8 juin 1944

Consolidated B-24H-20-FO "Sweet job" (s/n 42-94927 code N6-?)

"La Bodinais", Lanrelas (22)
(contributeurs : Joseph Verger, Noël Pollet, Michel Pieto, Jean-Luc Moser, Jean-Michel Martin, Pierre Mahé, Daniel Dahiot)


"Nose art" du B-24H s/n 42-94927
Photo site "B-24 Best Web"

Le B-24 tombé au village de la "Bodinais" en Lanrelas le 8 juin 1944 n'avait, ni de nom, ni de dessin peint sous le cockpit. Le lieutenant Digges et certains membres de son équipage sont revenus après guerre sur les lieux. Ils confirmèrent que l'avion était pour eux le ''Shady Lady" (Belle ombrageuse) mais que ce nom n'était pas encore peint. En effet ce bombardier venait de leur être attribué. Il en était à sa seconde (et dernière) mission de combat. Aucun artiste n'avait encore eut le temps de le nommer comme le souhaitait l'équipage. Il est vrai que les préoccupations du moment étaient autres. Le nom ''Shady Lady'' est retrouvé sur plusieurs appareils du même type dont un qui termina sur le sol Italien, avec pour simple différence un marquage numérique différent. Les Archives américaines ont enregistré le crash de ce B- 24 immatriculé 42-94927 avec également le dessin peint qui y figurait auparavant sous le nom de "Sweet Job !", sur lequel on peut voir une femme entre "Sweet" et "Job". C'est pourquoi dans cette page, nous produisons ce document comme nous l'avons retrouvé.

Equipage (493rd BG, 860th BS) :

- (Pilote) 2nd Lt. Thomas I. "Tommy" DIGGES (matricule O-795713), évadé.
né le 22 mars 1920. Enrôlé à Washington (District de Columbia).
Rejoint le maquis en Charente. De retour en Angleterre le 6 août 1944.
Décédé fin 2012, fait un peu avant Chevalier de la Légion d'Honeur par le Président Nicolas Sarkozy.

- (Co-Pilote) 2nd Lt. Harold W. BOLIN (matricule O-816217), évadé.
né le 2 juin 1924 à Bicknell (Indiana) où il résidait en 1944. Enrôlé à Lafayette (Indiana).
De retour en Angleterre le 16 août 1944.
Décédé le 25 août 2018.

- (Navigateur) 2nd Lt. Bernard Burton "Barney" KOLLER (matricule O-702449), évadé.
né le 19 décembre 1920 à Roseburg (Oregon). Enrôlé à Salt Lake City (Utah)
Décédé le 4 septembre 1978.

- (Bombardier) 2nd Lt. Kester D. KING (matricule O-695503), évadé.
né le 23 février 1918 à La Porte (Indiana). Enrôlé à Chicago (Illinois). Résidait à Stark (Indiana).
Décédé en 1983.

- (Opérateur radio) T/Sgt. Ronald Westler REED (matricule 37656322), évadé
né le 2 octobre 1923 à Ringsted (Iowa) où il résidait en 1944. Enrôlé à Camp Dodge (Iowa).
De retour en Angleterre le 16 août 1944.
Décédé le 4 juillet 2002.

- (Mécanicien) T/Sgt. Carmine Thomas FISCHETTI (matricule 32429061), évadé.
né le 28 septembre 1920 à Brooklyn (New York). Enrôlé à Fort Devens, Massachusetts.
Résidait 428 third street à Brooklyn (New York)
Décédé le 1er août 1988.

- (Mitrailleur ventral) S/Sgt. Anthony Angelo "Tony" CAVESTRI (matricule 39129568), évadé.
né le 29 décembre (ou novembre) 1923 à Pleasanton (Californie).
Décédé le 11 novembre 2013.

- (Mitrailleur avant) Sgt. Homer Lee "Smitty" SMITH (matricule 18161971), blessé et prisonnier.
Gravement blessé à l'épaule.

Stalag Luft 4, Gross-Tychow (auparavant Heydekrug), Pomeranie, Prusse 
(fut déplacé à Wobbelin Bei Ludwigslust puis à Usedom Bei Savenmunde).
né le 26 mars 1923. Enrôlé à Tulsa (Oklahoma). Résidait dans le Comté d'Ottawa (Oklahoma).
Décédé le 15 avril 1974.

-(Mitrailleur supérieur) Sgt. Jack Roger ALLEN (matricule 16089294), prisonnier puis tué.
né le 11 juin 1921. Enrôlé à Newark (New Jersey). Résidait à Passaic (New Jersey).
Tué le 21 juin 1944, à l'âge de 23 ans.

- (Mitrailleur de queue) Sgt. Thomas Senan McINERNEY (matricule 16119130), évadé puis prisonnier.
Camp de prisonnier inconnu.
né le 21 septembre 1921. Enrôlé à Jackson (Michigan) où il résidait.
Décédé le 25 avril 2012.


De gauche à droite : 2nd Lt T.I. Digges, 2nd Lt B.B. Koller, 2nd Lt H.W. Bolin, 2nd Lt K.D. King 

L'HISTOIRE

Lanrelas (Côtes du Nord), le jeudi 8 juin 1944 : chute d'un B-24 Liberator au village de la "Bodinais" appartenant au 493th Bomber Group/860th Bomber Squadron (8th USAAF).

Très tôt ce matin, dans un brouillard intense, sur la base aérienne RAF Debach, près d'Ipswich, dans le Comté de Suffolk, en Angleterre (135 km au nord-est de Londres), les responsables de l'équipage 943 sont convoqués par leur hiérarchie à un briefing pour une mission de bombardement sur le territoire Français occupé. Nous sommes à J+2 de l'opération Overlord et l’intensité des combats est à son comble. Il faut à tout prix soutenir les forces terrestres engagées sur le sol Normand. A cette réunion participe le 2nd Lt Thomas Digges, appelé ''Tomy ''par ses amis, auquel se joint son copilote, le 2nd Lt Harold W. Bolin. Puis il y a le navigateur, en la personne du 2nd Lt Bernard B. Koller, appelé par ses amis ''Barney''. Le bombardier est le 2nd Lt Kester D. King. Le radio est le Sergeant Ronald W. Reed appelé ''Ronnie''. Ces 5 membres d'équipage reçoivent la mission de bombarder, tôt ce matin du 8 juin, un pont principal enjambant la Loire près de Nantes. Il faut absolument empêcher les forces Allemandes, stationnant au sud de cette région, de remonter hommes et matériels vers la ligne de front qui s'établit lentement en Normandie. Le B-24 du 2nd Lt Digges doit venir se joindre en vol à 14 autres bombardiers de la même unité qui rejoindrons d’autres avions décollant d’autres bases. Au total, 42 Consolidated B-24 Liberator et 25 Boeing B-17 Flying Fortress participerons à cette mission larguant 94 tonnes de bombes. Les dégâts serons importants et la mission atteinte. A ces membres d’équipage vont venir se joindre le mécanicien, le Sergeant Carmine T. Fischetti, que ses amis surnomment "Tom". Le mitrailleur ventral est le Sergeant Anthony A. Cavestry, surnommé "Tony". Le mitrailleur de queue est le Sergeant Thomas Senan McInerney, lui aussi surnommé "Tom". Les mitrailleurs avant et supérieur sont respectivement les Sergeant Homer L. Smith et Jack Roger AllenTous ces hommes ont reçu une formation accélérée au cours de leurs entraînements aux USA, les besoins de la guerre se faisant sentir.


La base RAF Debach en avril 1946.
Photo Royal Ordinance Survey. Annotations sur la photo de Roger A. Freeman, Aérodromes d'hier et d'aujourd'hui, 1978.

Le 860th Bomb Squadron a vu le jour le 14 septembre 1943 (il sera dissous le 28 août 1945). Il rejoint la Grande Bretagne le 1er janvier 1944 sur une base provisoire. Il devient opérationnel le 17 avril 1944 lorsqu’il se pose définitivement sur la base RAF Debach. Il y a 48 heures, le Lieutenant Digges et son équipage ont accompli leur première mission de bombardement dans le cadre de la gigantesque Opération Overlord, dans le ciel de Normandie, qui a consisté à arroser de bombes les défenses côtières allemandes. C’est au cours de cette mission que le mitrailleur arrière, le sergent Moe, attrapera une pneumonie qui lui interdit la mission de ce jour sur Nantes. Il est remplacé par le Sergent Jack Allen, qui sera le seul tué de la mission du 8 juin.

Il est environ 6 heures 30 et tout l’équipage est au complet au pied du bombardier qui, contrairement à d’autres avions, ne porte pas sur son fuselage avant de dessin ("nose art") permettant son identification par ses hommes. Le lieutenant Digges, quelques années après, lors d’une visite en France confirmera bien que son B-24 avait un nom, mais qu’il n’était pas encore peint sur son fuselage avant. Il précisera que son avion s’appelait "Shady Lady" et non "Sweet Job". 


Le 2nd Lt Thomas DIGGES

Les dernières consignes données, c’est l’heure de rentrer dans l’avion et d’occuper son poste. Préalablement, l’effervescence régnait autour de l’avion. Les artificiers ont rempli la soute à bombes. Les munitions ont été mises en place aux différents postes de tir, 1 200 cartouches par mitrailleuse soit un total de 12 000 cartouches. Les personnels au sol, chacun suivant sa spécialité, se sont affairés à la préparation du vol et à la maintenance des appareils de bord, non bien sûr sans approvisionner les énormes réservoirs à carburant alimentant les 4 moteurs. Les ordres de la tour de contrôle arrivent dans les écouteurs des pilotes qui donnent leurs dernières consignes à l’équipage tout en mettant en marche les puissants moteurs. Le bombardier vient se positionner dans la file d’attente. Au point fixe, l’avion vibre de toute sa puissance. Le Lieutenant Digges active les manettes et lâche les freins. Le B-24 se libère petit à petit du sol après avoir parcouru les trois quarts de la piste. Le brouillard qui enveloppe la base ne se dissipe pas en ce début de journée. Tout le pilotage de l’avion se fait aux instruments de bord. Le regroupement prévu doit se faire au-dessus de la mer. Malgré les efforts des pilotes du 860th BS, le regroupement au-dessus de la Manche ne peut être réalisé ; seul l’équipage 943 du Lieutenant Digges se joint à un autre groupe. Les 14 autres avions dispersés un peu partout reçoivent l’ordre de rentrer à leur base. En milieu de Manche, les équipages voient arriver sur leurs flancs les chasseurs d’escorte chargés d’assurer leur protection. La traversée se passe sans incident. Ce n’est pas la même chose quand toute cette armada aérienne approche les côtes Nord de la Bretagne. La défense antiaérienne ennemie se déchaîne. Les tirs sont trop courts, heureusement, et les obus reconnaissables à leurs petits panaches noirs éclatent bien en dessous. En vue de Nantes, l’ordre a été donné à tous les équipages de réduire quelque peu l’altitude et de se préparer au largage des bombes. A une altitude réduite, la formation d'avions sera plus vulnérable.

 

Il est un peu plus de 8 heures 30 quand la formation arrive en vue de la cible. Les nombreux postes de FlaK (DCA) se déchaînent et visent les avions américains. Des nuages de fumée noire intense, dus aux explosions des obus, envahissent l’espace aérien. Le B-24 a ouvert sa soute à bombes. Soudain des obus touchent sévèrement un des moteurs qui s’arrête immédiatement. Puis c’est un deuxième. Des éclats traversent la carlingue blessant légèrement 5 membres de l’équipage. Malheureusement, le sergent Smith, mitrailleur avant, est sévèrement touché à l’épaule droite. Il saigne abondamment. Immédiatement le lieutenant Koller se porte à son secours et tente de freiner l’hémorragie tandis que le pilote maintient son avion au sein de la formation, malgré les problèmes. Hélas un troisième moteur donne des signes de fatigue. L’avion passe juste au-dessus de la cible. Le lieutenant King manœuvre la poignée de largage, sans succès. Rien ne se passe. La cargaison reste à bord. Le lieutenant s’empresse d’appuyer sur le circuit de secours, toujours sans résultat. Le système à sans doute été endommagé par un obus. Immédiatement, le pilote décide de décrocher de la formation et de prendre rapidement le chemin de retour le plus court. Très vite il s’aperçoit que son B-24 perd de l’altitude (130 mètres par minute) dû au manque de puissance du dernier moteur valide et aussi au poids de la charge non larguée. Le sergent Reed, par radio, tente de joindre les autres appareils pour une protection. Personne ne répond à ses appels. Le pilote et le copilote tentent de calculer les chances de ramener l’appareil à sa base ou du moins de s’approcher des Côtes Anglaises dans l’espoir d’amerrir pour ensuite être récupérés par la Royal Navy. Pour réduire la descente une tentative d’éjection manuelle des bombes est entreprise.


A gauche : à l'emplacement de ce poteau electrique s'élevait en 1944 la maison de la Ville Gaston où Mme Marguerite Le Derff s'était réfugiée
pour fuir Rennes.Le B-24 évacuant ses bombes avant sa chute en laissa une tomber sur la maison malencontreusemen
à cet endroit tuant cette pauvre femme et pulvérisant sa maison. Aujourd'hui ce lieu n'existe plus sur les cartes.
A droite : cratère de bombe toujours visible.

Le lieutenant King et le sergent Cavestri se glissent dans la soute et en équilibre au-dessus du vide, sur les deux poutrelles métalliques, attendent l’ordre du Lieutenant Digges pour les évacuer manuellement. Le pilote s'efforce de trouver un lieu où les projectiles ne toucheront pas de zone d'habitation. L'ordre est donné, relayé par le lieutenant Koller. Les bombes, une à une et rapidement, tombent au sol. Les trois premières tombent sur la Chapelle-Blanche, entre les hameaux de la Ville-Sicot et du Poirier. Un extrait du livre "Si Médréac m'était conté", de Joseph Verger, raconte : " Denis Leroux , aujourd'hui domicilié à la Forestrais est justement dans les parages. Comme les enfants de son âge, il passe son temps à chercher des nids de merles le long des haies. Loisir absolument gratuit. Le vacarme est assourdissant et tout à coup, un nuage de terre s'abat sur les épaules de Denis épouvanté, qui en est quite ppur la peur ". D'autres bombes tombent sur Guitté et Saint Jouan de l'Isle au lieu dit '' Pont des Arches''. Hélas à La Chapelle Blanche, au lieu dit " La Ville Gaston " l'une d'entre-elles frappera une maison où vivaient une femme et son fils, des réfugiés Rennais. Madame Marguerite Le Derf, née Chomard, sera tuée sur le coup. Son mari, parti pêcher aux Perrières, fut indemne. A cet instant, le bombardier en détresse, est à la verticale du bourg de Médréac, en Ille et Vilaine (35 km au nord-est de Rennes) ; malgré tous les efforts fournis le B-24 ne pourra traverser la Manche.

 


Vue aérienne datant des années 50 du hameau de la Bodinais. Le B-24 tomba à quelques mètres au sud du hameau, dans un champ.

Il est exactement 9 heures. Le Lieutenant Digges se résout à donner l'ordre à tout son équipage de quitter rapidement l'avion tout en respectant un espace de temps entre eux qui permettra de les disperser dans la campagne environnante, les rendant plus difficiles à localiser par l’ennemi. Chaque aviateur s'affaire à enfiler son parachute avec un contrôle réciproque pour vérifier si le parachute du camarade est bien en place et bien fixé. Le sergent Allen est le premier à se jeter dans le vide. Il sera suivi du mitrailleur McInerney. A Médréac, du clocher de l'église, des tireurs allemands se déchaînent sur les deux aviateurs, heureusement sans les toucher. Puis ils quittent le clocher et se dirigent vers la ferme de Coterel, exploitée par la famille Lecorvaisier, pensant que les parachutistes s'y cachent. Anne-Marie et Ernest Lecorvaisier ainsi que leurs 3 enfants Berthe, Ernest et Henri sont menacés et tenus en joue contre le mur de la maison, pendant que les Allemands fouillent la maison et les dépendances ; ils ne trouvent rien. McInerney tombe dans un champ de blé, à l'orée du Bois de Limpéran, derrière la maison des " Hauts Communs ". Il se trouve à l'écart de toute route. Le sergent Allen, quant à lui, atterrit près d'un chemin de campagne amenant à la ferme de '' Coterel '', malheureusement dans une haie épaisse de houx, sur laquelle s'accroche sa toile de parachute. Il restera suspendu à quelques mètres du sol et hélas pour lui, les Allemands venus de Médréac à bord de véhicules automobiles, qui venaient de fouiller la ferme des Lecorvaisier, l’arrêtent immédiatement. Le Sergeant McInerney se fraye un passage dans le blé, prenant soin de relever les tiges pour dissimuler sa trajectoire. Il n'a pas oublié de récupérer son parachute pour le cacher dans un sillon. Celui-ci restera caché jusqu'à la libération puis servira à recouvrir le dais lors des processions lors de la Fête-Dieu. Arrivé dans un chemin, un homme et un adolescent lui font signe de la main, le priant de venir vers eux. Il s'exécute et se retrouve dans la petite ferme de cet agriculteur Monsieur Albert Leforestier, qui vit avec sa soeur Angèle et leur neveu Roger âgé de 15 ans. Ce dernier lui procure aussitôt des vêtements civils, un béret noir et des chaussures, trop petites ! McInerney se change rapidement pendant qu'Angèle Leforestier lui prépare des galettes à manger avec du cidre ; Albert, lui, voyant les Allemands s'approcher, cache l'uniforme de l'aviateur dans un sac à engrais, sous le lit. C'est alors que les Allemands entrent dans la ferme et entreprennent de fouiller les lieux. Un allemand arrive dans la cuisine, trouvant cet homme à table. Il lui demande " Parachutiste ? Où est parachutiste ? ". " Pas de parachutiste ", répond Albert. L’Allemand hausse les épaules et repart aussitôt. Les Allemands repartent rapidement. C'est un " ouf " de soulagement qui va entraîner McInerney vers une autre cachette dans un grenier au-dessus de la soue à cochons. McInerney, par la suite, sera caché dans des bois environnants ou ira aux champs avec Albert. Après quelques jours, il souhaitera partir à pied et demandera à Albert Leforestier la direction de Dol-de-Bretagne, pensant rejoindre les troupes américaines en Normandie. Il sera arrêté par l’ennemi dans la région de Dinard (voir un peu après son témoignage reccueilli en 1995). Le B-24 continue son dernier vol, avec toujours aux commandes le Lieutenant Digges. L'avion vient de survoler La Chapelle Blanche puis Saint Jouan de l'Isle et prend la direction de Plumaugat. L'ordre est donné aux aviateurs Bolin,Fischetti et Koler de sauter, ordre qu'ils exécutent immédiatement.


Le 2nd Lt Harold BOLIN

Le 2nd Lieutenant Bolin atterrira près du village de " la Bichetiére " et sera caché à la ferme de Saint Maleu, toute proche, Le Sergeant Fischetti tombera près du lieu dit '' La Thézelais ''. Ces deux villages sont situés au nord-nord-est de Plumaugat. Le 2nd Lieutenant Barney Koller aura très peur lors de sa descente en parachute. En effet, il verra son bombardier faire demi-tour et revenir sur lui. L'avion, heureusement, tombera au sol bien avant et à une distance le mettant hors d'atteinte. A bord de l'avion le Sergeant Smith, blessé, est aidé par le Sergeant Reed. Ils vont sauter ensemble. Le lieutenant Digges conseille à Smith de se rendre dès son arrivée au sol vu ses blessures. Les deux hommes atterrissent au village de " l'Heume ", au nord de Lanrelas. Reed s'affaire à enlever le harnais de son parachute quand ils voient une fermière se diriger vers eux. Arrivés dans la cour de la ferme, et sachant son camarade en lieu sûr, le Sergeant Reed prend congé de son ami et part bien vite se cacher. La fermière, Madame Menard, prend soin du blessé et l'installe confortablement chez elle. Les Allemands, en alerte, ne tardent pas à récupérer leur deuxième prisonnier. Le 2nd Lieutenant King et le Sergeant Cavestri se jettent à leur tour dans le vide. Pour Cavestri, l'arrivée est particulièrement brutale car il arrive dans la ferme de Monsieur François Gervaise (qui assiste à cette scène) au village de " Guillerien ". Son parachute s'accrochant au toit d'une grange, le plaquant violemment contre le mur où il s’assomme. Le fermier prend son échelle et escalade rapidement les barreaux pour venir en aide à l'aviateur. Cavestri quitte sa position délicate après avoir repris conscience. Le parachute est vite caché par l’agriculteur. Le 2nd Lieutenant King, quant à lui, atterrit au bord d'un champ à environ 800 m de son camarade. Le 2nd Lieutenant Digges est désormais seul à bord. Lui aussi pense à s'éjecter car le temps presse. Il quitte son avion se jetant à son tour dans le vide. Le bombardier amorce un grand virage sur sa droite, survolant les villages de la " Vieux ville ", " Beaumont ", " Clin Julien ", " Le pont du Breuil ", " Queloscoet " pour venir s'écraser en bordure d'une route entre les villages du " Châtel " et de la " Bodinais ". Il est 9 heures 30. Des résistants récupèrent les aviateurs Bolin, Fischetti et Reed et s'empressent de les cacher dans un grand bois près de Plumaugat. Hélas une personne peu discrète, dévoile l’existence des Américains et il est urgent d’évacuer vers une autre cachette ces amis venus du ciel. Le 10 juin, à 4 heures du matin, les résistants, Messieurs Crespel, Gardon et Guinde réveillent les trois aviateurs qui semblent très inquiets de ce réveil matinal. Bolin, qui comprend et parle un peu Français, rassure ses compagnons et tous ensemble prennent la direction du village de " Bénin " où ils seront accueillis chez Madame JanetLeur cachette sera un abri creusé au fond du jardin.


Le 2nd Lt Harold W. BOLIN, le T/Sgt Ronald Westler REED et le T/Sgt Carmine T. FISCHETTI cachés au village de Bénin.

 
Le 2nd Lt Harold W. BOLIN, le T/Sgt Ronald Westler REED et le T/Sgt Carmine T. FISCHETTI habillés en civil sur la photo de droite.
Photos prises par Carmine T. Fischetti, issues de son rapport d'évasion

 
BOLIN, REED et FISCHETTI avec la famille JANET
Photos prises par Carmine T. Fischetti, issues de son rapport d'évasion


La maison de Madame JANET au village de " Bénin " en Plumaugat
Photo prises par Carmine T. Fischetti, issues de son rapport d'évasion

  
Madame Veuve JANET et un de ses fils, Henri JANET
Photos prises par Carmine T. Fischetti, issues de son rapport d'évasion

  
              Carmine T. FISCHETTI et André JANET                                     Mme veuve JANET, Marguerite une voisine, André JANET,
                                                                                                                          Henri JANET et devant, à droite, Marie JANET, la femme d'Henri
                                                                                                                qui tient la main de sa petite fille
Photos prises par Carmine T. Fischetti, issues de son rapport d'évasion

​​​​​​Le lieutenant Digges, accompagné de King et Cavestri, se retrouvent au "Moulin de Carcafa". Le meunier, Monsieur Craboulet, les cache et les nourrit pendant quelques jours ; mais le moulin est petit et ce dernier craint pour sa famille. Monsieur Desmiers, de Ligouyer, est contacté. Il habite le château de la Bruyère à Saint-Launeuc. Il accepte de prendre en charge les trois Américains. En face de son château, le grand bois sera propice à les cacher. Une toile de tente est plantée dans un trou creusé parmi les arbres. Les voici en sécurité. Les trois enfants de la maison sont tenus à l'écart de ce qui se passe. Madame Desmiers prépare les repas pour tout le monde, y compris pour les ''Invités" ; toutefois le second fils de la maison trouve étrange les nouvelles habitudes de ses parents et un jour il vérifie le contenu du panier. Sa mère le surprend et appelle son mari qui demande à son fils d'oublier ce qu'il a vu et de promettre de n'en parler à personne et que plus tard il lui expliquerait. Le secret sera bien gardé.


Le château de La Bruyère à Saint-Launeuc (Côtes-d'Armor), où furent cachés en juin 1944 les aviateurs Digges, King et Cavestri.
Ce château est aujourd'hui inscrit sur la liste des monuments historiques.

Photo Thérèse Gaigé via Wikipédia - (crédit photo selon Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International).

Quelques jours plus tard la Résistance viendra récupérer les trois aviateurs et les dirigera vers le maquis de Bourgneuf. Ils y resteront jusqu'à l'arrivée des troupes Américaines qui se dirigent sur Brest début août 1944. Toutefois, pendant leur séjour dans la région, les aviateurs Américains pourront rencontrer leurs camarades cachés en d’autres lieux. Une entrevue organisée par la résistance locale aura lieu près de l'étang des Loziers. Le 2nd Lieutenant Koller restera seul après son atterrissage sur le sol de France. Il réussira à changer de vêtements, aidé par des fermiers courageux. Il prendra la direction du sud. Après des jours et des jours de marche, il se retrouvera en Dordogne où il sera recueilli par les hommes d'un maquis. Incorporé au sein de cette troupe, il fera plusieurs fois le coup de feu contre l’occupant. Une nuit, un avion venu d'Angleterre en mission se posera et le prendra à son bord avec plusieurs autres soldats des Forces Alliées évadés sur le sol Français.

Quant au Sergeant Allen, son histoire sera hélas dramatique. Prisonnier des allemands, il est à bord d'un camion sur une route qui le conduit vers un Stalag en Allemagne quand un groupe de 6 Spitifire se ruent sur le camion. Allen est tué sur le coup. Les Sergeant Smith et McInerney se retrouveront prisonniers dans le même Stalag Luft (camp de prisonnier pour aviateurs) d’où ils ne reviendront qu’après la fin de la guerre.

TEMOIGNAGES

♦ Monsieur Crespel, de Plumaugat, Résistant pendant la Seconde Guerre Mondiale.
"Lorsque l'avion s'écrasa, nous étions au village de "Queloscouet" à écouter la radio de Londres, dans l'attente d'un parachutage de matériels qui était prévu pour les jours suivants. Les aviateurs avaient sauté car nous avions été prévenus de venir voir ce qui se passait prés de nous. Nous voyions leurs parachutes blancs ouverts, dispersés dans le ciel. L’avion venait de Plumaugat et passa aussi sur Lanrelas. Il perdait beaucoup d’altitude. Arrivé au dessus du pont du Breuil, il fit demi tour pour venir ensuite s'écraser au village de la "Bodinais". Suite à cet événement, nous sommes revenus sur Plumaugat en récupérant au passage un aviateur qui avait attéri au village de "l'Heume". Par la suite, avec Louis Gallais, Gardon et Guinde, nous avons récupéré deux autres membres de cet équipage, Fischetti et Bolin. Le premier avait attéri au sud du village de la "Thézelais" (endroit du terrain des sports actuel), Bolin avait trouvé refuge dans une ferme à "Saint-Maleu". Nous leur fîmes une cache dans le bois de Plumaugat. Hélas, le soir même, nous apprenions que beaucoup de gens de la région connaissaient la cachette des Américains. Nous décidâmes de leur trouver une nouvelle cache plus sure. Madame Janet, qui tenait un café au village de "Bénin", accepta de prendre en charge nos trois ''colis''. Près de son café, dans un champ, elle avait fait construire bien avant un abri en prévision d'éventuels bombardements. Elle y dissimula les trois aviateurs. Pour faire ce changement de cache, Gardon, Guinde et moi étions allés les chercher vers 4 heures du matin. Quelle ne fut pas leur surprise de nous voir venir les réveiller à cette heure. Que pouvaient ils penser ? Fischetti parlait un peu Français. Il rassura ses compagnons et leur expliqua qu'ils devaient partir pour un autre endroit. Reed avait une cheville foulée. Il fallut le porter à dos d’homme. Chacun notre tour. Puis ce fut mon tour. Seul Bolin, officier et copilote, ne l'avait pas encore porté. Après un moment, je fis arrêter le groupe et expliquait à Bolin que maintenant, c'était son tour ; officier ou pas, nous étions tous dans la même galère. Nous avons traversé la Rance dans cinquante centimètres d'eau et enfin nous sommes arrivés à "Bénin". Par la suite nous nous sommes arrangés à faire visiter le pays à nos aviateurs, en vélo et un seul à la fois. Ainsi ils purent découvrir la région et voir aussi les restes de leur avion. Un dimanche, le frère Janet a emmené les trois américains en même temps à une fête près de Saint-Méen-le-Grand. Cette sortie avait failli mal se terminer car la gendarmerie arriva dans la foule pour réquisitionner des hommes pour un déchargement pour le compte des Allemands. Plus tard nous avons eu connaissance de trois aviateurs de cet équipage cachés par le maquis de Bougueneuf. Nous avons décidé de faire se rencontrer les six aviateurs pour que cela les aide ; ils se retrouvèrent dans la joie à l'étang des Loziers puis chaque groupe repartit vers sa cache habituelle. Il restèrent chez nous jusqu'à l'arrivée de nos Libérateurs."

♦ Monsieur Michel Crespel, 9 ans à l'époque (témoignage de novembre 2013).
"Mes souvenirs du crash sont entiers. Je suis allé sur l’impact tres rapidement et je me souviens que des balles de gros calibre explosaient autour de nous, sans nous effrayer ; j’avais neuf ans. Pour la suite c’est plus diffus. Je n’étais pas dans la confidence des “aviateurs” cachés. Ce n’est qu’à la fin de leur séjour que nous, les enfants, les avons rencontrés. Ils étaient tous les trois habillés de costumes coupés dans un même tissu, lequel avait été dérobé aux allemands à St Meen le Grand."

Photos prises par Carmine T. Fischetti, issues de son rapport d'évasion


Maisons du village de la "Chapelle Bénin"

  
Madame Gardon avec les trois américains                                        Fischetti (derrière au centre), Monsieur Gardon (à droite)
                                                                                                        devant : le fils de M. Guinde et à droite Mme Crespel



Devant au centre, Madame Gardon et Monsieur Gardon


Devant à gauche, Madame Guinde et complètement à droite Monsieur Gardon (avec la casquette)


De gauche à droite : le fils de M. Guinde, M. Guinde, M. Crespel et son fils


Le 2nd Lt Harold W. BOLIN, le T/Sgt Ronald Westler REED et le T/Sgt Carmine T. FISCHETTI devant
et à l'arrière plan de gauche à droite Mme Guinde, Marie Janet et son bébé, Mme Veuve Janet et Mme Crespel


Mademoiselle Marguerite Biou, amie de Madame Janet


Les familles font le "V" de la victoiret


Melles Marie Hazard et Gibauvet, de Plumaugat, amies de Mme Janet

♦ Sergeant Thomas Senan McInerney réalisé le 3 décembre 1995 suite à une demande de Madame Digges, épouse du pilote du B-24, le 2nd Lt Thomas I. Digges.

Dans ses premières lignes, le Sergeant relate le retour de la mission du 7 juin 1944 au dessus des Côtes Normandes : " Il y avait des chasseurs tout autour de nous, je m'aperçus qu'un Focke-Wulf [avion de chasse Allemand] nous avait suivi au dessus de la Manche, sur la route du retour vers notre base. Nos P-47 d'accompagnement s'en aperçurent et se mirent à tournoyer autour de lui. Il fut encerclé. Tous ces avions se ressemblaient et avaient un peu la même silhouette. On entendit des tirs. Les balles traçantes parcouraient le ciel, mais on ne vit pas la suite car notre base était en vue. Je fus très heureux de poser mon sac à terre. Après un court sommeil, on nous appela pour un nouveau briefing dans la fin de nuit. On nous désigna notre cible, un pont de Nantes. Notre officier de renseignements était originaire, comme moi de Jackson, dans le Michigan. Avant la guerre il était chargé des informations à la radio WIBM. Il nous dit : '' dans le secteur que vous devez bombarder aujourd'hui, vous allez rencontrer des chasseurs mais pas de DCA [Défense Contre Avions] ". Il s'avéra que ce fut tout le contraire arrivé sur Nantes puisque la DCA touchera le bombardier au nez, à la queue et sur le milieu de la carlingue, et aux moteurs 1, 3 et 4. Il y avait des obus tout autour de nous mais pas un seul chasseur ne fut aperçu sur la cible. Au cours du briefing, il dit que les Français étaient proches des Allemands alors si vous arrivez au sol, ne les croyez pas. Quand cela nous arriva quelques heures plus tard nous avons tous pensé à ce qu'il nous avait dit et nous étions tristes. Après le briefing, nous n'avions pas le temps d'aller au mess, alors juste avant de décoller on nous donna des sandwiches et des canettes de jus de fruits sur la piste d'envol. J'ai rêvé de ces sandwiches maintes fois durant mon année de faim. Il ont du brûler avec mon colt 45 dans la carlingue du ''Shady Lady'' car je ne les ai jamais revus après le décollage.


Le 24 juin 1995, le Sergeant McInerney (à droite sur la photo) et le 2nd Lieutenant Digges (au centre) sont revenus à Médréac pour le 50e
anniversaire de la fin de la guerre, ici en présence du Maire de Médréac, Jean-Claude Omnès, et de Rémi Boulanger, président de l'UNC
Médréac (derrière McInerney). A cette occasion, le Maire remit la médaille d'honneur de la commune à Digges, McInerney mais aussi Roger Leforestier.

Nous décollâmes et montâmes en altitude et traversâmes la couche nuageuse à 12 000, 13 000 pieds (3 600, 3 900 m). Nous cherchions les appareils de notre groupe mais pas un ne fut trouvé. Comme nous ne voulions pas annuler notre mission, on continua à les chercher. Nous avons alors rejoint un autre groupe et arrivâmes sur notre objectif : un pont de Nantes. Nous fîmes peu de mal à ce pont car nos bombes ne le touchèrent pas. En arrivant sur l'objectif, la DCA était si dense que l'on avait l'impression de marcher dessus. Nous avions à bord des paquets de ''Chaff'' [rubans métalliques antiradar] qui, une fois lancés, se divisaient en centaines de pièces, comme des stalactites d'arbres de Noël, pour simuler des avions sur les radars Allemands ; apparemment, les artilleurs allemands ne croyaient pas en Noël..... Nous fûmes touchés. Cela résonna comme du gravier de route sur un toit galvanisé et nous fûmes tous secoués sur place. '' Touché, touché " cria Smitty [Homer Lee Smith] avec angoisse dans l'interphone. Comme on le sut plus tard, 5 d’entre nous furent blessés. Smitty était blessé dans le cou et à une épaule, il s'écoula plusieurs semaines avant que l'on ne lui trouve un traitement médical approprié. A bord de notre bombardier, il y avait de la cacophonie, le pilote Tom Digges appelait tout le monde pour confirmation des dommages. Nous perdions de l'altitude et Tom Digges nous dit de mettre nos parachutes juste au cas où nous devrions quitter l'avion. J'avais sur moi mon colt 45 que j'avais oublié de rendre avant le décollage. Je le déposai prés de ma mitrailleuse calibre 50 et ensuite je vérifiai si ma Mae West était bien positionnée sur moi. Ensuite, je mis mon parachute Ventral.


En 1994, le Sergeant Cavestri revint à Lanrelas et retrouva la relique du Colt 45 du Sergeant McInerney.

Digges appuya sur l'interphone et dit '' je ne peux pas maintenir ce fils de p..... en vol ''. Sur ce, je me rendis à la tourelle de queue et dis à Jack Allen de mettre son parachute et de me laisser sa place. Jack avait été désigné pour venir remplacer à la dernière minute Harold Moe qui était hospitalisé pour pneumonie. Après m'avoir serré la main, il se rendit vers la trappe arrière où une caméra était installée. Ensuite je vins aider Cavestri à sortir de la tourelle ventrale. La tourelle ventrale était bloquée électriquement, mais on pouvait la manœuvrer manuellement sans aucun problème. Tony me dit qu'il se dirigeait vers l'avant pour aider à larguer les bombes une par une, aidé de King [Kester King], notre bombardier. C'est alors que je me rendis compte que ma jambe droite avait été touchée par un éclat d'obus. Le sang coulait au travers de mon vêtement au dessus du tibia ; je plaçai une compresse sur la plaie, puis retournai vers l’arrière pour récupérer ma trousse de secours et mon équipement. J'en profitai pour enlever mes bottes de vol et mis mes chaussures de l'armée. Avant de quitter l'avion, je fis mon signe de croix et sautai par la trappe arrière. Allen venait juste de me précéder. Je devais compter jusqu'à dix, mais je dus cesser le décompte car j'entendis des coups de feu tirés du sol. Je crois que j'étais à 1200-1400 pieds (environ 390 mètres). Je tirai aussitôt la poignée de mon parachute mais comme mon bras était en extension maximale, ma main s'ouvrit en grand et la poignée tomba. J'eus des regrets car je souhaitais la garder avec moi en souvenir. Quand le parachute s'ouvrit, mes sangles d'entrejambes remontèrent tout mon organisme vers le haut. Je le ressentis même au niveau de ma thyroïde. Je me balançai longuement environ quatre fois pour atterrir dans un champ de céréales, juste au pied d'un arbre fruitier. Aussitôt je ramassai mes suspentes et mon parachute, enlevai mon gilet de sauvetage pour cacher le tout dans un endroit discret prés de cet arbre. Je pris des grains pour cacher l'endroit de ma chute et remis droit les tiges pour effacer mon passage dans ce champ. Ce fut alors que j'entendis le fermier crier '' allons, allons, beaucoup d'Allemands par ici ''. Ce fermier me fit signe fébrilement. Je marchai environ 30 mètres en me dépêchant de rejoindre cette ferme. Tandis que je me dépêchai dans le chemin, un garçon âgé d'environ 5 à 6 ans me tendit mon casque qui était tombé dans le sillage de notre avion. C'était pour moi un réconfort d'arriver dans cette ferme, je rendis le casque à cet enfant en lui disant de la garder pour lui en souvenir mais en prenant soin de le cacher immédiatement. Je demandai à retirer immédiatement mon uniforme. Il était 9 heures 15 soit 15 minutes de saut. On me donna une crêpe dans une main et un verre de cidre dans l'autre. Boisson que je découvrais. Tout alla très vite. A peine changé et habillé dans les vêtements de cet agriculteur et assis à sa table, un bonnet bleu marine enfoncé sur la tête, surgit un allemand essoufflé qui demanda ''parachutiste'' ; baissant la tête je répondis ''non parachutiste''.


Toujours en 1994, le Sergeant Cavestri (à gauche) et Thomas Digges (au centre) sur les lieux du crash à la Bodfinais en Lanrelas..

Il claqua la porte en sortant et dit " merci beaucoup ". Le fermier me dit " n'ayez pas de contacts ou vous serez probablement dénoncé ". Aussitôt je décidai de quitter les lieux, car c'était risqué pour ce fermier et sa famille. Je démarrai mon évasion en prenant sur ma boussole la direction du nord. Une heure après être parti, je rencontrai un homme d'environ 18 ans. Ses yeux et sa tête me dirent qu'il savait que je n'étais pas du coin. Il ne me fit pas d'approche amicale. Rien de plus, même pas un salut de la tête et je continuai à marcher sur le long chemin du nord. J'avais le sentiment que ses yeux me suivaient jusqu'à ce que je ne sois plus visible. Je me posai des questions à son sujet. Pourquoi n'était-il pas en uniforme à son âge ? Ce n'était pas lui qui m'aurait orienté vers un maquis. Je continuai à marcher et arrivai dans un carrefour avec des panneaux routiers. Je me rendis compte que j'étais perdu. Après avoir marché quelques kilomètres de plus, je sortis mon kit d'évasion [photo ci-dessous].

Kit d evasion usaaf

Je fis une pause et en profitai pour manger quelques sucres. Je retrouvai deux compas (boussoles) dans ce kit. Je me sentis rassuré car je fus bien en direction du nord. Après avoir marché longuement, j'arrivai dans un village avec une grande place en herbe, entourée de plusieurs maisons, mais pas d'église ni de boutique. Au bout de la place, un robinet avec un tuyau pour arroser. Je l'ouvris et bus pour étancher ma soif. Il n'y avait personne autour de moi. Je continuai mon chemin dans ce village, quand je vis trois personnes qui conversaient avec d'autres par une fenêtre. Au passage, j'inclinais ma tête et dit '' bonjour ''. Ils inclinèrent la tête et me dirent '' bonjour '' mais sans entamer de conversation. Je continuai toujours ma route vers le nord pensant rejoindre nos lignes. Un peu plus tard, je continuai à marcher et atteignis un autre village, plus important et plus animé. Je fus attiré vers ce qui me semblait être un pub ou un bar. Je l'avais vu de loin et mon estomac Irlandais fit du bruit. La salive me vint aux lèvres. Quel enfer ! J'avais des francs dans ma trousse d'évasion et des dollars ainsi que des livres sterling dans mon portefeuille. Je m’apprêtai à traverser la rue, quand surgit un side-car qui se gara devant ce bar. Je pus apercevoir de dos un officier Allemand dont les bottes étaient bien cirées. Je m'éloignai rapidement. La nuit commença à tomber. Je pensais que les allemands avaient instauré un couvre-feu. Tandis que je longeai un mur long et incurvé, je vis trois jeunes hommes blonds, sanglés dans des uniformes noirs, aussi fiers que des paons, qui occupaient tout le trottoir. J'ai pensé '' ça y est, je suis pris ''. Au dernier moment, le plus proche du bord s'écarta pour me laisser passer sans me toucher.


Vraisemblablement toujours en 1994, le Sergeant Cavestri (à gauche) et Thomas Digges (à droite) lors d'une cérémonie.

Il commença à tomber des gouttes quand je finis de traverser le village. Il faisait de plus en plus noir, la nuit de plus en plus épaisse. Je m’arrêtai à une ferme, mais le fermier ne sembla pas comprendre que je cherchais un abri. Il me dit de continuer. Je marchai jusqu'à un bois de sapins très dense et me mis à dormir dans ma fine couverture sous la protection de mon ange gardien. Je fus réveillé durant la nuit quand la pluie trouva un trou dans ma couverture et atteignit ma peau. Je dormis malgré tout jusqu'à l'aube, mouillé et transi. Comme cette aube se montra très grise, humide et brumeuse, je repartis mais pas directement vers la route pour ne pas être vu. Je marchai en longeant les champs humides sur plusieurs kilomètres. Après une grande courbe, je finis par rejoindre mon chemin, toujours vers le nord. Le soleil était apparu et ses chauds rayons séchaient mes vêtements ; je me disai qu'il y avait sûrement un dieu au paradis pour recevoir une aide si précieuse à ce moment. J'avais sur moi mon dizainier (objet de prières). J'entrepris ces prières après un pater noster et ensuite je rejoignis la route. Ce dizainier venait de la chapelle des Petites sœurs de Sainte Thérèse et me fut donné par ma Mère Mary Doherty McInerney qui avait la foi et croyait dans son vieux pays l'Irlande. Cette foi était au fond d'elle dans les battements de son cœur. Pour utiliser cet anneau de prières, on le place sur l'un de ses indexs et on le fait tourner cran par cran avec un ave pour chaque cran. Le onzième était une médaille de l'Immaculée Conception et le suivant l'image de Sainte Thérèse d'un côté et d'une rose de l'autre. Comme le soleil se levait, une rage de dent me prit. Une molaire me faisait souffrir depuis plusieurs jours. Hélas, pas moyen de se soigner dans cette campagne. Je marchai depuis longtemps et mes pieds me faisaient aussi souffrir. J'avais plusieurs ampoules. Malgré cela je continuai à prier. Cela m'aida beaucoup. Le jour s'installa et je traversai un village avec de belles maisons. Je pris une rue bordée de maison à étages. Comme j'avançai, j’aperçus sur plusieurs portes des soldats Allemands. Il ne firent pas attention à moi car ils étaient avec des filles du coin. Après avoir traversé plusieurs quartiers, je vis que j'étais prés d'un aérodrome. Je vis son entrée un peu plus loin. Je compris que je ne pouvais faire demi-tour sans attirer l'attention. Je continuai donc. La sentinelle leva son fusil pour me barrer la route et balbutia en Français. En retour je fis de même. Il resta perplexe. Baissant les épaules, je pris un air stupide en lui disant '' je travaille '' et je fis demi-tour, me frayant un passage entre la douzaine d'allemands qui étaient dans cette rue. Je repris rapidement la rue principale pour m'éloigner de ce lieu.


Thomas Digges, vraisemblablement en 1994.

Je souffrai en plus de démangeaisons au niveau de l'aine. J'avais sur moi des sachets de lait malté qui me donnèrent de l'énergie. Dans cette zone d'invasion, j'avais espoir de trouver quelqu'un qui m'apporterait son aide malgré tout. J'entrepris une longue route et arrivai à l'approche d'une grande ville où je souhaitai me cacher pour faire une pause car la fatigue me gagnait. Comme il arrive souvent, ce fut une ville comme tant d'autres. Les panneaux routiers indiquaient Dinard, Saint-Malo, Mont-Saint-Michel et Dinan, ville d’où je venais. Il me sembla que les allemands avaient de nombreux points de contrôle. Je fis marche arrière discrètement plusieurs fois pour les éviter. Ensuite je me dirigeai vers une petite baie où un groupe de soldats posait des mines. Je fus rassuré car ils étaient bien occupés. Je ne pus m'éloigner de la route. Il y avait un point de contrôle juste devant moi. Je ne l'avais pas prévu. Il sembla vide de ses gardes, je ne pus me dérober. A 15 mètres devant moi, il y avait une vieille femme. Quand elle arriva à ce barrage, deux soldats sortirent en courant du poste de garde et criaient '' halt ! halt ! ". Ils lui demandèrent ce qu'elle avait dans son panier et vérifièrent ses papiers. Ils me firent signe d'approcher . ''Papier bitte''. Je tremblai. ''Où sont vos papiers ?" "Je les ai perdus il y a deux semaines", leur dis-je. L'un d'eux se tourna vers son supérieur et j'entendis '' Oberfeldwebel " puis d'autres mots en Allemand que je ne comprenai pas. Ce dernier se mit derrière moi et me cria '' marschier !''. Nous nous dirigeâmes vers la baie d’où je vins et là je fus présenté à un gradé. Il me posa quelques questions que je ne compris pas. Un des soldats vit ma chaîne autour du cou et sorti ma médaille de Saint-Christophe et ma plaque d'identité. " Ah ! Pour vous la guerre est terminée " en plantant un doigt dans ma poitrine ; je dis que j'étais un aviateur Américain et que je voulais être traité suivant la Convention de Genève. Il me planta son pistolet profondément dans mon estomac et s'il n'y avait pas eu de témoin, il aurait sans doute appuyé sur la détente. Ils m’emmenèrent à pied, via la ville, vers une batterie d'artillerie, cachée sous les arbres d'un parc. La plupart des habitants de la ville sur mon passage faisaient le " V " de la victoire avec leurs doigts, des clins d’œil et d'autres signes amicaux avec la main. Mais d'autres me crachèrent dessus, et se moquèrent de moi tandis que nous descendions la rue avant d'arriver au parc. On me présenta à un lieutenant. Je m'étais juré de ne pas faire voir ma peur, ils me fouillèrent sévèrement, mon nécessaire d'évasion déclencha un délire tout comme les photos de mon amie. Ma montre bracelet, bien que commune aux USA, les étonna. Ce genre de montre n'était pas encore en vente en Europe. Pendant au moins une heure, j'ai été traité comme une curiosité. Un jeune soldat me tendit un morceau de sa ration de nourriture et me dit '' essen ! '' (manger !) et il me donna aussi une carotte. Je le remerciai en anglais. Plus d'une heure après, je fus transféré en voiture, gardé par 3 soldats armés d'une mitraillette.


Le Sergeant Cavestri (à gauche) et Thomas Digges (à droite)
avec un harnais récupéré en 1944.

J'étais à l’arrière entre deux soldats. Ils me conduisirent vers un aérodrome [Pleurtuit ?] où je subis un interrogatoire musclé. Je fus déshabillé entièrement, puis ils me rendirent mon caleçon. Pour eux, j'étais un espion et en tant que tel, je pouvais être fusillé à leur bon vouloir. C'était une situation très pénible. Dans ce qu'ils me disaient, il y avait des vérités. Je me dis que s'il fallait mourir, ce serait mon choix et qu'en aucun cas je ne ramperai à leurs pieds. Je leur dis mon nom, mon rang et mon matricule. Cela suffisait pour l’application de la Convention de Genève. Ayant besoin d'aller aux toilettes, il me conduisirent à l'extérieur pieds nus, marchant sur des roches pointues, surtout que mes pieds avaient déjà souffert lors de mon périple. Ce fut un déplacement de grande misère. Comme je revenai, ils fouillaient mes vêtements. Chaque couture était ouverte, même mes chaussures qui virent leurs semelles ouvertes. Ils me rendirent mes fringues tel que et me sortirent à l'extérieur où un camion m'attendait. Mes mains furent liées dans le dos par du fil électrique. Ils me firent asseoir sur un plateau face à la route, et m’attachèrent par les poignets à la ridelle du camion. Chaque bosse de la route me tordait les bras et les épaules. Pendant plusieurs heures nous roulâmes ainsi. La pluie se mit à tomber et ce, durant toute la nuit. Comme j'étais complètement trempé, ils mirent une bâche sur moi. Quelques temps après, le camion s’arrêta et ils aidèrent quelqu'un à monter dedans. Il fut protégé de cette pluie par une bâche immédiatement. Un trou dans la route me fit un traumatisme à un bras, je hurlai de douleur tellement il me faisait mal. Quelle ne fut pas ma surprise de reconnaître celui que l'on avait mis au fond du camion. " Tony c'est toi ?. Je suis Homer Lee Smith ". Ces retrouvailles furent un moment heureux. Enfin je n'était plus seul. Nous pouvions discrètement converser. 


Le Sergeant Cavestri (à gauche) et Thomas Digges (à droite)
lors d'une cérémonie.

Le camion roula jusqu'à minuit sous une pluie battante et enfin s’arrêta à un avant poste. Ils firent descendre Smitty. Puis ce fut mon tour. Tous rentrèrent avec Smitty sauf un qui me gardait. Il me détacha de la ridelle mais pas mes poignets. Je ne sais comment je suis arrivé au sol. J'eus le malheur de faire un sourire à mon gardien quand il m'envoya un coup de crosse de fusil au visage, me blessant le nez. Dieu qu'il me fit mal, mais je ne voulus pas lui donner satisfaction de tomber à ses pieds. Ensuite, quand ses camarades me demandèrent ce qu'il m'était arrivé, il répondit lui même que j'étais tombé en sautant. Ils me mirent dans une pièce et ne m'enlevèrent pas mes liens. J'avais du mal à dormir ainsi ligoté. Un français est venu dans la nuit. Il parlait Anglais. Il était alcoolisé. Il me promit de revenir pour me libérer. Je ne l'ai jamais revu. Le lendemain matin, un officier Allemand parlant Anglais s'est approché de moi et me détacha. Je ne sentai plus mes bras. Ils restèrent engourdis pendant des semaines ; 50 ans après j'ai toujours mal à mon épaule droite. Mon nez fut remis en place par un chirurgien en 1946, et la mâchoire quelques années plus tard. Au matin, Smitty et moi quittâmes la région dans deux camions différents. Nous nous sommes éloignés de la côte pour rejoindre par le sud la route qui nous menait à notre captivité. Chaque camion avait une mitrailleuse sur un trépied. Quand un avion se montrait, nous nous arrêtions et la mitrailleuse tirait à tout rompre. Je ne pus m'évader car les gardes étaient proches. Lors des attaques, ils se cachaient dans les fossés en bordure de route. Je dus me joindre à eux. C'était dangereux mais amusant parfois quand un de leurs aviateurs se trompait et leur tirait dessus. Une fois, ils crièrent. Je n'eus pas le temps de sauter hors du camion. Je vins me réfugier sous le poste de la mitrailleuse. Je crus que j'étais touché par les tirs. A la fin de l'attaque, je sortis et je me rendis compte que j'avais été brûlé par les douilles brûlantes des obus tirés par ce camion. Nous sommes passés prés de la ville de Sablé d’où, après une longue route, je rejoignis mon camp de prisonniers en Allemagne.

♦ 2nd Lt Bernard Koller dit "Barney" (rapport d'évasion E&E 1449 daté du 3 septembre 1944).
Koller était le navigateur de la ''Forteresse volante" [si le terme "Forteresse volante" est communément attribué aux Boeing B-17, il le fut également parfois aux Consolidated B-24] qui s'abattit à "La Bodinais" en Lanrelas le 8 juin 1944.

" Couché à 23 heures, je fus réveillé à une heure du matin pour aller manger. Le briefing (instructions) se passa comme d’habitude. Tôt le matin, nous fûment réunis autour du "Shady Lady" [voir tout en haut de cette page l'anecdote relative au nom de l'avion], attendant l'heure de démarrage des moteurs. Une partie du ciel était étoilé, mais le brouillard arrivait vers nous. Comme à l'habitude je vérifiai tout mon équipement, mais aussi ma provision d’oxygène puis ma combinaison de vol et mon gilet anti-éclats de DCA. Nous décollâmes enfin pour grimper lourdement jusqu'à 12 000 pieds (3 600 m). Navigateur de cet équipage, je me mis à rechercher d'autres "Forteresses" déjà parties avant nous en vue de notre regroupement. Je n'en vis pas une seule. Nous tournions sans cesse comme des abeilles autour d'une ruche. Après un temps très long, nous nous accrochâmes à un autre groupe. Puis direction la Manche. Je voyais des centaines d'avions d'un bout à l'autre du ciel en formation immense comme un grand carré. Tout se passa selon les plans jusqu'au moment où nous atteignîmes la cible. Le bombardier poussa la poignée de largage des bombes mais elles ne tombèrent pas. Il pressa aussi le circuit de secours mais sans résultat. Il téléphona aussitôt à notre pilote ,''Tommy'', qui lui indiqua de tirer de nouveau sur ce circuit ; mais impossible, les bombes étaient toujours à bord. "Tommy" me demanda si il y avait d'autres cibles possibles sur le chemin du retour. Je commençai à regarder mes cartes lorsqu'un ''boum'' terrible envahi l’avion. On aurait dit que quelqu'un avait lancé un gros rocher sur des boites de conserves et puis tout à coup dans l'interphone ''je suis touché, je suis touché''. Je regardai le bombardier, ce n'était pas lui qui avait été atteint. Nous perdions de l'altitude. J'ouvris la porte de la tourelle avant et m'aperçus que "Smitty" avait été touché mais j'ignorai la gravité de sa blessure. Il avait du sang d'un côté du visage mais semblait plus effrayé que blessé. Je compris sa frayeur. "Tommy" nous dit de mettre nos parachutes au cas où nous en aurions besoin.

J'essayai d'appeler nos petits frères à l'aide (les autres avions). Le bombardier, le 2nd Lieutenant King, retourna essayer de se débarrasser des bombes. Je pensai que nous ne pourrions pas retraverser la Manche à cause du vent debout et de la distance qui nous séparait de la côte. J'aidai "Smitty" à mettre son parachute et retournai aux trappes de largage pour voir si je pouvais être utile. "Tommy" ordonna alors de sauter. Carmine était sûr que nous pouvions rentrer. C'était "Tommy" qui connaissait le mieux l'état de l'appareil et qui nous avait dit de sauter. Je dis à "Carmino" de se taire et de sauter. Je fus le sixième à quitter l'avion. Quand mon parachute s'ouvrit, je remarquai d'autre parachutes ouverts autour de moi mais à distance. Soudain, je vis le B-24 faire un tour sur la droite et revenir droit vers moi. Je me sentis impuissant. Je pensai que c'était une manière idiote de mourir, écrasé par son propre avion. Le bombardier vira juste devant moi et s'écrasa en une terrible explosion. Une grande colonne de fumée noire et huileuse s'éleva de l'endroit où l'avion s'était abattu. Je vis des gens qui me regardaient descendre. Ils étaient dans une espèce de ferme clôturée, qui est tout à fait typique des fermes Françaises. Je remarquai aussi une région boisée où je pourrais me réfugier. Je me sentis soulagé en tombant dans un champ labouré. Une sacrée secousse à l'atterrissage, mais je m'en remis rapidement. Je me débarrassai de mon harnais de parachute et de mon gilet de sauvetage. A mi-route, je les cachai dans un fossé. Je me mis à courir à travers un champ et je vis un homme qui courait aussi. De l'avoir vu le premier me donna l'avantage. Je me cachai derrière un arbre et décidai de l'observer. Il avait l'air convenable. Alors je l'appelai, il me serra la main. Il ne put proférer un mot, il ne me sembla pas trop futé, aussi je décidai de fuir au plus vite. Je m'écartai du lieu de l'accident, vers le coin boisé que j'avais remarqué au cours de ma descente.

Il était plus de 9 heures. Je me débarrassai de mes lourdes bottes de vol pour pouvoir courir plus vite. Je traversai une route empierrée et crus que des gens m'avaient vu pénétrer dans le bois. Je courus encore une demi heure et il me fallut faire une pause. Je m’assis et fis l'inventaire de ce que j'avais. Je me débarrassai de mon couteau de poche au Manche incrusté de nacre. On m'avait dit que des aviateurs avaient été fusillés comme espions pour avoir possédé sur eux des couteaux, si petits fussent-ils. J'avais mon trousseau de prisonnier de guerre, une carte de France et d'Espagne ainsi que 2 000 francs. Je restai allongé, attendant calmement que quelqu'un s'approche. J'entendis des oiseaux chanter et voler et à chaque bruit, j'imaginai que quelqu'un était derrière moi. Je restai en place jusqu'à 17 heures, puis je décidai d'explorer les environs et de me diriger vers le Sud-Est. Finalement je sortis du bois, vis la flèche d'une église et décidai de contourner le village. J'étais très méfiant,évitant tout le monde au début . Je vis un homme et son fils qui binaient des choux dans un champ. Je décidai de leur demander un verre d'eau. Je ne savais pas un seul mot de Français, il me fallut utiliser le langage des signes pour me faire comprendre. Le fils rentra chez lui et apporta du cidre. Le père dit au fils de me donner des vêtements civils que je pris en échange de ma combinaison de vol. Il me dit de le suivre à la maison, où sa femme me donna du pain. Tout à coup, sa femme, qui observait par la fenêtre, dit quelque chose à son mari. Il me prit par la main et je le suivis dans une grange pour ensuite franchir une clôture sur l’arrière de la ferme. Je crus que la police allemande me poursuivait déjà. Je courus en un grand demi-cercle autour de la ferme et pris l'orientation du sud. A la ferme, la fermière m'avait montré un mouchoir avec les initiales H.W.B. (Second lieutenant Harold W. Bolin) inscrites dessus, si bien que je sus que le copilote était en sécurité et m'avait précédé. Je ne vis aucune autre trace d'autres membres de notre équipage. J'évitai tout le monde et marchai jusqu'à 22 heures. Ce soir là, je décidai de dormir dans un fossé sous un arbre. Il se mit à pleuvoir et il plut toute la nuit. L'arbre m'abrita un certain temps. Il commençait à faire froid. Je pensai à me rendre car au moins je serais au chaud quelque part et j'aurais à manger. Vers 4 heures du matin, je décidai de marcher pour conserver ma chaleur. Il faisait encore nuit noire. Malgré tout, je restai dans les champs, dissimulé. Je marchai jusqu'à environ 10 heures et m’arrêtai dans une ferme où je demandai à une femme si je pouvais dormir dans la grange. Elle me dit ''d'accord'' ; je dormis environ une heure quand arriva un homme qui me fit signe de prendre la route. Je marchai jusqu'à 18 heures et m’arrêtai pour demander quelque chose à manger. Une femme m'apporta quelque chose qui ressemblait à un torchon de mailles verdâtres et sale. Il y avait du beurre dessus. Ça avait le goût de ce à quoi cela ressemblait. Elle me donna aussi du cidre. J'appris plus tard que cette nourriture particulière était un grand régal là-bas, et était faite de galettes aux œufs. J'ai ensuite marché jusqu'au soir,et décida de dormir encore dans un fossé. Pluie, pluie, pluie toujours et il faisait très froid. J'étais résolu à me glisser sous la première meule de paille que je rencontrerai par la suite pour récupérer un peu. Ce que je fis jusqu'à l'aube et ensuite je repris ma marche vers le sud. Arrêt pour chercher à manger. Une dame me donna du pain. Elle me dit de ne pas aller par là, elle me faisait les gestes d'un tireur. Je décidai pourtant de partir dans cette direction. J'avais toujours froid. J'étais trempé et très fatigué. Je n'avais dormi que deux heures ces trois derniers jours. Je repris la route, les champs étant trop mouillés. J'arrivai à un virage et vis une sentinelle allemande en face d'un immeuble avec son fusil à l'épaule. Mon cœur se serra. Elle me vit et donc pour ne pas attirer son attention, il me fallut continuer à marcher vers elle. Je passai devant ce soldat. Il ne se douta de rien. Dans l'immeuble en face, d'autres allemands, dans un bureau, téléphonaient. Je pris la première route sur ma droite pour sortir de là au plus vite. Je vis trois autres allemands en vélo, apparemment en patrouille. Je passai devant eux. Je pris la route suivante et encore une autre à gauche, pour sortir de la ville. Je vis deux Allemands debout, prés de deux tentes individuelles vertes, allumant leurs cigarettes. Mon cœur battait si fort que je pensais qu'ils l'entendraient à quelques mètres de distance. Je quittai enfin la ville, très fatigué. Je cherchai un lieu pour passer la nuit au sec. Je vis une soue à cochon vide, mais je préférai voir avant les fermiers. Je m'assis dans un fossé en attendant qu'ils rentrent à leur ferme. Rentrant, ils se dirigèrent vers moi. Ils avaient un chien. Je préférai reprendre ma route. Plus loin, je vis un homme et son fils qui labouraient leur champ. Je leur demandai à manger. Ils m’emmenèrent chez eux et me donnèrent de la soupe de pain. Elle était très bonne. Ils avaient un foyer chaud, et ils descendirent un lit du grenier et me dirent de dormir dans leur cuisine. Extrêmement fatigué, je m'endormis aussitôt.

Le lendemain matin, je leur demandai un miroir pour me raser. C'était un dimanche et le fermier me dit qu'il devait se rendre à la messe. Je m'en allai. Je ne faisais confiance à personne. Je continuai mon chemin vers le sud pendant un certain temps. Une patrouille allemande camouflée de branchages me dépassa. J'aurais bien aimé être en voiture, mais surtout pas avec eux. J'étais fatigué par cette longue marche à pied. Des tas de gens marchaient le dimanche, aussi je restai sur de petits chemins faisant en sorte de ne rencontrer personne. Ce jour là, j'ai marché jusqu'à la tombée de la nuit. Je demandai un peu de nourriture dans une maison. L'homme me donna du pain. Je lui demandai si je pouvais dormir dans sa grange. Il me dit oui et me donna une couverture. Vers 23 heures, il vint me chercher et me dit de venir dans sa maison. Il me donna à manger une soupe de pain et de lait, très bonne. Il me dit qu'il était dans la DCA Française jusqu'en 1940. Il avait travaillé en Allemagne mais il avait plus de 40 ans, alors il avait été libéré. Son beau-frère était prisonnier en Allemagne depuis 3 ans. Il me donna un petit déjeuner le lendemain matin. Je traversai un champ, quand soudain un Messerschmitt 109 passa au dessus de moi, très basJ'aperçus le pilote dans son cockpit. Ensuite je traversai une forêt toute la journée ; le soir, je recherchai où loger pour la nuit. Un homme m'indiqua une grange. Je grimpai à une échelle quand soudain, un autre homme me dit de déguerpir. Je demandai à un autre fermier. Il me dit non. Je marchai encore et encore et je vis dans la pénombre un homme auquel je demandai de dormir dans une meule de foin. Il m'accorda cette autorisation. Il faisait très froid. J'étais fatigué et affamé. Je me levai à l'aube et repris ma route, toujours au sud, j'avais des ampoules aux pieds qui me faisaient souffrir. Le soleil se montra enfin mais je me trouvai déprimé, me demandant combien cela durerait encore. En soirée, je demandai à un homme un peu de nourriture. Il me donna de la soupe de pois où l'on retrouvait tout, même les cosses. Cet homme me dit que les Allemands étaient à 3 km. Il avait peur de me laisser dormir dans sa grange. Il finit par accepter. Les chevaux de l'écurie voisine s’agitèrent toute la nuit me rendant un sommeil difficile. Je parti au matin et je continuai mon parcours jusqu'à 3 heures de l’après midi. Je cherchai de la nourriture. Une femme, qui ressemblait à Jeanne Burton, me donna une omelette, très bonne. Elle me donna du pain et mit un œuf dans ma poche. Arrivé près de la Loire, je trouvais le fleuve très grand. Ne sachant pas nager, il n'était pas question de le traverser ainsi. Je décidai de traverser en passant sur un pont. J'arrivai dans une petite ville où je rejoignis un autre bras du fleuve. Le pont avait été détruit par les bombes. Mon cœur se serra. Sorti de la ville, je m'assis sur la rive. J'étais très abattu. Je vis un homme qui remontait le fleuve dans une barque. Je l'appelai. Il me fit traverser. Je me dis que j'avais eu de la chance.

La nuit suivante, je dormis dans une grange. Je mis ma veste sur ma tête pour ne pas avoir de foin sur moi. J'avais un orteil infecté à cause de mes ampoules. La journée suivante je marchai toute la journée malgré mes douleurs aux pieds. J’aperçus un barrage de ballons au dessus d'une ville industrielle. Le soir, une dame aimable me fit une omelette de 6 œufs. Affamé je lui en redemandais. Elle accepta et m'en refit une autre. Elle dut penser que j'étais un goinfre. A ce stade, je me posais la question de savoir s'il existait un réseau d'aide aux aviateurs évadés. Comment avais je donc été si longtemps sans contacter personne. Il me fallait continuer à marcher. Pas d'autre solution. Je traversai une ville et je vis un soldat en vélo qui s’arrêtait devant un magasin. Il mit son casque sur la selle. Je passai prés du vélo et je fus tenté de le balancer puis de m'enfuir, rien que pour rire. Mais je n'aurais peut être pas rit bien longtemps. Je me demandai comment ils pouvaient faire pour ne pas me reconnaître. Je pris la direction du sud-est. Il me fallut me reposer souvent. Voila plusieurs jours que mon évasion avait commencé. Mes jambes devenaient terriblement raides. J'aime bien voyager mais pas sur un aussi long chemin. Une dame me donna du pain et du fromage moisi. J'avais détesté. Je vis des avions P-47 qui bombardaient à l'horizon. Sans doute un train. Ça me plaisait beaucoup de les voir voler par ici. Ça me donnait le sentiment que ça vaut le coup de continuer la lutte. Marche. Marche. Marche. Je suis ensuite passé devant un hôpital couvert de croix rouges partout. Il y avait des tourelles antiaériennes de chaque côté. De cet hôpital sortirent des camions chargés de soldats. Il y avait aussi des femmes. Qu'est ce que ces femmes faisaient sur ces camions ? Elles n'avaient pas d'uniformes. Je descendis une côte et pris ensuite un grand virage. Des gens attendaient qu'un train passe au passage à niveau. Ils me virent. Il fallait que je traverse absolument. Malgré tout, j'attendis que ce train militaire soit passé. Les soldats allemands avaient l'air très fatigués. Ils étaient assis sur des bottes de paille, dans des wagons de marchandises aux portes ouvertes. La plupart blonds et jeunes. Ils avaient un équipement parfait. Simplement un tas de jeunes idiots en route vers la mort. Pourquoi continuent t'ils à se battre alors qu'ils savent bien qu'il vont prendre une sacrée raclée. Mais savent t'ils seulement qu'ils sont déjà perdants. Quelle connerie que cette guerre. Des Français les saluaient de la main. Je leur fis signe aussi. S'ils savaient qu'un Américain les saluait. Quelle farce peut être la vie parfois...

Après avoir marché encore 14 jours, de l'aube au crépuscule, je souhaitai me poser un peu dans une ferme et aussi trouver à manger. J'avais déjà parcouru 400 km depuis mon arrivée sur le sol Français. J'y ajouterai plusieurs dizaines de kilomètres en plus, vu le nombre de contournements des villes où j'étais passé. Une jeune femme me dit quelle devait demander la permission pour me donner à manger. Elle demanda à sa grand-mère qui répondit positivement. J'attendis, puis je pus manger de la soupe dans cette famille. Un foyer Français typique. Tout le monde parlait à la fois en faisant tous ''gloup''. On jetait des morceaux par terre pour les chiens et les chats. Le pain se présente en grandes miches rondes de 4 kg. Tout le monde à son couteau et se coupe une tranche. Une jeune femme était muette mais de temps en temps poussait des cris qui me donnaient la chair de poule. Une autre n’arrêtait pas de jacasser. Huguette, la première femme à qui je m'adressai, me dit de passer la nuit chez eux et que le lendemain, son père irait chercher un Anglais et un Français qui étaient censés être mes ''camarades''. Je passai la nuit là, et le lendemain, je restai planté là jusqu'à la fin de l’après midi. Un camion arriva dans la cour avec à son bord plusieurs Français qui venaient me chercher. Je croyais enfin que l'on allait me faire passer en Espagne. J'avais trouvé la résistance. Tout irait bien à présent. Soudain les Français braquèrent leur mitraillette et leurs pistolets en direction d'une voiture qui arrivait sur le chemin de la ferme. Je pensais que c'était une voiture Allemande. Mais non, ce n'était que le boucher. Après son départ tout le monde était soulagé ; l’arrière du camion était recouvert d'une bâche sous laquelle tout le monde se cachait. L’anglais s'appelait Mike, et il avait l'air très craintif. C'était un petit bonhomme maigrichon. Les Français aussi avaient peur. Nous roulâmes longtemps et lorsque nous nous arrêtâmes, nous étions au cœur d'une forêt. Je descendis du camion et à ma surprise, je rencontrai deux Américains. Ils me demandèrent quand j'avais été abattu ; je leur répondis le 8 juin. Et vous. Quand ? Le 5 mars. Je commençai à me rendre compte qu'il ne serait pas facile de sortir de France et de rejoindre l’Angleterre.

Donc Jack, Norman, Mike (448th BG/715th BS - B-24 s/n 42-100430). S/Sgt Jack M. Garrett, S/Sgt Norman C. Benson) et moi parlions la même langue, çà me faisait plaisir de les voir. J’étais très fatigué de parler avec juste deux mots de Français et de terminer la conversation avec mes mains. Nous serrâmes tous la main des Français. Norm et Jack venaient de rejoindre le groupe en même temps que moi. Le chef de ce petit groupe de résistants s'appelait René. C'était un gars de petite taille, à moitié chauve et trapu. Il ne savait pas un traître mot d’Anglais. Il y avait aussi Emile, qui avait été maire d'une ville importante dans les environs et qui faisait partie de la résistance depuis le début. Il avait fait passer les Pyrénées à 18 américains, mais il nous dit que c'était très dangereux, surtout que depuis mai, les Allemands avaient triplé leurs gardes. C’était compréhensible et nous nous résolûmes d'attendre. Il nous dit que les Allemands fusillaient les Français et que les aviateurs Américains étaient envoyés dans des camps en Allemagne, mais parfois aussi étaient passés par les armes. Emile parlait Anglais avec un accent. Il avait étudié à Cambridge. Puis il y avait Jacky, un brave type, très grand, bien bâti, très nerveux, fumeur invétéré. Plus tard, il me dit qu'il s’installerait en Amérique comme fermier. Son père était fermier et donc c'était sa vocation aussi à cause du manque de possibilités dans son pays. Je lui dit qu’il y avait beaucoup de Français au Québec et à la Nouvelle Orléans. Il y avait aussi Max. C’était un sergent de l'armée française. Il s'était évadé d'un camp de concentration. Il était gai et très athlétique. Ses connaissances en Anglais se résumaient à ''Get up, Shut up, Al Capone, Chicago''. Pierre était un jeune homme sérieux d'environ 18 ans. Un jour, lui et moi attrapâmes des visiteurs trop curieux alors que nous ramassions du bois. René les interrogea puis les relâcha le lendemain. Le premier soir de notre arrivée, Emile nous demanda si nous voulions voir sauter un train. Nous répondîmes d’accord. Nous nous installèrent dans la Citroën Traction Avant, les autres dans des camions. Au lieu de passer en Espagne avec le réseau clandestin nous voilà avec une bande de saboteurs. Quelle vie !

Ils donnèrent à Norm, Jack et moi une mitraillette Sten. Les balles sont un peu plus petites que le calibre 45 et le chargeur contient 28 balles. Nous étions censés protéger René, tandis qu'il installait le fil entre la dynamo et les pains de dynamite. Ils s'étaient arrangés pour avoir les horaires du train. Une locomotive arriva seule en haletant. Elle était sur la mauvaise voie. Il faisait nuit noire. Nous étions tous allongés derrière un petit talus, attendant le train. Nous entendîmes tout d'un coup des moteurs d’avions. Un avion passa au dessus de nous et lança des fusées jaunes. C’était un avertissement pour que les gens de la ville proche se sauvent au plus vite. Cet avion revint et cette fois-ci lâcha des fusées blanches. Le reste des avions arriva et lâcha ses bombes. La terre tremblait et grondait. Les avions s'en allèrent et tout redevint calme. Nous attendîmes longtemps. Il faisait très froid. Enfin le train arriva, mais le détonateur ne fonctionna pas, si bien que rien ne se produisit. Après, j'eus une grande peur, ne sachant ce qui allait suivre. Nous rentrâmes à toute vitesse par des chemins détournés. La traction tomba en panne. Quelle tuile ! Si les Allemands empruntaient cette route, nous pouvions dire adieu au monde. Le camion nous remorqua jusqu'au camp. Les résistants dormaient le jour et opéraient la nuit. Ils ne voulurent pas de nous pour la mission suivante. Un gendarme arriva au camp. Il s'appelait Robert et venait de la ville voisine où il était chargé de la garde à la prison. Il vint donner le double des clés de cette prison au groupe de résistants. Ce groupe, dans les jours suivants, libéra ainsi plus de 400 prisonniers politiques. Les prisonniers eurent peur de sortir au début de l'intervention car ils pensèrent à un piège. Ils pensaient que les Allemands les abattraient tous. Deux soirées plus tard nous avons déménagé dans une autre forêt. Il fallait changer souvent d'endroit pour que nous ne soyons repérés. L'abri des maquisards était fait de tentes coupées dans de la toile de parachute. Ils ne séjournaient jamais dans des maisons car, en cas d'attaque, ils ne pourraient se sauver. Dans les bois ce serait plus facile de s'éparpiller et disparaître. Mike, Norm, Jack et moi dormions sous la même tente. Nous avions une couverture dessus et une en dessous. Mike était très nerveux et la nuit, il allumait une cigarette toute les demi-heures. Jack avait des démangeaisons et il se grattait comme un chien qui a des puces. En cas d'alerte nous devions nous enfuir à travers bois. Le signal était deux coups de feu. Nous dormions tout habillé pour conserver la chaleur le plus possible et être prêt au cas où il faudrait fuir. Il n'y avait pas assez d'armes pour tout le monde.

Un soir, on fit une ronde de surveillance dans la forêt ; nous étions les 3 américains plus le cuisinier. N'ayant rien remarqué, nous rentrâmes au camp. Il pleuvait beaucoup, nous étions trempés, et il faisait très froid. La pluie traversait nos tentes improvisées. Un jour, ils tuèrent un mouton. Il fallait bien manger. Nous eûmes du ragoût jusqu'à épuisement. Un soir, vers 8 heures 30, Emile nous dit que nous allions faire un coup de main. Il nous dit qu'il y aurait du danger. Il nous dit que nous devions être prêt à tout. On me donna un vieux fusil de l'Armée Française. Il était sale et rouillé et ne pouvait contenir qu'une seule balle dans son magasin. Jack avait une Sten. Nous avions roulé jusqu'à minuit, puis on descendit du camion. Silencieusement on approcha d'un pont routier qui enjambait une voie ferrée. Nous descendîmes en bas de ce pont quand soudain, un chien se mit à aboyer. Nous avons pensé à une patrouille allemande. Norm et moi nous devions nous asseoir de chaque côté de ce pont, interdisant son accès. La consigne était de descendre toute personne qui se présenterait. J’étais assis sur le rebord droit de ce pont. J’essayais de voir de l'autre côté et aussi vers l’horizon où je distinguais des talus. Chaque fois qu'une brindille bougeait, je croyais qu'une patrouille ennemie arrivait ; je crois que ces minutes furent les plus dures de ma vie. Il faisait bien noir sous les nuages avec un clair de lune de temps en temps. Toujours l'attente sur le qui vive. Les autres gars installaient le plastic sur les voies. Nous devions attendre jusqu'à 5 heures. Si aucun train n'arrivait, nous devions faire sauter les rails. Après avoir attendu une bonne demi-heure, on entendit au loin un train qui venait vers nous. Il lança un coup de sifflet. Il approcha de nous, la locomotive soufflait et haletait comme si elle tirait un lourd chargement. On voyait sa lanterne. Je courus me jeter derrière un remblais. Je venais tout juste de me mettre à plat ventre qu'une terrible explosion se fit entendre.

Une flamme immense se projeta en l’air. La chaudière avait dû éclater. La locomotive avait déraillé et les deux premiers wagons étaient en pièces détachées. On entendait des morceaux métalliques qui retombaient sur le sol. Le remblais nous protégeait. Nous sautâmes vite dans le camion et partîmes tous feux éteints. Nous étions sur nos gardes à chaque petit village que nous traversions au cas où les allemands auraient barré les routes. Le gars à l'avant du camion avait des grenades toutes prêtes. Au loin derrière, nous aperçûmes les phares d'une voiture. Nous avons pensé aux allemands, ce qui était sans doute le cas. On réussit à les semer malgré l'absence de phares allumés sur notre camion. Nous suivions les routes de l’arrière pays pour éviter de mauvaises rencontres. Mais... enfin nous arrivâmes au camp. Un café et un peu de pain, puis direction le tas de foin proche qui nous servait de lit. Le lendemain nous essayâmes nos armes et mon vieux fusil. On tirait sur une cible placée de l'autre côté du vallon, la moitié des balles ne partaient pas. J’imagine la situation car hier nous avions les mêmes armes et les mêmes cartouches. Si l'ennemi avait engagé le combat. C’est encore le destin qui dirige cela dans nos vies. Deux jours plus tard, on se joignit à un autre groupe de maquisards. Le commandant s'appelait Jacques, René était son adjoint. Le camp était divisé en deux groupes. Nous, les Américains, nous étions avec Jacques. On reçut un nouveau cuisinier, Robert ; c'était un homme brave et qui ne rechignait pas aux tâches les plus dures. Il se promenait avec sa mitraillette au milieu de la rue, visible comme la Lady Godiva. Nous, les Américains, nous avions le réflexe simple de nous protéger de tirs éventuels. Il se disait qu'il était mercenaire auparavant. Il avait reçu une balle dans l'épaule. Il lui manquait un doigt ; il nous disait que c'était une balle qui le lui avait enlevé. Sa femme, que nous avions rencontré, nous avait dit qu'il avait été sectionné par une faucheuse. Il avait un tatouage sur le dos. Un Senor et sa Senorita. Sans doute un trophée du temps passé.

Notre nouveau commandant était excellent ; Jacques était ancien officier artilleur de l'Armée Française. Il s'était évadé d'une geôle Allemande, était passé en Espagne où, arrêté, il passa 16 mois en prison. Il regagna finalement l'Angleterre où on le forma au sabotage. Il fût de nouveau parachuté sur la France. Ensuite j'ai rencontré le ''Toubib'', un étudiant en médecine qui avait interrompu ses études du fait de la guerre. Il fut reconnu par nous tous comme médecin du groupe. C'était un gars très intelligent. Cela faisait plus de 45 jours que j'étais en France et je n'avais pas pu obtenir de brosse à dents. Le toubib m'en procura une. Il y avait aussi Antoine, toujours en train de blaguer. Il faisait tout ce qu'il pouvait pour nous. On installa notre nouveau campement au pied d'un ravin où coulait une source ; il y avait aussi un lac à une centaine de mètres de nous. Nous allions nous y baigner. J’ai toujours le souvenir de notre première nuit en ce lieu ; il plut pendant 10 heures sans arrêt. Nous n'avions plus le moral. Un jour, j'étais parti avec Mike chercher du bois. Soudain, il poussa un cri et mis la main sur sa poitrine en s’écroulant sur le sol. Il faisait une crise cardiaque. Il avait du mal à respirer. Je courus chercher René et le toubib. On le mis dans une couverture pour le transporter et il fût dirigé vers un hôpital clandestin dans un coma profond. Mike était Anglais et officier de la marine de Commerce. En 1942 il fut rescapé d'un naufrage devant Dieppe. Récupéré par des pêcheurs Français, il fut remis aux Allemands qui le mirent en prison à Cologne. Il s'évada et rejoignit la France après mille péripéties où il rencontra le groupe de résistants. Mike avait 42 ans mais il en faisait 60 ; il revint avec nous après plus d'une semaine de soin. Le médecin lui dit qu'il ne fallait plus boire d'alcool ni fumer. Mais il ne compris rien.

Dans ce camp, le 14 juillet, nous fêtâmes la Prise de la Bastille (comme notre 4 juillet aux USA). Ce fût aussi le jour où Herb et Bill arrivèrent au camp. Ils avaient été abattus le 31 décembre et ils étaient toujours là. Ils décidèrent de rester avec nous. Notre groupe ainsi s’agrandissait. Un jour, il fallut aller dans une ville pour l’approvisionnement. On en profita pour sectionner les câbles téléphoniques à la Poste. Le camion était rempli de pâtes, de vin et d'un tas d'autres trucs. Nous primes la direction de notre campement. Ces jours là, il avait tellement plu que nous décidâmes de nous installer dans un château. Nos chambres étaient vastes. C’était une grosse propriété. Les jours suivants, nous avons, à quelques kilomètres, barré la route avec des arbres pour tendre une embuscade aux allemands. Nous avions pris soin d'être bien éloignés du château. Nous étions prés du Village de Javerlhac (Dordogne),en ce 24 juillet 1944. La bataille fût terrible. Nous avons perdu cinq hommes, tués, tandis que les allemands relevèrent une trentaine de morts dont un français capitaine de la milice. Nous avions lu cela dans le journal les jours suivants. Un des nôtres se tua accidentellement avec son arme. Un groupe de maquisards avait arrêté un membre de la Gestapo. Il fut interrogé. Ne voulant rien dire, il fut exécuté. Un autre Américain vint nous rejoindre. Il s'appelait Joe. Son B-26 venait d’être abattu ; maintenant nous étions 6. Nous envisagions de tenter de rentrer en Angleterre coûte que coûte. Jacques nous emmena Norm et moi à une cinquantaine de kilomètres de notre camp rencontrer un capitaine français et un commandant américain, le major parachutiste Joe, qui avait quelque temps auparavant été parachuté dans la région pour coordonner les parachutages d’approvisionnement. Il connaissait le pays par cœur et nous déconseilla fortement de tenter de rentrer en Angleterre. Nous décidâmes de rester dans la région mais nous avions choisi de quitter le maquis devenu trop dangereux. Nous fûmes hébergés dans une ferme abandonnée dans un lieu entouré de bois. Il s’avéra que 5 américains nous avaient précédé dans ce lieu. Nous fûmes donc onze à vivre dans cet endroit isolé. Ces masures appartenaient à un fermier que nous appelâmes ''The Proprietor''. Il fit tout ce qu'il pouvait pour nous. Nous possédions de l'argent français pour faire quelques achats dans le coin, mais ces fermiers nous firent de nombreux dons. Nous allions discrètement un par un chercher du pain à 5 km. Nous vécûmes là un mois. Un matin le Commandant Joe vint nous voir. Il nous appris une nouvelle presque impossible à croire. Nous allions enfin partir vers l'Angleterre. En effet nous devions nous rendre sur un aérodrome dans une grande ville proche où un avion devait venir nous chercher (aérodrome d’Angoulême ?). Cet aérodrome abandonné par les allemands ne fut pas détruit. Des français rallongèrent la piste pour que notre avion puisse se poser. La nuit venue, nous nous sommes rendus sur cet aérodrome pour attendre notre avion. L'attente fût longue. Nous étions avec d'autres compatriotes, des Anglais, des Canadiens, des Néo-Zélandais et bien d’autres. En fin de nuit, on entendit enfin le bruit des moteurs. L'avion se posa. L'embarquement fut très rapide pendant que l'on faisait les pleins en carburant. Nous décollâmes et le lendemain, un jour nouveau s'ouvrit à nous sur le sol Anglais."

♦ 2nd Lt Bernard Koller dit "Barney" (rapport d'évasion E&E 1449 daté du 3 septembre 1944).
Koller étai

LES "HELPERS" DE L'ÉQUIPAGE

A la fin de la guerre, les américains entreprirent d'identifier et de remercier les personnes ayant aidé des aviateurs, les "helpers". Ces "helpers" se voyaient attribuer un "grade" (une note) de 1 à 5 qui déterminait le niveau de reconnaissance possible, qui allait parfois jusqu'à une récompense financière en fonction du niveau de risque pris. Ces récompenses pouvaient être parfois demandées par les "helpers" eux-mêmes, ou, le plus souvent, par des proches.

Les 5 grades des "helpers" :

- Grade 1 : attribué aux personnes s'étant particulièrement distinguées par leur courage ou ayant dirigé un réseau d'évasion. Il n'y avait probablement que cinq à dix individus inclus dans ce grade pour l'Europe occidentale.
- Grade 2 : décerné aux chefs d'organisations ou à des personnalités clés qui ont rendu possible le retour en Angleterre d'au moins quarante à cinquante évadés. Il peut également s'agir de personnes ayant agi de manière particulièrement héroïque. Soixante-quinze personnes, au maximum, ont probablement été récompensées par ce Grade.
- Grade 3 : attribué aux personnes ayant hébergé de vingt à quarante évadés ou ayant guidé un grand nombre d'évadés. Également décerné à certains chefs de sections ou de petites organisations. Environ deux cents à quatre cents individus sont probablement concernés.
- Grade 4 : on retrouve ici les individus ayant hébergé, pendant plus d'une nuit, de huit à vingt aviateurs ou ayant assumé l'accompagnement de ces derniers sur de longues distances ou dans des zones particulièrement dangereuses.
- Grade 5 : ce grade couvre la majorité des " helpers " comme ceux qui n'ont aidé qu'un seul aviateur, qui ont hébergé cet aviateur peu après son atterrissage, ou qui ont aidé six ou sept hommes pendant de courtes périodes. Les " helpers " n'ayant aidé qu'un seul aviateur sur une très courte durée se voyait parfois attribuer le grade "Nil" qui signifie littéralement "rien". Mais ceux-ci étaient tout de même recensés par les Américains.

Etaient également pris en compte les cas où le " helper " a été arrêté ou expulsé, ainsi que la durée de sa captivité. Selon les cas, cela permettait à l'individu d'atteindre un grade supérieur. Dans tous les cas, la priorité a été donnée à l'importance de l'aide apportée.

Les listes de ces helpers sont conservées aux Archives américaines à Washington : on y trouve les civils classés par ordre alphabétique, leur adresse, le grade proposé, ainsi que les récompenses financières éventuelles qui leur furent attribuées. En complément, on trouve également aux Archives des dossiers individuels contenant les différents documents et courriers échangés entre les officiers américains de renseignement chargés de retrouver ces " helpers " et les " helpers " eux-mêmes. 

Albert Leforestier les aviateurs Bolin, Fischetti et Reed

Pour avoir aidé le Sergeant McInerney, Monsieur Leforestier fut recensé comme " helper " avec le grade "Nil". Il est précisé qu'il n'aida que des aviateurs américains (et pas d'autres nationalités comme parfois des anglais).

Il échangea des courriers en 1945 et 1946 avec le Major John F. White Jr, qui logeait à l'hôtel Majestic, dans le 16e arrondissement de Paris. Dans ces courriers (ci-dessous sous la liste de " helpers "), Albert Leforestier raconte que deux parachutistes américains ont évacué leur avion le 8 juin 1944 vers 8 heures, que l'un fut prius, et qu'il sauva l'autre, McInerney. Il indique aux Américains que McInerney, une fois le danger des Allemands écarté, demanda à repartir en direction de Dol-de-Bretagne et que M. Leforestier lui indiqua le chemin. Il est précisé que des vêtements civils furent remis à McInerney. Nous apprenons également qu'Albert Leforestier était cultivateur, qu'il était né le 6 mars 1907, qu'il était célibataure, qu'il avait appartenu au 71e Régiment d'Infanterie, et que sa soeur Angèle avait 51 ans (en 1944).


La famille Janet 

Pour avoir hébergé les aviateurs Bolin, Fischetti et Reed, Madame Maria Janet d'une part, Henri et André Janet d'autre part, furent recensés comme " helpers " avec le grade "Nil". Il est précisé qu'ils n'aidèrent que des aviateurs américains (" U.S. only "). Toutefois dans l'un des documents ci-dessous, il est précisé que le grade 5 leur fut attribué pour les " rendre heureux" (" keep them happy ") ; ce grade 5 était "suffisant " (" sufficient ") et aucune somme d'argent ne fut versée ("no cash "). 

Nous apprenons dans ces documents que :
- Henri Janet était né le 19 septembre 1914 à Quédillac (35) ; il était maréchal ferrant (a priori aux P.T.T.), marié à Maria Janet (née Galland) et avait 1 enfant de 4 ans en 1945. Il était démobilisé de l'aviation maritime et réserviste.
- André Janet était né le 7 février 1919 à Plumaugat (22) ; il était célibataire et adjudant au 1er Bataillon au 8e Régiment de Zouaves, au Maroc.
- ils habitaient avec leur mère Mme veuve Félicité Janet (née Rigourd) à " la Chapelle Benen en Plumaugat ", (en fait Chapelle-Bénin en Plumaugat).

Il est précisé que la famille Janet hébergea les 3 aviateurs du 10 juin au 14 août 1944, qu'ils les avaient récupérés auprès de Messieurs Crespel et Gunide, puis qu'ils les avaient remis aux Américains à Saint-Meen. Henri Janet aurait fait partie du groupe de résistance de Caulnes. Sa femme a confectionné des habits civils neufs pour les aviateurs. Monsieur et Madame Théophile Guindé, bouchers à Plumaugat, ont fourni de la viande pour nourrir les américains. 
- les trois aviateurs américains sont repartis avec un américain venus les récupérer en Jeep.
- Madame veuve Janet (née Rigourd) se décida le 9 avril 1946 à écrire un courrier aux Américains sur un papier à entête de son "épicerie - mercerie - quincaillerie" pour raconter l'histoire de ces trois aviateurs accueillis par sa famille. Elle précise que trois amis, Messieurs Guindé, Crespel et Gardon avaient récupérés ces aviateurs avant de les confier aux Janet. On apprend également que les aviateurs étaient cachés dans une chambre lorsqu'un jour les allemands sont venus chez elle. Elle indique également que son fils André avait pris les armes pour refouler les Allemands et qu'il était encore dans l'armée au Maroc. Madame Janet avait reçu quatre lettres après-guerre des trois aviateurs américains qu'elles prêta à l'officier de renseignement américain. Nous ne possédons malheureusement pas de copies de ces lettres.

Madame Edmée Desmiers 

Monsieur et Madame Desmiers ont caché et nourri pendant quelques jours les aviateurs Digges, King et Cavestri. Nous avons retrouvé le nom de Madame Desmiers dans les listes de " helpers ", ainsi que des échanges de courrier (retrouvés, comme pour les autres " helpers " par l'historienne bénévole Ann Trevor). L'analyse de ces documents nous confirment toutefois que Monsieur Henri Desmiers était également reconnu comme " helper ". Monsieur et Madame Desmiers se sont vu attribuer le grade 5.
Madame Edmée Desmiers de Loiggouyer était née à Rouen le 1er janvier 1906. Elle était mariée et avait 3 enfants de 9, 12 et 13 ans en 1945. Sa mère était Anglaise. Il est précisé que Madame Desmiers avait caché de nombreux déserteurs, 120 maquisards ainsi que l'oncle d'un certain du Fretay pendant 2 mois (il pourrait s'agir de l'homme politique François Halna du Fretay qui fut également résistant).

ANNEXES

♦ Certificats de reconnaissance signés du Général Eisenhower délivrés à Maria et Henri Janet ainsi que Henri Crespel pour l'aide qu'ils ont apportés aux aviateurs américains 

 

Sources documentaires : Escape Evasion reports (rapports d’évasion) des Sgt. Bolin, 2nd Lt. Digges, S/Sgt. Anthony Cavestri, 2nd Lt. Kester D. King, 2nd Lt. Bernard B. Koller, T/Sgt. Ronald W. Reed, 2nd Lt. Kester D. King. Le dossier du T/Sgt. Carmine T. Fischetti comprenait 30 photos prisent lors de son séjour à Plumaugat.
Remerciements à :
- Michel Pieto pour ses recherches, contacts avec les membres de l'équipage, du crédit photos.
- Jean-Luc Moser pour la traduction du récit d'évasion et de capture du Sergent McInerney.
- Pierre Guimont pour son aide de reconnaissance sur Lanrelas.

 

Ajouter un commentaire

Anti-spam