des vêtements civils que je pris en échange de ma combinaison de vol. Il me dit de le suivre à la maison, où sa femme me donna du pain. Tout à coup, sa femme, qui observait par la fenêtre, dit quelque chose à son mari. Il me prit par la main et je le suivis dans une grange pour ensuite franchir une clôture sur l’arrière de la ferme. Je crus que la police allemande me poursuivait déjà. Je courus en un grand demi-cercle autour de la ferme et pris l'orientation du sud. A la ferme, la fermière m'avait montré un mouchoir avec les initiales H.W.B. (Second lieutenant Harold W. Bolin) inscrites dessus, si bien que je sus que le copilote était en sécurité et m'avait précédé. Je ne vis aucune autre trace d'autres membres de notre équipage. J'évitai tout le monde et marchai jusqu'à 22 heures. Ce soir là, je décidai de dormir dans un fossé sous un arbre.
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Il se mit à pleuvoir et il plut toute la nuit. L'arbre m'abrita un certain temps. Il commençait à faire froid. Je pensai à me rendre, au moins je serai au chaud quelque part et j'aurai à manger. Vers 4 heures du matin, je décidai de marcher pour conserver ma chaleur. Il faisait encore nuit noire. Malgré tout je restai dans les champs et dissimulé. Je marchai jusqu'à environ 10 heures et m’arrêtai dans une ferme ou je demandais à une femme si je pouvais dormir dans la grange. Elle me dit ''d'accord'', je dormis environ une heure quand arriva un homme qui me fit signe de prendre la route. Je marchai jusqu'à 18 heures et m’arrêtai pour demander quelque chose à manger. Une femme m'apporta quelque chose qui ressemblait à un torchon de mailles verdâtres et sale. Il y avait du beurre dessus. Ça avait le goût de ce à quoi cela ressemblait. Elle me donna aussi du cidre. J'appris plus tard que cette nourriture particulière était un grand régal là-bas, et était faite de galettes aux œufs. J'ai ensuite marché jusqu'au soir,et résolus de dormir encore dans un fossé. Pluie, pluie, pluie toujours et il faisait très froid. J'étais résolus à me glisser sous la première meule de paille que je rencontrerai par la suite pour récupérer un peu. Ce que je fis jusqu'à l'aube et ensuite je repris ma marche vers le sud. Arrêt pour chercher à manger. Une dame me donna du pain. Elle me dit de ne pas aller par là, elle me faisait les gestes d'un tireur. Je décidai pourtant de partir dans cette direction. J'avais toujours froid. J'étais trempé et très fatigué. Je n'avais dormi que deux heures ces trois derniers jours. Je repris la route. les champs étaient trop mouillés. J'arrivai à un virage et vis une sentinelle allemande en face d'un immeuble avec son fusil à l'épaule. Mon cœur se serra. Elle me vit et donc pour ne pas attirer son attention il me fallut continuer à marcher vers elle. Je passai devant ce soldat. Il ne se douta de rien. Dans l'immeuble en face d'autres allemands, dans un bureau téléphonaient. Je pris la première route sur ma droite pour sortir de la au plus vite. Je vis trois autres allemands en vélo, apparemment en patrouille. Je passai devant eux. Je pris la route suivante et encore une autre à gauche pour sortit de la ville. Je vis deux allemands debout prés de deux tentes individuelles vertes ,allumant leurs cigarettes. Mon cœur battait si fort que je pensais qu'il l'entendrait à quelques mètres de distance. Je quittai enfin la ville, très fatigué. Je cherchai un lieu pour passer la nuit au sec. Je vis une soue à cochon vide, mais je préférai voir avant les fermiers. Je m'assis dans un fossé en attendant qu'ils rentrent à leur ferme. Rentrant, ils se dirigèrent vers moi. Ils avaient un chien. Je préférai reprendre ma route. Plus loin, je vis un homme et son fils qui labouraient leur champ. Je leur demandai à manger. Ils m’emmenèrent chez eux et me donnèrent de la soupe de pain. Elle était très bonne. Ils avaient un foyer chaud, descendirent un lit du grenier et me dirent de dormir dans leur cuisine. Extrêmement fatigué je m'endormis aussitôt. Le lendemain matin, je leur demandai un miroir pour me raser. C'était un dimanche et le fermier me dit qu'il devait se rendre à la messe. Je m'en allais. Je ne faisais confiance à personne. Je continuai mon chemin vers le sud pendant un certain temps. Une patrouille allemande camouflée de branchages me dépassa. J'aurais bien aimé être en voiture mais surtout pas avec eux. J'étais fatigué par cette longue marche à pied. Des tas de gens marchaient le dimanche, aussi je restai sur de petits chemins faisant en sorte de ne rencontrer personne. Ce jour la j'ai marché jusqu'à la tombée de la nuit. Je fus demander un peu de nourriture dans une maison. L'homme me donna du pain. Je lui demandai si je pouvais dormir dans sa grange. Il me dit oui et me donna une couverture. Vers 23 heures il vint me chercher et me dit de venir dans sa maison. Il me donna à manger une soupe de pain et de lait, très bonne. Il me dit qu'il était dans la DCA Française jusqu'en 1940. Il avait travaillé en Allemagne mais il avait plus de 40 ans alors il avait été libéré. Son beau frère était prisonnier en Allemagne depuis 3 ans. Il me donna un petit déjeuner le lendemain matin. Je traversai un champ, quand soudain un Messerschmitt 109 passa au dessus de moi, très bas.
♦ Monsieur André Defin, habitant le village de "Beauvais" en Bréhand.
Je me rappelle très b
ANNEXES
♦ Certificats de reconnaissance signés du Général Eisenhower délivrés à Mme Janet et Henri pour l'aide qu'ils ont apportés aux aviateurs américains
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