12 juin 1944

Lockheed P-38J-15-LO Lightning (s/n 42-104177 code F5-?)

Mauron "Evriguet" (56)
(contributeurs : Philippe Dufrasne, association "Archives Aéro 56")

Lockheed p 38j lightning
Lockheed P-38J Lightning - Photo USAF (domaine public)

Pilote :

Captain John A. MacKAY - 474th FG, 428th FS (évadé)
 

L'HISTOIRE
(source : traduction de pages de The "Geyser" Gang - The 428th Fighter Squadron in World War II [John Truman Steinko] via l'association "Archives Aéro 56")

La mission du 12 juin 1944

La première mission décolla à 06h49.
L'ordre de mission étant arrivé suffisamment tôt, il n'y eu pas de gros remue-ménage avant le décollage, malgré le départ matinal. Pour la première fois depuis longtemps et bien avant le jour J, les conditions de vol à Warmwell étaient excellentes. Avec le Major HEDLUND prenant la tête de la mission, le 428th dépassa l'Ile de Jersey pour aller bombarder une ligne de chemin de fer entre St Méen et Ploërmel plus au sud-ouest des plages du débarquement. A nouveau le Squadron vola seul, les 429th et 430th Squadron ayant des objectifs différents dans les alentours.
Des sentiments de tristesse mêlés d'optimisme se ressentirent dans les conversations des pilotes quand 15 des 16 appareils rentrèrent. Le Capitaine MacKAY, vétéran des campagnes d'Afrique du Nord et de Sicile, titulaire de la « DFC », de la « Oak Leaf Clusters » et de l' « Air Medal », ayant plus encore de médailles que beaucoup d'officiers dans le groupe, était porté manquant.
Son avion pris feu, probablement atteint par la déflagration de sa propre bombe, tout juste après que le Capitaine MacKAY ait largué sa bombe de 1000 livres pour un coup direct sur la ligne de chemin de fer de MAURON.
Le très populaire leader de la « Section bleue » hissa son P38 jusqu'à 3500 pieds (environ 1000 m), largua sa verrière, puis annonça « Salut les copains ! » à ses camarades du Squadron et sauta avec succès. Il chuta et se retrouva dans une parcelle clairsemée d'arbres à 2,5 miles à l'est de MAURON. Son appareil se crasha tout près. Avec le temps superbe et avec le Capitaine MacKAY qui avait fait un bon travail en réussissant son saut, ceux qui assistèrent à l'incident revinrent avec la certitude que « Mac » avait atteint le sol sans se blesser.

John MacKAY se souvient :
« Autant que je puisse me rappeler, la mission du jour était de suivre une voie ferrée qui courait du Nord au Sud en Bretagne. Les villes de Ploërmel et Mauron figuraient sur la carte que j'avais et il y avait un petit aérodrome à l'est de la voie ferrée. Je me rappelle avoir demandé au Squadron Leader lequel de nous ferait partie de la section qui serait la plus proche de l'aérodrome. Nous n'avions pas vu un nombre significatif d'appareils allemands dans les secteurs où nous avions opéré durant les six jours suivant le jour J. J'avais plutôt espoir que cet aérodrome puisse nous apporter plus que le simple intérêt qu'il pouvait représenter. 

 

Nous avons décollé de Warmwell, un peu avant 7h00 du matin et bien qu'il n'y ait pas grand chose à faire pendant la traversée de la Manche, je m'intéressais au Capitaine McKITTRICK qui dirigeait le deuxième groupe de ma section. Je l'incitai à voler en-dessous de moi étant donné qu'il se situait au dessus du soleil et qu'il m'était difficile de voir au delà chaque fois que je regardais dans cette direction, parce que j'avais le soleil dans mes yeux. Après plusieurs tentatives et rompant le silence radio pour essayer de communiquer avec lui. Je finis par renoncer et me concentrais sur la navigation à l'approche du secteur de l'objectif. 

Nous avons atteint les environs de la cible et tout était calme, pas d'allemands aux alentours et pas de flak. Je mettais notre flight en position d'attaque et nous avons commencé à bombarder la voie ferrée. A un moment donné, le long de la voie ferrée, j'ai pensé que nous avions des bombes munies de détonateurs à retardement, mais je n'eus pas cette chance. Les détonateurs étaient à explosion immédiate et les bombes tombèrent juste au-dessous de moi, si proches que je n'aurai fait aucune différence. Quittant la cible, l'avion s'inclina à droite laissant échapper une traînée de fumée sur le côté droit. Quelqu'un signala que j'étais en feu et je me souviens avoir dit que je pouvais l'apercevoir Je pris un peu d'altitude et jetais un regard vers la base aérienne pour voir si il y avait de l'activité mais tout était calme. Je tentais de piquer pour éteindre le feu mais il y avait peu de chance sous cet angle. Des flammes pénétrèrent dans le cockpit et je décidais qu'il était temps pour John, le petit gars de Maman MacKAY et son avion, de se séparer. Je me hissais dans le cockpit, passais sur le dos, détachais les sangles et quittait le bord. Je devais être au-dessus de 7000 pieds et avais tout le temps de tomber en chute libre.

Cette chute devint un peu plus difficile quand l'anneau « D » sorti de sa poche et mit à battre dans tous les sens. Essayer de le rattraper retint toute mon attention et au vu du sol qui montait vers moi à toute vitesse, croyez moi, quand finalement je réussis à le saisir et le tirer, il me semblait que je touchais le sol dans la seconde qui suivit. J'avais eu le temps de m'éloigner d'un arbre mais en faisant cela, au lieu d'atterrir tranquillement sur un sol meuble, je me posais sur un sol rocheux. 

L'avion, (un P-38J – numéro de série 42-104177), tomba pas très loin de moi et avec l'aide d'un fermier français dans le champ duquel je me posais, je traînais mon parachute et ma Mae-West vers l'épave et les jetais dans le feu. Puis je tentais de parler pendant quelques minutes avec le fermier mais je ne connaissais pas le français et lui ne connaissait pas l'anglais. Je pensais que c'était une perte de temps et que je ferais mieux de prendre la route ou alors je risquais de me retrouver dans un camp de prisonniers. Ainsi après avoir considéré les différentes directions qui s'offraient à moi, je pris l'option Est, supposant que les allemands penseraient que j'irai vers le Nord ou l'Ouest. Partir vers le Sud me semblait hors de question. Il y avait environ 200 miles avant d'atteindre l'Espagne et cela ne me paraissait pas vraiment une bonne idée. Je passais les heures suivantes à marcher vers l'Est, traversant la voie de chemin de fer que j'avais bombardée. Vers midi, les évènements du matin me revinrent à l'esprit. J'allais encore relativement vite lorsque je heurtais le sol et ça n'allait pas très fort. Mon dos commençait à me faire mal suite au choc qu'il avait reçu et ma cheville droite que j'avais tordue dans l'action commençait à me faire boiter. Les choses n'allaient pas forcément en s'arrangeant.

Je trouvais un petit verger qui se situait sur la droite d'un chemin trop étroit pour des autos ou des camions. Je m'appuyais contre le mur qui entourait le verger et allumait une cigarette. Il était temps de peser le pour et le contre et de planifier la meilleure ligne de conduite à tenir. Je n'étais pas en assez bonne condition pour voyager beaucoup. Ma cheville me faisait mal et mon dos n'allait guère mieux. Pendant que je réfléchissais, j'entendis des voix et soudain je vis une femme venant vers moi sur le chemin avec une bande de gosses dans une remorque. Apparemment, l'école était finie. Quelle drôle de situation ! A cet instant tout ce que j'essayais d'imaginer était ce qui pourrait arriver si les choses tournaient mal, les enfants pourraient être blessés. Mais ce ne fut pas le cas, l'institutrice contacta le fermier dans le verger duquel je me trouvais et il vint me chercher.

Il se trouvait que le fermier était un vétéran de la première guerre mondiale et il m'emmena dans une ferme, plutôt une toute petite maison et me cacha dans le grenier pour le moment. Il me donna du pain et une soupe de légumes. Je me sentis mieux. A l'aide de ma carte de traduction provenant de mon kit d'évasion et tout en essayant de deviner ce qu'il me disait nous réussîmes à nous comprendre. Je devait attendre ici un professeur qui parlait anglais et par la même occasion ne pas sortir du grenier. Moins de gens me verraient et mieux ce serait. Dans la matinée de ce même jour le professeur arriva. Son anglais était tout sauf excellent, mais c'était mieux que le langage des signes. Il disait qu'il contacterait la résistance et qu'avec les photos instantanées que j'avais il devait pouvoir me fournir des papiers qui devraient me permettre de passer les contrôles de la plupart des patrouilles allemandes.

Pendant ce temps, je devais rester où j'étais, ce qui ne me faisait pas de mal car ma cheville et mon dos étaient encore un peu plus douloureux. Plus tard dans la soirée, le fermier et son épouse vinrent dans le grenier. Nous avons fumé un peu de mes cigarettes et ils me massèrent le dos avec une pommade. Cela fit merveille. Ainsi se déroula le premier jour de mes deux mois d'expédition en France ». Le mercredi, le professeur s'est présenté avec les papiers de John et un guide ainsi que trois vélos. Sept ou huit miles plus tard, ils arrivent au Château de La Morlaine, habité par le Comte, son épouse Anne, leurs cinq enfants et des serviteurs. John est resté dans le Château environ deux semaines. Il était alors prêt à repartir. Il craignait que les allemands le trouvent. Il ne voulait pas voir la famille punie ou tuée à cause de lui. John et quelques parachutistes sont arrivés à la ferme vers minuit du troisième jour, fatigués et sales, ils ont choisi de dormir à l'étage supérieure de la grange. Ils s'étaient à peine endormis quand tout s'est enchaîné.

Quelqu'un dans la résistance les avaient vendus aux allemands. Ceux-ci avaient envoyé un contingent de soldats entourant la grange avant d'ouvrir le feu avec des mitrailleuses lourdes et des tirs d'armes légères. Ils ont découvert qu'ils n'étaient pas complètement encerclés par les allemands, en sortant du piège. Pendant les heures qui ont suivi, tout était confusion car les hommes restaient juste hors de portée des allemands. Ils ont finalement trouvé un agent qui leur a dit qu'il avait été informé qu'ils étaient entièrement encerclés. Le jour suivant, ils ont décidé de faire une pause. Peu après minuit, ils ont traversé une route pavée qui était sensée ancrer l'une des limites de l'encerclement que les allemands avaient mis en place. Ils ont traversé quelques prairies et ont finalement atteint la sécurité relative de quelques collines. Sans être dérangés par les allemands, les deux jours suivants furent passés à regrouper les parachutistes qui s'étaient échappés. Une infirmière française et un médecin du village voisin ont pris soin des blessés. Sans plans immédiats et ayant peu à faire, ils en profitent pour se reposer. Ils apprennent la percée de Saint Lo et qu'il y avait un élément de division blindée dans une ville appelée Vannes. Ils finissent par parler avec le Général commandant la 4ème division blindée. Ils lui donnent toutes les informations en leur possession.

John a été placé à bord d'un transport toujours en civil composé d'un pantalon marron, d'une veste de sport légère, d'une chemise et de ses bottes GI. John s'est retrouvé au quartier général de la troisième armée où il a rencontré un Colonel avec qui il a servi aux Etats-Unis. Le Colonel le fait attendre sous une tente. Quelques premiers Lieutenants sont entrés peu de temps après et sont enthousiastes à propos de John et de la tenue dans laquelle il est habillé. John n'a pu les convaincre qu'il était américain et s'est vite retrouvé escorté à la prison lorsqu'ils ont croisé une jeep transportant un Général qui s'est avéré être le Général Georges S.PATTON. PATTON a arrêté sa jeep et a demandé à savoir ce qui se passait. En donnant au général un aperçu rapide, John s'est retrouvé sous la tente de guerre. Il informe de ce qu'il sait des forces allemandes dans la région. Le Général PATTON, satisfait, le fait ramener dans un avion de liaison au 428th Fighter Squadron.
Le résultat du bombardement et du mitraillage de cette 40ème mission fut excellent. En plus d'avoir atteint la ligne de chemin de fer à différents endroits, le 428th s'adjugea la destruction d'un pont au Nord de Ploërmel. 
L'escadrille rouge du Major HEDLUND enregistra des dommages sur une locomotive suite à son mitraillage. Le Flight jaune du Capitaine DOYLE mit un fourgon hors service et les escadrilles bleues et vertes mirent en flamme une quinzaine de véhicules transportant du charbon. Ainsi le 428th prouva une fois de plus que si la météo lui donnait une opportunité, aucune cible n'était à l'abri des balles et des bombes du Groupe.

Ses amis officiers n'eurent que peu de temps pour réfléchir sérieusement à la disparition du Capitaine MacKAY. Exactement trois heures après le premier atterrissage les pilotes prenaient l'air à nouveau pour une nouvelle mission de destruction de voies ferrées, l'objectif était une voie unique passant au Sud-Ouest de Nogent en direction des faubourgs du Mans. A nouveau les résultats de bombardement furent bons grâce à une météo CAVU (ceiling and visibility unlimited : plafond et visibilité illimités) et à l'excellente navigation du Major HEDLUND. Du mitraillage fut effectué dans la zone de bombardement et le long de l'itinéraire sur des groupes isolés de wagons de marchandises et de petites centrales électriques. Le Lt « Bobo » HANSON menait le Flight jaune lors de cette mission n°41, comme prévu, le jeune homme fit un travail de premier ordre....

Le 9 août fut marqué par deux événements importants, le plus sensationnel fut le retour complètement inespéré du Capitaine MacKAY à l'escadron qui avait été porté disparu en action depuis qu'il avait sauté au-dessus de la péninsule de Brest le 12 juin. Pas de nouvelle n'avait été reçue sur le sort du populaire officier depuis cette date, par conséquent cette soudaine réapparition fut une agréable surprise. Il avait atterri sain et sauf, combattu côte à côte avec des parachutistes Français et des FFI et enfin était revenu rejoindre les premières lignes Américaines.

 

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